LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil et l'article L. 621-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 décembre 2011, pourvoi n° 10-26.609) et les productions, que pour exploiter des liaisons aériennes avec la Corse, la société Kyrnair s'est installée sur l'aérodrome de Hyères-le-Palyvestre, géré par la chambre de commerce et d'industrie du Var (la CCI) ; qu'estimant excessif le coût des prestations d'assistance en escale fournies par la CCI, elle a demandé à celle-ci l'autorisation de pratiquer l'auto-assistance ; que cette autorisation ne lui a été accordée, après plusieurs refus, que le 24 janvier 1995 ; que le plan de continuation de la société Kyrnair, mise en redressement judiciaire le 29 mai 1995, a été résolu et la liquidation judiciaire prononcée par jugement du 11 octobre 1999 ; que le liquidateur a assigné la CCI en indemnisation, laquelle a opposé la compensation ;
Attendu que, pour rejeter la demande de compensation de la CCI, l'arrêt énonce qu'il ne peut y avoir de compensation lorsque la créance du débiteur trouve sa cause dans l'exécution abusive du contrat par son créancier et retient que tel est le cas en l'espèce, le jugement, devenu définitif sur ce point, ayant précisément retenu que la faute ayant engagé la responsabilité de la CCI résultait pour une part de facturations de redevances à un taux excessif, sans aucune adéquation à la nature et à l'importance des services fournis ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une créance résultant d'une surfacturation, procédant d'une exécution défectueuse du contrat, est connexe avec une créance née du même contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Filippi, en qualité de liquidateur de la société Kyrnair, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la chambre de commerce et d'industrie territoriale du Var
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de compensation présentée par la Chambre de commerce et d'industrie territoriale du Var ;
AUX MOTIFS QUE le jugement susvisé a notamment déclaré la chambre de commerce et de l'industrie du Var entièrement responsable du préjudice de la Sarl Kyrnair, l'a condamnée en conséquence à payer à Me Filippi, es-qualités de mandataire liquidateur de ladite société la somme de 129.429,41 euros et débouté la Chambre du Commerce et de l'Industrie de ses demandes reconventionnelles ; que la Chambre du Commerce et de l'Industrie fait valoir qu'elle a une créance de 18.423,53 euros qu'elle a régulièrement produite au passif de la procédure collective de Kyrnair et qui a été admise par ordonnance du juge commissaire en date du 16 avril 1997 ; qu'en outre, après le jugement de liquidation judiciaire rendu le 11 octobre 1999 par le tribunal de commerce d'Ajaccio, elle a déclaré une créance de 189.729,75 euros ramenée à 188.721,10 euros que Me Filippi n'a jamais expressément contestée, malgré quatre rappels, finissant par établir le 15 mars 2004 un certificat d'irrecouvrabilité de ladite créance chirographaire, laquelle a été admise par ordonnance du juge commissaire en date du 2 mai 2011 à hauteur de 152.449,02 euros ; que la Chambre du Commerce et de l'Industrie demande la compensation entre sa créance (soit la somme globale de 170.872,55 euros) et la condamnation à son encontre par le premier juge ; qu'elle soutient en effet qu'il s'agit de créances connexes, la sienne correspondant à des redevances facturées à Kyrnair alors que celle de cette dernière résulte des surcoûts qu'elle a supportés du fait de l'impossibilité pour elle de s'auto-assister entre le 1er avril 1992 et le 4 janvier 1995 ; mais que Me Filippi rappelle, à bon droit, qu'il ne peut y avoir de compensation lorsque la créance du débiteur trouve sa cause dans l'exécution abusive du contrat par son créancier ; que tel est le cas en l'espèce, le jugement, confirmé par l'arrêt du 18 décembre 2007, lequel est aujourd'hui définitif pour ne pas avoir été à cet égard censuré par l'arrêt de cassation partielle du 7 avril 2009, ayant précisément retenu que la faute ayant engagé la responsabilité de la Chambre du Commerce et de l'Industrie du Var résultait pour une part de facturations de redevances à un taux excessif, « sans aucune adéquation à la nature et à l'importance des services fournis » » ;
1) ALORS QUE la dette de prix d'une partie et la dette indemnitaire de l'autre partie au titre d'un abus dans la fixation du prix dérivent toutes deux du contrat et sont donc compensables pour connexité ; qu'au cas d'espèce, il est constant que la société Kyrnair était tenue d'une dette de prix, pour n'avoir pas réglé toutes les redevances dues au titre du contrat d'assistance aéroportuaire, cependant que la dette indemnitaire de la CCIT du Var résultait de sa responsabilité tenant à une fixation abusive du prix des redevances dans le cadre du contrat ; qu'en décidant que par principe, la compensation était exclue dès lors que la créance de la société Kyrnair trouvait sa source dans l'exécution abusive du contrat par la CCIT du Var, quand cette circonstance n'empêchait pas les dettes d'être connexes, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble les articles 1289 du même code et L. 621-24 du code de commerce ;
2) ALORS subsidiairement QU'en présence de créances réciproques, la compensation pour connexité ne peut être écartée que si l'une d'entre elles est de naturelle délictuelle ; que la dette indemnitaire d'une partie au titre de sa responsabilité pour abus dans la fixation du prix est de nature contractuelle ; qu'à supposer que l'arrêt doive être compris comme ayant écarté la compensation pour dettes connexes en raison de la nature délictuelle de la dette indemnitaire de la CCIT du Var, quand il était constant que la responsabilité de la CCIT avait été retenue en raison d'un abus dans la fixation du prix en sorte que sa dette était de nature contractuelle, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble les articles 1289 du même code et L. 621-24 du code de commerce ;
3) ALORS subsidiairement QUE les énonciations figurant au dispositif d'une décision de justice sont revêtues de l'autorité de la chosée jugée ; qu'au cas d'espèce, dans son dispositif, le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 23 novembre 2006, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 décembre 2007, non atteint sur ce point par la cassation partielle du 7 avril 2009, avait décidé que l'action intentée par la société Kyrnair contre la CCIT du Var était fondée sur l'article 1134 du code civil (jugement p. 7, § 7) ; qu'il en résultait donc que la dette de la CCIT devait être considérée comme de nature contractuelle en vertu de l'autorité de chose jugée attachée au dispositif du jugement du 23 novembre 2006 ; qu'à supposer que l'arrêt doive être compris comme ayant écarté la compensation pour dettes connexes en raison de la nature délictuelle de la dette indemnitaire de la CCIT du Var, la cour d'appel, à qui il appartenait de relever d'office l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 23 novembre 2006, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
4) ALORS, en toute hypothèse, QUE les motifs du jugement du 23 novembre 2006 et de l'arrêt du 18 décembre 2007 avaient retenu la nature contractuelle de la responsabilité encourue par la CCIT du Var, l'arrêt du 18 décembre 2007 ayant précisément fondé sa responsabilité sur une méconnaissance du devoir d'exécution de bonne foi des conventions tel qu'il résulte de l'article 1134 alinéa 3 du code civil ; qu'à supposer que l'arrêt doive être compris comme ayant écarté la compensation pour dettes connexes en raison de la nature délictuelle de la dette indemnitaire de la CCIT du Var, la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur les motifs des décisions qui avaient retenu la responsabilité de la CCIT du Var sur un fondement contractuel, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble les articles 1289 du même code et L. 621-24 du code de commerce.