LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 24 octobre 2013) et les productions, que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn (la caisse) a pris en charge, les 20 septembre 2009 et 20 septembre 2010, l'accident du travail, puis la rechute déclarés par Mme X..., employée en qualité de gestionnaire technique par la société Omnium gestion, aux droits de laquelle est venue la société Cabinet immobilier conseil et gestion (l'employeur), ultérieurement placée en liquidation judiciaire ; que la victime ayant saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dernier a contesté l'opposabilité, à son égard, des décisions de la caisse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que les sommes allouées à Mme X..., dont la caisse fera l'avance, feront l'objet d'une fixation de créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire et de juger ainsi que la prise en charge de la rechute lui est opposable, alors, selon le moyen :
1°/ que préalablement à sa décision, la caisse primaire d'assurance maladie doit adresser à l'employeur le double de la demande de prise en charge de la rechute que lui a adressée la victime ou le certificat médical faisait état de la rechute, ainsi que tous les documents susceptibles de faire grief à l'employeur, tel que l'avis du médecin conseil ; qu'à défaut, la décision de prise en charge de la rechute par la caisse est inopposable à l'employeur ; que M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CICG, faisait valoir que la caisse n'avait adressé à la société ni le double de la demande de reconnaissance de la rechute déposée par Mme X... ni la copie du certificat médical faisant état de la rechute ; que la caisse reconnaissait ne pas avoir adressé à la société CICG ces documents, mais faisait valoir qu'elle avait invité la société à prendre connaissance du dossier de rechute par lettre recommandée avec accusé de réception à la fin de l'instruction et préalablement à sa prise de décision, de sorte que l'employeur avait disposé d'un délai de quatorze jours pour faire valoir ses observations ; qu'en jugeant que la décision de prise en charge de la rechute de l'accident au titre de la législation professionnelle était opposable à M. Y..., ès qualités, tandis qu'il n'était pas contesté par la caisse qu'elle n'avait communiqué à l'employeur ni le double de la demande de prise en charge de la rechute ou le certificat médical faisant état de la rechute, ni l'avis du médecin conseil, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que le fait, pour un employeur, d'opposer à la demande formée contre lui par son salarié, en vue d'obtenir une indemnisation complémentaire en raison de sa faute inexcusable, l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident ou d'une rechute, ne tend pas à remettre en cause cette décision et ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'employeur n'est pas tenu de saisir la commission de recours amiable préalablement à l'exception qu'il soulève ; qu'en jugeant que la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de Mme X... était opposable à M. Y... ès qualités, la société CICG n'ayant pas saisi la commission de recours amiable dans le délai de deux mois et la décision étant dès lors devenue définitive, la cour d'appel a violé l'article R. 142-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que, selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire ;
Et attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la décision de prise en charge de la rechute en date du 20 septembre 2010 a été notifiée à l'employeur, lequel en a accusé réception le 27 septembre suivant, et que la notification l'avertissait de la possibilité de contester cette décision devant la commission de recours amiable dans un délai de deux mois ;
Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence de recours dans le délai imparti, la décision de prise en charge de la rechute était devenue définitive à l'encontre de l'employeur ;
D'où il suit qu'inopérant en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ainsi que sur la première branche du second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Cabinet immobilier conseil et gestion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités, et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que les sommes allouées au bénéfice de Mme X..., dont la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn fera l'avance, feront l'objet d'une fixation de créance, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Cabinet Immobilier Conseil et Gestion (CICG) et d'avoir ainsi jugé que la prise en charge de l'accident du travail par la caisse était opposable à la société CICG ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' il est constant en l'espèce que l'employeur a, lors de l'accident survenu à Mme X..., adressé à la caisse une déclaration d'accident du travail exempte de réserves, mais faisant une mention inexacte de l'horaire de travail de la salariée, précisant qu'elle commençait son travail à 9h au lieu de 8h30 ; que c'est en raison d'un décalage entre l'heure à laquelle est survenu l'accident et l'heure de prise de service de la salariée que la caisse a, dans un premier temps, pris en charge l'accident au titre d'accident de travail ; que la décision initiale de la caisse de refus de prise en charge de l'accident dont Mme X... a été victime au titre d'un accident du travail a été notifiée à la salariée le 8 octobre 2008, mais ne l'a pas été à l'employeur, qui ne peut de ce fait, se prévaloir du fait que la décision de la caisse lui serait définitivement acquise ; qu'en l'absence de réserves de la société employeur, la caisse, qui a la possibilité de renoncer à sa contestation préalable du caractère professionnel de l'accident, n'est pas tenue de mettre en oeuvre, avant sa décision, les diligences énoncées à l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ; que c'est donc à bon droit que le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn, qui a par ailleurs tenu l'employeur informé du recours de l'assurée et de la procédure suivie devant la commission de recours amiable, a jugé que la prise en charge de l'accident du travail par la caisse était opposable à la société ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il est soutenu par l'employeur que la requalification opérée par la caisse le 26 novembre 2009 à la suite du recours formé par la victime le 21 novembre 2008 auprès de la commission de recours amiable lui est inopposable dès lors que ce recours a été formé hors délai, qu'il n'a pas été appelé dans ce contentieux et que la décision initiale, retenant la qualification d'accident de trajet, lui était définitivement acquise ; que faisait valoir que la victime d'un accident de trajet ne peut invoquer à l'encontre de son employeur l'existence d'une faute inexcusable, il fait plaider que la demande de Mme X... est irrecevable ; mais que d'une part Mme X... était en droit de solliciter cette requalification sans que puisse lui être opposé le délai de l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale, que ne mentionnait pas la notification du 11 juillet 2007, et que d'autre part la caisse, pour faire droit à sa demande, n'a procédé à aucune instruction complémentaire ; qu'elle a pris sa décision au vu de documents connus de l'employeur et plus spécialement d'une attestation qu'il avait lui-même établi faisant apparaître que le jour de l'accident, Mme X... avait commencé sa journée de travail à 8h30 et non pas à 9h comme il l'avait indiqué par erreur dans la déclaration initiale d'accident du travail ; qu'en tout état de cause il peut d'autant moins lui reprocher de ne pas l'avoir tenu informé du contentieux initié devant la commission de recours amiable que par lettre du 28 novembre 2008, elle l'avait avisé du recours formé par la victime en lui donnant copie, qu'elle l'avait invité à consulter les pièces constitutives du dossier et qu'il n'avait fait aucune observation ; qu'enfin et surtout l'obligation d'information de l'employeur prévue par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne vise pas les décision de la commission de recours amiable ; qu'il n'est pas non plus fondé à soutenir qu'en toute hypothèses la décision initiale, retenant la qualification d'accident du trajet et rejetant implicitement la qualification d'accident du travail, doit lui rester acquise ; qu'en effet cette décision, qui ne lui a pas été notifiée et qui n'était pas définitive à son égard, peut d'autant moins lui prévaloir pour faire échec aux droits de la victime ; qu'en tout état de cause il a été tenu informé du recours dont elle faisait l'objet de la part de l'assurée et associé à la procédure suivie devant la commission de recours amiable ; qu'au demeurant, même si cette décision devait être considérée comme définitive à son égard, les rapports entre la caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre la caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur, de sorte que le fait que la qualification en définitive retenu par la caisse soit inopposable à l'employeur ne saurait priver la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de celui-ci, le tribunal étant en mesure, après débat contradictoire, de restituer aux faits leur qualification exacte et d'en tirer les conséquences sur le terrain de la faute inexcusable ; que l'action de Mme X... est donc recevable ;
ALORS QUE lorsque le salarié n'a formé aucun recours contre la décision de refus d'une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de prendre en charge un accident au titre de la législation professionnelle, la caisse, qui peut renoncer à se prévaloir de l'absence de recours du salarié, peut rapporter sa décision et notifier au salarié une nouvelle décision de prise en charge ; qu'il en va autrement lorsque le salarié a formé un recours devant la commission de recours amiable de la caisse ; que dans un tel cas, la CPAM a jusqu' à l'expiration du délai du recours pour rapporter sa décision ; qu'il appartient ensuite à la seule commission de recours amiable de statuer sur la demande, la CPAM étant dessaisie et ne pouvant plus rapporter sa décision ; qu'en l'espèce, la CPAM faisait valoir que la commission de recours amiable ne s'était jamais réunie et n'avait jamais statué, le recours étant devenu sans objet en raison de la production par Mme X... d'une attestation précisant ses horaires de travail, et que la requalification d'accident de trajet en accident de travail avait pu se faire directement par le service accident de travail de la CPAM, par lettre du 26 novembre 2009 (concl. CPAM, p. 4 et 5) ; qu'il ressort de ces écritures que la caisse a rapporté sa décision après l'expiration du délai du recours, tandis que Mme X... avait formé un recours devant la commission, de sorte que la CPAM était dessaisie ; qu'en jugeant cependant que la nouvelle décision de la caisse de prise en charge de l'accident en accident du travail était opposable à la société CICG, tandis que Mme X... avait formé un recours devant la commission et que la caisse avait rapporté sa décision après l'expiration du délai du recours, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11, R. 441-14 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que les sommes allouées au bénéfice de Mme X..., dont la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn fera l'avance, feront l'objet d'une fixation de créance, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Cabinet Immobilier Conseil et Gestion (CICG) et d'avoir ainsi jugé que la décision de la caisse de prise en charge de la rechute de l'accident au titre de la législation professionnelle était opposable là la société CICG ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' il résulte des pièces versées aux débats que la CPAM a adressé le 31 août 2010 à la société Cabinet Immobilier Conseil et Gestion, qui en a accusé réception le 6 septembre 2010 une lettre l'informant de la clôture de l'instruction du dossier de rechute et lui indiquant que la décision serait prise le 20 septembre 2010, de sorte que l'employeur a disposé d'un délai suffisant pour consulter le dossier et répondre aux éléments susceptibles de lui porter grief ; qu'en tout état de cause, la décision de prise en charge du 20 septembre 2010, notifiée à la société Cabinet Immobilier Conseil et Gestion, qui en a accusé réception le 27 septembre 2010, est devenue définitive à son encontre ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES que la décision de prise en charge de la rechute du 18 juin 2010 a été notifiée à l'employeur le 20 septembre 2010 ; que cette notification, conformément aux dispositions de l'article R. 441-14 susvisé, pris dans sa rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, entré en vigueur le 1er janvier 2010, l'avertissait de la possibilité de contester cette décision devant la commission de recours amiable dans un délai de deux mois ; qu'il n'a pas exercé cette voie de recours et que la décision de prise en charge de la rechute est donc définitive ;
1°) ALORS QUE l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de l'accident initial au titre de la législation professionnelle a pour effet de lui rendre inopposable la décision de prise en charge de la rechute ; qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui interviendra sur l'opposabilité à M. Y..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CICG, de la décision de prise en charge de l'accident de Mme X... en accident du travail, entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef de dispositif jugeant que les sommes allouées au bénéfice de Mme X... au titre de la prise en charge de sa rechute feront l'objet d'une fixation de créance au passif de la société CICG ;
2°) ALORS QUE préalablement à sa décision, la caisse primaire d'assurance maladie doit adresser à l'employeur le double de la demande de prise en charge de la rechute que lui a adressée la victime ou le certificat médical faisait état de la rechute, ainsi que tous les documents susceptibles de faire grief à l'employeur, tel que l'avis du médecin conseil ; qu'à défaut, la décision de prise en charge de la rechute par la caisse est inopposable à l'employeur ; que M. Y..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CICG, faisait valoir que la caisse n'avait adressé à la société ni le double de la demande de reconnaissance de la rechute déposée par Mme X... ni la copie du certificat médical faisant état de la rechute (concl., p. 13) ; que la caisse reconnaissait ne pas avoir adressé à la société CICG ces documents, mais faisait valoir qu'elle avait invité la société à prendre connaissance du dossier de rechute par lettre recommandée avec accusé de réception à la fin de l'instruction et préalablement à sa prise de décision, de sorte que l'employeur avait disposé d'un délai de 14 jours pour faire valoir ses observations (concl. CPAM, p. 7) ; qu'en jugeant que la décision de prise en charge de la rechute de l'accident au titre de la législation professionnelle était opposable à M. Y... ès-qualités, tandis qu'il n'était pas contesté par la caisse qu'elle n'avait communiqué à l'employeur ni le double de la demande de prise en charge de la rechute ou le certificat médical faisant état de la rechute, ni l'avis du médecin conseil, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QUE le fait, pour un employeur, d'opposer à la demande formée contre lui par son salarié, en vue d'obtenir une indemnisation complémentaire en raison de sa faute inexcusable, l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident ou d'une rechute, ne tend pas à remettre en cause cette décision et ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'employeur n'est pas tenu de saisir la commission de recours amiable préalablement à l'exception qu'il soulève ; qu'en jugeant que la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de Mme X... était opposable à M. Y... ès-qualités, la société CICG n'ayant pas saisi la commission de recours amiable dans le délai de deux mois et la décision étant dès lors devenue définitive, la cour d'appel a violé l'article R. 142-2 du code de la sécurité sociale.