La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2015 | FRANCE | N°14-83836

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juin 2015, 14-83836


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Paris, - L'association Collectif féministe contre le viol, - L'association Chiennes de garde,- L'association Le Mouvement français pour le planning familial,- L'association Femmes solidaires,- L'association Fédération nationale solidarité femmes, parties civiles,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-7, en date du 14 mai 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Aurélien X..., des chefs d'injures publ

iques à raison du sexe et de provocation à la haine ou à la violence à r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Paris, - L'association Collectif féministe contre le viol, - L'association Chiennes de garde,- L'association Le Mouvement français pour le planning familial,- L'association Femmes solidaires,- L'association Fédération nationale solidarité femmes, parties civiles,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-7, en date du 14 mai 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Aurélien X..., des chefs d'injures publiques à raison du sexe et de provocation à la haine ou à la violence à raison du sexe, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour les parties civiles par la société civile professionnelle Gadiou - Chevallier, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 23, 24, 29, 33, 65 de la loi du 29 juillet 1881, des articles préliminaire, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense et atteinte au principe du contradictoire, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce l'arrêt attaqué a constaté l'acquisition de la prescription de trois mois faute d'acte interruptif, entre le 6 mars et le 6 juin 2010 à minuit, a déclaré l'action engagée prescrite et a déclaré irrecevables du fait de l'acquisition de la prescription les constitutions des cinq parties civiles ;
"aux motifs que les appels du prévenu, des parties civiles et du ministère public ont été formés selon les formes légales et dans le délai de quinze jours prévu par les articles 498 et 500 du code de procédure pénale ; qu'il seront reçus par la cour ; qu'il convient de rappeler qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2014, les deux délits reprochés au prévenu étaient soumis à la prescription de trois mois de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, et que l'exception de prescription constitue une exception péremptoire d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge sans qu'il y ait lieu d'en aviser les parties ; qu'au cas d'espèce, la plainte avec constitution de partie civile du 12 août 2009, suivie du versement de la consignation le 9 octobre, soit dans le délai imparti, a régulièrement interrompu le délai de prescription des faits dénoncés comme ayant été commis les 13 mai et 15 juillet 2009 ; que les actes des 15 octobre (ordonnance de soit communiqué prise en application de l'article 86 du code de procédure pénale), 27 octobre 2009 (réquisitions du ministère public tendant en application de l'article 86, alinéa 3, du code de procédure pénale), 27 novembre 2009 (lettre par laquelle Mme le doyen des juges d'instruction rappelait aux parties civiles les réquisitions du ministère public et sa volonté qu'elles soient respectées), ordonnance de soit communiqué du 17 février 2010 et réquisitoire introductif du 5 mars 2010 ont également interrompu le délai de prescription de trois mois ; que, par l'effet de ce dernier acte interruptif, un nouvel acte d'instruction devait intervenir avant le 6 juin 2010 à minuit ; que le seul acte accompli par le magistrat instructeur est une lettre, datée du 15 mars 2010, par laquelle il demande au conseil des parties civiles ayant engagé l'action publique de lui fournir des documents au motif qu'il sont indispensables pour justifier de la capacité à agir de trois des associations ; que ce courrier n'est pas un acte d'instruction selon l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 modifié ; qu'en conséquence, un acte d'instruction ou une demande d'acte, émanant des parties civiles, devaient intervenir avant le 6 juin 2010 à minuit ; que seule figure au dossier l'ordonnance de soit communiqué du 29 juillet 2010 cotée D 69 au dossier de la procédure ; que la cour constate l'acquisition de la prescription à la date du 16 juin 2010 ; qu'en effet, le fait que le conseil des parties civiles a répondu le 20 avril 2010 au juge d'instruction en lui indiquant lui adresser deux récépissés de déclarations des associations "Collectif féministe contre le viol" et "Chiennes de garde" et n'avoir pas reçu le récépissé de l'association "Fédération nationale solidarité" n'est pas un acte d'instruction, aucun effet interruptif de la prescription n'étant reconnu aux lettres et réponses adressées par un auxiliaire de justice au juge d'instruction désigné ; que le fait que la loi du 27 janvier 2014, intervenue en cours d'instance, a étendu le délai de prescription des deux infractions poursuivies, à une année est indifférent car les faits étaient prescrits le 16 juin 2010 soit avant l'entrée en vigueur de cette loi ; que, pour ces motifs, le jugement sera infirmé et l'acquisition de la prescription jugée acquise ; que les constitutions des parties civiles seront en conséquence déclarées irrecevables du fait de l'acquisition de la prescription ;
"1°) alors qu'il résulte des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble l'article 8 du même code que les juges répressifs ne peuvent prononcer d'office la prescription de l'action publique sans avoir permis aux parties d'en débattre ; que la cour d'appel, statuant sur la plainte avec constitution de partie civile des cinq associations plaignantes des chefs d'injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur sexe, de provocation à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, a, d'office, et sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, relevé la prescription de l'action publique ; qu'en statuant ainsi, elle a donc méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense en violation des textes visés au moyen ;
"2°) alors que le juge d'instruction avait, par commission rogatoire délivré le 7 mai 2010, chargé la brigade de répression du banditisme et du proxénétisme de procéder à certaines opérations ; que cet acte d'instruction, intervenu à l'intérieur de la période comprise entre le 6 mars et le 6 juin 2010 retenue par l'arrêt pour dire prescrite l'action publique, avait interrompu la prescription à l'intérieur du délai de trois mois et avait fait courir un nouveau délai de trois mois qui n'était évidemment pas expiré au 6 juin 2010 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; "
Sur le second moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi et défaut de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le moyen du procureur général et sur le moyen des parties civiles, pris en sa première branche :
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 8 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que les juges ne peuvent prononcer d'office la prescription de l'action publique sans avoir permis aux parties d'en débattre ;
Attendu que la cour d'appel, saisie de poursuites engagées contre M. X... des chefs susvisés, a, d'office, et sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, constaté la prescription de l'action publique puis déclaré irrecevables les constitutions des cinq parties civiles ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen de cassation proposé par le procureur général ni la seconde branche du moyen proposé pour les parties civiles :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 mai 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-83836
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESCRIPTION - Action publique - Exception - Relèvement d'office - Principe du contradictoire - Respect - Nécessité

DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Cour d'appel - Procédure - Débats - Débats relatifs au relèvement d'office d'un moyen - Nécessité CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Cour d'appel - Droits de la défense - Débats - Débats relatifs au relèvement d'office d'un moyen - Nécessité

Méconnaît les dispositions des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 et préliminaire du code de procédure pénale la cour d'appel qui relève d'office la prescription de l'action publique sans avoir permis aux parties d'en débattre


Références :

article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme

articles préliminaire et 8 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mai 2014

Sur l'interdiction pour le juge de relever d'office la prescription de l'action publique sans avoir permis aux parties d'en débattre, dans le même sens que :Crim., 8 janvier 2013, pourvoi n° 12-81045, Bull. crim. 2013, n° 9 (cassation), et les arrêts cités.En sens contraire :Crim., 6 mai 2003, pourvoi n° 02-84348, Bull. crim. 2003, n° 92 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jui. 2015, pourvoi n°14-83836, Bull. crim. 2016, n° 836, Crim., n° 239
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 836, Crim., n° 239

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: M. Finidori
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.83836
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award