LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 14-13. 979 et N 13-28. 054 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 31 décembre 1993, le Comptoir des entrepreneurs a consenti un prêt à M. X... ; qu'une hypothèque a été inscrite sur un immeuble appartenant en indivision à celui-ci et à Mme Y... pour garantir la créance ; que, se prévalant de celle-ci, le Crédit foncier de France les a assignés en liquidation de l'indivision et pour voir ordonner la licitation de l'immeuble ;
Sur le premier moyen des pourvois qui sont rédigés en termes identiques :
Vu les articles 16 et 784 du code de procédure civile ;
Attendu que, lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision, qui doit être motivée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats, ou sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci ;
Attendu que, pour statuer au vu de conclusions qui avaient été signifiées par le Crédit foncier de France après l'ordonnance de clôture du 22 mai 2013 en réponse aux conclusions signifiées la veille de celle-ci par M. X..., l'arrêt relève que la société appelante avait fait état d'une cause grave justifiant que la clôture fût révoquée et reportée au jour des débats ;
Qu'en procédant ainsi, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens identiques produits aux pourvois n° J 14-13. 979 et N 13-28. 054 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. Jean-Yves X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la liquidation et le partage de l'indivision existant entre M. Jean-Yves X... et Mme Marie Charlotte Y... et d'AVOIR ordonné qu'à la requête du Crédit Foncier de France, il soit procédé à la barre du tribunal de grande instance de Lorient à la vente sur licitation, aux enchères publiques, de l'immeuble indivis de M. X... et Mme Y... situé à Hoëdic sur une mise à prix de 180. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE sur la révocation de l'ordonnance de clôture : la veille de l'ordonnance de clôture le 21 mai 2013, l'appelant a déposé des conclusions dans lesquelles il invoque pour la première fois le moyen tiré de la prescription de l'action du Crédit Foncier de France en application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que le Crédit Foncier de France a lui-même pris des conclusions en réponse sur ce moyen après l'ordonnance du 22 mai 2013 et demande la révocation de cette ordonnance ; qu'afin d'assurer le caractère contradictoire des débats et de statuer à la demande des parties sur le moyen tiré de la prescription, il convient en raison de cette cause grave de révoquer l'ordonnance de clôture et de fixer la clôture des débats au 10 juin 2013 ;
ALORS QUE lorsque la cour d'appel révoque l'ordonnance de clôture après la clôture des débats, elle est tenue d'ordonner une réouverture de ceux-ci pour permettre aux parties d'exercer leur droit à la contradiction ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a, dans le même trait de temps, révoqué l'ordonnance de clôture rendue par le conseiller de la mise en état le 22 mai 2013, à la demande du Crédit Foncier, pour admettre les conclusions de la banque déposées postérieurement à celle-ci, et fixé la nouvelle clôture à la date du 10 juin 2013, soit celle de l'audience ; qu'en procédant de la sorte, sans rouvrir les débats, elle a violé les articles 784 et 16 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la liquidation et le partage de l'indivision existant entre M. Jean-Yves X... et Mme Marie Charlotte Y... et d'AVOIR ordonné qu'à la requête du Crédit Foncier de France, il soit procédé à la barre du tribunal de grande instance de Lorient à la vente sur licitation, aux enchères publiques, de l'immeuble indivis de M. X... et Mme Y... situé à Hoëdic sur une mise à prix de 180. 000 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la cession de créance : l'appelant soutient que Crédit Foncier de France ne justifie pas d'un intérêt à agir pour le compte d'Entenial qui elle-même venait aux droits du comptoir des entrepreneurs, faute d'avoir signifié la cession de la créance au débiteur par application des dispositions de l'article 1690 du code civil ; que ces dispositions ne sont applicables que lorsque le cédant et le cessionnaire s'accordent pour opérer un transport de créance, sans transfert de leurs patrimoines respectifs ; que dans le cas d'une fusion-absorption comme celle par laquelle tous les éléments actifs et passifs de la société Entenial ont été apportés par fusion au Crédit Foncier de France, la créance litigieuse s'est trouvée ainsi intégrée dans le patrimoine du Crédit Foncier de France qui en sa qualité de créancier peut exercer tous les droits et actions de la société Entenial sans avoir à signifier au débiteur un transfert de créance ; que de même M. X... ne peut prétendre à l'exercice d'un droit de retrait en l'absence de transport de créance ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les dispositions sur la cession de créance, prévues aux articles 1689 et suivants du Code civil, ne trouvent pas à s'appliquer lorsqu'à la suite d'une fusion de sociétés, la société absorbante vient activement et passivement aux lieu et place de la société absorbée ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites au débat que le 4 juillet 2000, avec effet rétroactif au 1er janvier 2000, la société Comptoir des Entrepreneurs a absorbé la société La Henin, la Compagnie Centrale de Crédit et de Financement Immobilier (COCEF) ainsi que la société Comptoir de Banque ; que la société Comptoir des Entrepreneurs a elle-même été absorbée par la SA Entenial, à laquelle M. X... s'est adressé à plusieurs reprises en 2004 suite aux mises en demeure reçues de celle-ci ; au titre du prêt contracté en 1993 ; que le 13 juin 2005, la SA Crédit Foncier de France qui détenait la totalité des actions de ses filiales, a absorbé : la SA Entenial, la SAS A3C et la SA Crédit Foncier Banque ; que l'apport par fusion de la société Entenial à la société Crédit Foncier de France, comprenait l'ensemble des éléments d'actif et de passif de la société absorbée et notamment le bénéfice et la charge de tous les contrats conclus par cette filiale avec les tiers, les clients, les salariés etc. ; qu'en conséquence, le tribunal doit rejeter les moyens et prétentions des défendeurs relatifs à la cession de créance, les dispositions des articles 1689 et suivants du Code civil ne trouvant pas application en l'espèce ; qu'en conséquence M. X... n'avait pas à se voir signifier la cession par le Comptoir des entrepreneurs à la société Entenial, puis par cette dernière au Crédit Foncier de France, de la créance qu'elles ont détenue chacune à leur tour contre lui, au titre du prêt contracté en 1993 ; que c'est donc à bon droit que la société demanderesse agit aujourd'hui à la place des sociétés successivement absorbées et ceci en application de l'article 1166 du code civil (jugement p. 5) ;
ALORS QUE le retrait litigieux peut être exercé quelle que soit la manière dont s'est opéré le transfert d'une créance d'un patrimoine à un autre, et notamment en cas de transmission à titre universel ; qu'au cas d'espèce, en excluant par principe que M. X... pût exercer le retrait litigieux s'agissant de la créance que détenait contre lui la société Comptoir des entrepreneurs, devenue Entenial, à la suite de la fusion-absorption de cette dernière par le Crédit Foncier de France, motif pris de l'absence de transport de créance, quand la circonstance que la créance ait été transmise à titre universel ne pouvait s'opposer à l'exercice du retrait, la cour d'appel a violé l'article 1699 du code civil, ensemble les articles L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la liquidation et le partage de l'indivision existant entre M. Jean-Yves X... et Mme Marie Charlotte Y... et d'AVOIR ordonné qu'à la requête du Crédit Foncier de France, il soit procédé à la barre du tribunal de grande instance de Lorient à la vente sur licitation, aux enchères publiques, de l'immeuble indivis de M. X... et Mme Y... situé à Hoëdic sur une mise à prix de 180. 000 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'exigibilité de la créance du Crédit Foncier de France : le Crédit Foncier de France qui dispose d'un titre exécutoire en l'acte authentique de prêt du 31 décembre 1993 a produit un décompte des sommes dues au 31 juillet 1997 qui au demeurant n'est pas contesté par M. X... ; que ce décompte détaille les sommes dues avant exigibilité et les indemnités et intérêts contractuels déduction faire d'un acompte de 25 000 € versé le 13 août 2004 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le tribunal devra également rejeter le moyen selon lequel la créance du Crédit Foncier de France ne serait pas certaine, liquide et exigible, puisque la banque produit un décompte détaillé de sa créance en date du 20 mai 2010 faisant apparaître le principal, les intérêts, les indemnités et les acomptes déjà versés par M. X..., que ce décompte ne fait l'objet d'aucune contestation précise de la part de l'emprunteur, et que d'autre part la banque, venant aujourd'hui aux droits de la société Comptoir des Entrepreneurs, dispose d'un acte notarié en date du 31 décembre 1993 ; que le tribunal constate que jusqu'à la présente procédure, M. X... n'avait pas contesté sa dette, et avait ailleurs versé des acomptes à la société Entenial, mais qu'il espérait surtout s'acquitter d'une partie importante de cette dette par la vente des deux chambres meublées hôtelières ; qu'il prétend que cette vente est en cours de finalisation aujourd'hui, mais n'en rapporte pas la preuve par la production de la promesse de vente et d'achat invoquée dans ses conclusions, pour un prix de 115 000 € ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande tendant à voir tarder à statuer, le tribunal estimant que si monsieur X... dispose très vite des fonds issus de la vente qu'il invoque, il pourra tenter de passer un accord avec la société Crédit Foncier de France pour voir surseoir ou renoncer à la licitation de sa propriété située à Hoëdic ;
1) ALORS QUE l'exercice de l'action oblique suppose l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ; que dans un prêt immobilier, la déchéance des intérêts est encourue par le prêteur lorsque l'offre de prêt n'est pas assortie d'un tableau d'amortissement ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir que le Crédit Foncier de France ne pouvait être considéré comme détenant à son encontre une créance certaine, liquide et exigible, dès lors que la banque réclamait des intérêts dont elle devait être déchue faute qu'il ait été destinataire d'une offre de prêt assortie d'un tableau d'amortissement comme le prévoit la loi (conclusions d'appel du 21 mai 2013, p. 8-9) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, avant de conclure que le Crédit Foncier pouvait se prévaloir d'une créance certaine, liquide et exigible l'autorisant à agir par la voie oblique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1166 du code civil, ensemble les articles L. 312-2, L. 312-7, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation (dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, applicable à l'espèce) ;
2) ALORS QUE M. X... faisait encore valoir qu'entre la première instance et l'appel, le Crédit Foncier avait perçu une somme de 131. 376, 10 € (à la date du 30 novembre 2011), que la banque avait elle-même intégrée dans un décompte actualisé en date du 9 octobre 2012, en imputant intégralement la somme sur les intérêts (conclusions d'appel du 21 mai 2013, p. 8) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure que la banque produisait un décompte des sommes dues qui n'était pas contesté par M. X... et que seul devait être déduit un acompte de 25. 000 € versé le 13 août 2004, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1166 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code.