LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a modifié les modalités d'exercice des droits de visite et d'hébergement accordés à Mme X... à l'égard de son fils A..., né le 27 janvier 2001, dont la résidence avait été fixée chez son père, M. Y..., depuis le prononcé du divorce de ses parents, par arrêt du 5 juin 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 373-2 et 373-2-8 du code civil ;
Attendu que les juges, lorsqu'ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale d'un parent à l'égard de son enfant, ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère ;
Attendu que l'arrêt dit que la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles la mère peut exercer son droit d'accueil à l'égard de son fils A... seront déterminées à l'amiable entre les parties, en tenant compte de l'avis du mineur ;
Qu'en subordonnant ainsi l'exécution de sa décision à la volonté de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 373-2, alinéa 2, et 373-2-6 du code civil ;
Attendu que le parent, qui exerce conjointement l'autorité parentale, ne peut se voir refuser le droit de maintenir des relations personnelles avec l'enfant que pour des motifs graves tenant à l'intérêt de celui-ci ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... tendant à voir dire qu'elle pourra appeler son fils au téléphone deux fois par semaine aux jours et heures proposés par M. Y..., l'arrêt retient qu'il doit être mis fin à la périodicité des appels téléphoniques afin de dégager A... de tout comportement maternel débordant et inadapté ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la gravité de la situation à laquelle l'enfant était exposé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles Madame X... peut exercer son droit d'accueil à l'égard de son fils A... sont déterminées à l'amiable entre les parties, en tenant compte de l'avis du mineur ;
AUX MOTIFS PROPRES Qu'il ressort des débats et des pièces qu'antérieurement à la procédure, le couple Y...- X... a connu une période d'intense conflit s'avérant particulièrement néfaste à l'équilibre de A..., que l'enfant est en grande souffrance, qu'il présente des troubles du comportement, le docteur Z... précisant dans un long courrier adressé à Madame Chrystelle X..., le 26 mai 2011, que A... « présente un grave trouble de la personnalité associant une grande immaturité psychoaffective, une profonde insécurité avec des angoisses à la fois de perte, mais également de néantisation, un trouble du contact à la réalité avec confusion réel-imaginaire ainsi qu'une instabilité psychomotrice, des difficultés de concentration, des débordements pulsionnels, des mouvements de tête et du corps traduisant des angoisses massives » ; qu'il est également établi que bien que connaissant la fragilité de son fils, Madame Chrystelle X... n'a pas hésité à se servir de lui dans le cadre du conflit qui l'oppose à son ex-époux en le poussant à téléphoner à SOS enfants battus pour qu'il dénonce des faits de maltraitance commis à son encontre par son père et sa belle-mère, dont l'enquête approfondie diligentée par la gendarmerie a permis de faire ressortir le caractère mensonger ; que cet épisode a eu un important retentissement sur A... qui ne veut plus voir sa mère ; que la seule solution pour qu'il s'apaise et arrive à mettre à distance une relation maternelle actuellement trop marquée d'emprise passe par un droit de visite et d'hébergement laissé à son appréciation ; le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE Qu'en application de l'article 373-2-6 du Code civil, le Juge aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ; qu'au travers d'un courrier daté du 26 mai 2011 adressé à Madame X..., le Docteur Z..., pédopsychiatre, explique que A... « présente un grave trouble de la personnalité associant une grande immaturité psychoaffective, une profonde insécurité avec des angoisses à la fois de perte, mais également de néantisation, un trouble du contact à la réalité avec confusion réel-imaginaire ainsi qu'une instabilité psychomotrice, des difficultés de concentration, des débordements pulsionnels, des mouvements de tête et du corps traduisant ses angoisses massives » ; qu'il résulte de ce courrier que A... est un enfant fragile, ce que Madame X... n'ignore pas ; qu'au cours de l'exercice de l'un de ses droits de visite et d'hébergement, Madame X... a demandé à A... de téléphoner à SOS enfants battus aux fins de dénoncer des faits de violences qui auraient été commis sur lui par Monsieur Y... et son épouse ; que, cependant, il ressort de l'enquête de gendarmerie qui a suivi, mais aussi des enquêtes sociales qui avaient déjà eu lieu, que Monsieur Y... et son épouse prennent en charge A... de manière tout à fait satisfaisante ; que les travailleurs sociaux et le personnel enseignant ont noté que Monsieur Y... et son épouse sont soucieux de trouver des solutions adaptées aux difficultés de A... et que la prise en charge matérielle du mineur est satisfaisante ; qu'aucun signe de maltraitance n'a été constaté par ces différents intervenants ; que les soeurs de A..., dont l'une vit également au domicile de Monsieur Y..., ont également nié tout mauvais traitement de la part de leur père ; que, lors de son audition, A... a indiqué qu'il ne voulait pas appeler l'association SOS enfants battus mais l'avait fait parce que sa mère insistait depuis une heure pour qu'il dénonce des violences de la part de son père ; que A... a expliqué que les faits dénoncés n'étaient pas vrais et qu'il ne rencontrait pas de problèmes chez son père ; que A... a répété à plusieurs reprises qu'il ne souhaitait plus aller chez sa mère dans la mesure où il s'ennuyait ; que, dès lors, il apparaît que Madame X..., afin de se voir confier son fils, n'a pas hésité à dénoncer des faits mensongers de la part de Monsieur Y... et son épouse ; qu'agissant ainsi, elle n'a pas craint de déstabiliser son fils dont elle connaît parfaitement les difficultés ; que, dans ces conditions, il convient de permettre à A... de se rendre chez sa mère quand il sera prêt et aura retrouvé confiance en elle ; qu'un droit d'accueil libre doit être organisé au profit de Madame X... sur son fils A..., s'exerçant à commune volonté des parties et en tenant compte de l'avis du mineur ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges, lorsqu'ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale d'un parent à l'égard de son enfant, ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère ; qu'en énonçant qu'un droit d'accueil libre doit être organisé au profit de Madame X... sur son fils A..., s'exerçant à commune volonté des parties, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 373-2, 373-2-8 et 373-2-9 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si les juges peuvent prendre en compte l'attitude de l'enfant pour fixer les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement accordé à un de ses parents, ils ne peuvent déléguer leurs pouvoirs en subordonnant l'exécution de leur décision à la volonté de l'enfant ; qu'en énonçant qu'un droit d'accueil libre doit être organisé au profit de Madame X... sur son fils A..., s'exerçant à commune volonté des parties et en tenant compte de l'avis du mineur, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 373-2, 373-2-8 et 373-2-9 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 4 et 5), Madame X... avait réfuté « l'argumentation retenue par le premier juge aux termes de laquelle la concluante n'aurait pas hésité à dénoncer des faits mensongers risquant ainsi de déstabiliser son fils » en faisant valoir que les propos de son fils pouvaient s'expliquer par le fait que celui-ci ne différenciait pas le monde réel et le monde imaginaire, comme cela avait été souligné dans l'analyse du docteur Z... ; qu'en se bornant à énoncer qu'il est établi que bien que connaissant la fragilité de son fils, Madame Chrystelle X... n'a pas hésité à se servir de lui dans le cadre du conflit qui l'oppose à son ex-époux en le poussant à téléphoner à SOS enfants battus pour qu'il dénonce des faits de maltraitance commis à son encontre par son père et sa belle-mère, sans répondre à ce moyen essentiel soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la totalité des trajets inhérents à l'exercice de son droit d'accueil sont pris en charge par Madame Chrystelle X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement déféré sera également confirmé du chef de la charge des trajets, Madame Chrystelle X... ne justifiant d'aucune circonstance particulière permettant de déroger au principe selon lequel celui qui bénéfice du droit de visite et d'hébergement et y a finalement intérêt doit supporter la contrainte d'aller chercher l'enfant à sa résidence et de l'y reconduire, et ce d'autant moins qu'elle reconnaît elle-même dans ses concluions venir régulièrement dans le département de l'INDRE ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE la totalité des trajets inhérents à l'exercice de ce droit sera pris en charge par Madame X... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, dans les conclusions d'appel (p. 7), Madame X... indiquait que ses revenus « sont quasiment inexistants, celle-ci communique en la présente procédure ses déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires auprès du RSI pour les années 2009 à 2011 ainsi que l'attestation pour l'année 2012 de versement par la CAF du RSA (pièce 12). Dès lors, celle-ci sera en peine pour assumer la totalité des coûts du transport » ; qu'en se bornant, pour confirmer le jugement déféré du chef des trajets, à se fonder sur un soi-disant principe « selon lequel celui qui bénéfice du droit de visite et d'hébergement et y a finalement intérêt doit supporter la contrainte d'aller chercher l'enfant à sa résidence et de l'y reconduire », sans répondre au moyen essentiel soulevé dans les conclusions de l'exposante, et portant sur la nécessité de garantir la continuité du maintien des liens de l'enfant avec sa mère, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans toutes les décisions qui le concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en énonçant, pour confirmer le jugement déféré du chef de la charge des trajets, que Madame Chrystelle X... ne justifiait d'aucune circonstance particulière permettant de déroger au principe selon lequel celui qui bénéfice du droit de visite et d'hébergement et y a finalement intérêt doit supporter la contrainte d'aller chercher l'enfant à sa résidence et de l'y reconduire, la Cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs sans rapport avec l'intérêt des enfants considéré comme primordial, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-6 du Code civil et de l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Madame X... tendant à voir dire qu'elle pourra appeler A... au téléphone deux fois par semaine aux jours et heures proposés par Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS QUE c'est également à bon droit que la décision déférée a mis fin à la périodicité des appels téléphoniques, seule décision apte à dégager A... de tout comportement maternel débordant et inadapté ;
ALORS QUE chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent et que le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents ; qu'en énonçant, après avoir jugé que le droit de visite et d'hébergement de la mère sera déterminé à l'amiable entre les parties, en tenant compte de l'avis du mineur, que c'est à bon droit que la décision déférée avait mis fin à la périodicité des appels téléphoniques, « seule décision apte à dégager A... de tout comportement maternel débordant et inadapté », la Cour d'appel, qui n'a pas pris de mesure permettant le maintien des relations entre la mère et l'enfant, a violé les dispositions des articles 373-2, alinéa 2, et 373-2-6 du Code civil.