LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Groupe Innovapesage,- Mme Valérie X... épouse Y...,- M. Laurent Y...,- La société Centre Technique de Valorisation d'Instruments de Mesure (C. T. V. I. M), parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 9 avril 2014, qui, dans la procédure suivie sur leurs plaintes contre M. Joao Carlos Z... du chef de diffamation publique envers un particulier, a constaté l'extinction de l'action publique et a prononcé sur l'action civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, et 50 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le défaut de précision, dans une plainte avec constitution de partie civile ou un réquisitoire introductif visant les articles 29 et 32 de la loi sur la presse, des alinéas de ces articles sur lesquels sont fondées les poursuites n'est sanctionnée par la nullité prévue par l'article 50 de cette loi que s'il en est résulté dans l'esprit du prévenu une incertitude sur les infractions dont il avait à répondre ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de propos diffusés sur un blog, sous couvert de l'anonymat, la société Groupe Innovapesage, ainsi que M. et Mme Y... ont porté plainte et se sont constitués parties civiles, le 13 septembre 2011 du chef de diffamation publique envers un particulier, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, le 17 novembre 2011, la société C. T. V. I. M a également porté plainte et s'est constituée partie civile pour des propos publiés sur ce blog, sous la même qualification et au visa des mêmes textes ;
Attendu que le procureur de la République a pris, sur la première plainte, le 22 novembre 2011, un réquisitoire introductif du chef de diffamation publique envers un particulier et, sur la seconde, le 10 janvier 2012, un réquisitoire distinct, du même chef, aucun de ces deux actes ne visant les textes applicables ;
Attendu que les investigations du juge d'instruction, qui a joint les deux plaintes, ont conduit à l'identification de l'auteur des propos litigieux en la personne de M. Z... ; qu'à l'issue de l'information, le magistrat instructeur a renvoyé ce dernier devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers un particulier, au visa, notamment, des articles 29, alinéa 1 et 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, devant le tribunal, le prévenu a invoqué l'extinction de l'action publique en faisant valoir, d'une part, que les plaintes avec constitution de partie civile ayant mis en mouvement l'action publique n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu'elles ne précisaient pas les alinéas des articles 29 et 32 dont elles demandaient l'application, d'autre part, que cette irrégularité n'avait pu être palliée par les réquisitoires introductifs qui ne visaient aucun texte ; que le tribunal a écarté l'exception et déclaré M. Z... coupable des délits ; que le ministère public et les parties ont interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que, pour infirmer la décision entreprise et constater la prescription de l'action publique, en application de l'article 50 de la loi sur la presse, l'arrêt retient qu'en visant de manière globale l'article 29 et l'article 32 de cette loi, les deux plaintes avec constitution de partie civile ne permettent pas au prévenu de se défendre sur des éléments de poursuite clairs et précis et qu'elles doivent en conséquence être annulées, de même que les réquisitoires qui ne visent aucun texte ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il ne pouvait résulter, en l'espèce, dans l'esprit du prévenu, aucune ambiguïté sur l'objet et l'étendue de la poursuite et sur la qualification donnée aux faits par les plaintes, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 9 avril 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.