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17/12/2014 | FRANCE | N°13-24295

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 décembre 2014, 13-24295


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2013), que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité américaine, se sont mariés aux Etats-Unis le 26 décembre 2003, où ils ont vécu après leur mariage et où sont nés leurs deux enfants, A..., le 8 février 2007, et B..., le 18 avril 2008 ; qu'à la suite de l'engagement par chacun des époux d'une procédure de divorce, aux Etats-unis et en France, une juridiction américaine (District Court, County o

f Dakota, State of Minnesota), par décision du 19 mars 2012, telle que modifiée...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2013), que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité américaine, se sont mariés aux Etats-Unis le 26 décembre 2003, où ils ont vécu après leur mariage et où sont nés leurs deux enfants, A..., le 8 février 2007, et B..., le 18 avril 2008 ; qu'à la suite de l'engagement par chacun des époux d'une procédure de divorce, aux Etats-unis et en France, une juridiction américaine (District Court, County of Dakota, State of Minnesota), par décision du 19 mars 2012, telle que modifiée par celle du 10 avril 2012, s'est déclarée compétente pour connaître de la procédure et a prescrit le retour des enfants aux Etats-Unis, pour y vivre avec leur mère, à l'issue de leur année scolaire en France ; que cette dernière a demandé l'exequatur de cette décision en France ; qu'après avoir été accueillie en première instance, cette demande a été rejetée en appel, par un arrêt du 5 juillet 2013 ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'admettre l'existence d'une situation de litispendance au profit de cette juridiction américaine et de se dessaisir en conséquence en sa faveur, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il n'existe pas de litispendance au profit d'une décision étrangère insusceptible de reconnaissance en France ; que l'exequatur du jugement du comté du Dakota du 19 mars 2012, complété le 10 avril 2012, ayant été rejetée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 5 juillet 2013, il en résulte que cette décision, insusceptible d'exécution en France, ne peut faire échec à la compétence du juge français pour connaître du divorce ; qu'en admettant l'existence d'une litispendance et en se dessaisissant au profit du tribunal de première circonscription du comté du Dakota, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile ;
2°/ que, pour écarter la fraude, la cour d'appel a relevé que Mme Y... n'avait pas caché au juge du Minnesota l'installation de la famille en France à compter du mois de février 2011 ; qu'il résulte du jugement américain du 19 mars 2012, que « en octobre 2010, le défendeur a déménagé en France - en janvier 2011, la requérante et les enfants ont rendu visite au défendeur en France - en février 2011, la requérante et le défendeur ont signé un bail de location pour une résidence en France - le 29 septembre 2011, la requérante a déposé une demande de procédure de divorce (au Dakota) - la requérante n'est pas rentrée avec les enfants aux Etats-Unis comme il était prévu, le 9 novembre 2011 - la procédure de divorce a été annulée à la demande des parties le 15 novembre 2011. Le 13 décembre 2011, le défendeur et les enfants se sont déplacés vers la maison de la mère du défendeur à Champs-sur-Marne sans la connaissance ou la permission de la requérante ; le 14 décembre 2011, la requérante est retournée au Minnesota. Les enfants sont restés en France » ; que le juge américain en a déduit que « la requérante a maintenu sa résidence au Minnesota pendant cent quatre vingt jours précédents cette action. Pendant qu'elle voyageait en France et commençait des démarches pour déménager en France, elle n'a pas abandonné sa résidence au Minnesota » et que « le Minnesota était l'Etat de la résidence des enfants durant les 6 mois précédents la date de commencement de cette procédure » ; qu'en retenant, pour écarter la fraude, que Mme Y... avait admis, devant le juge américain, son installation en France en février 2011, quand il ressort des motifs du jugement qu'elle avait bien au contraire indiqué que M. X... s'était installé seul en France, qu'elle-même et les enfants étaient restés installés aux Etats-Unis et ne rendaient que des visites ponctuelles à M. X..., la cour d'appel a dénaturé les motifs du jugement du 19 mars 2012 du Comté du Dakota en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;
Mais attendu, d'une part, que la décision américaine du 19 mars 2012, telle que modifiée par celle du 10 avril 2012, se bornant à statuer sur les mesures concernant les enfants, le rejet de la demande d'exequatur de cette décision ne fait pas obstacle à l'accueil de l'exception de litispendance internationale portant uniquement sur le divorce et la situation des époux ;
Attendu, d'autre part, qu'en sa seconde branche, le moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir admis l'existence d'une situation de litispendance au profit du tribunal de première circonscription du Comté du Dakota et de s'être en conséquence dessaisi à son profit ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... qui se trouvait aux Etats Unis avec les enfants a déposé une requête en divorce le 29 septembre 2011 devant la juridiction du Minnesota, cette procédure ayant été signifiée à M. X... en France, le 4 octobre 2011, lequel avait saisi, le 24 août 2011, le Ministère de la Justice d'une demande de retour des enfants ; que les enfants étant revenus en France le 11 octobre 2011 et les parties s'étant réconciliées, M. X... s'est désisté de sa demande et la procédure de divorce américaine a été suspendue à la demande des époux, le 15 novembre 2011, puis " réactivée ", le 20 décembre 2011, sur requête de Mme Y... revenue seule aux Etats Unis ; que le 27 décembre 2011, M. X... saisissait le juge français d'une requête en divorce ; que s'agissant des mêmes parties et des mêmes objet et cause, se pose le problème de la litispendance entre les juridictions saisies ; qu'en ce qui concerne la question de l'antériorité de la saisine de la juridiction du comté de Dakota, il résulte des pièces qu'à la suite de la demande des époux, le 7 novembre 2011, de transfert du dossier de dissolution sous le statut " inactif " aux termes duquel la requête et la procédure sont suspendues, chaque partie pouvant déposer à tout moment un " affidavit " ou " déclaration sous serment " demandant que l'affaire soit retirée du " statut inactif " et l'action restant soumise pendant 12 mois à l'examen du juge, lequel peut la réactiver, Mme Y... par " affidavit " a sollicité le 19 décembre 2011 la réactivation de sa requête en dissolution du mariage auprès de cette juridiction et, le 20 décembre 2011, déposé aussi une requête pour la garde des enfants ; que le tribunal de première circonscription du Comté du Dakota (Minnesota) dans la décision du 19 mars 2012 statuant sur ces demandes confirme la date de la réactivation de sa saisine à la requête de Mme Y... qui s'apparente à une réinscription au rôle, laquelle précède la saisine par M. X... de la juridiction française ; que, s'agissant de la compétence indirecte de la juridiction étrangère saisie et sachant que l'article 7 du règlement Bruxelles II bis prévoit, quand sont écartés les articles 3, 4, 5 du règlement, qu'il est fait application des règles nationales de compétence soit en l'espèce l'article 1070 du Code de procédure civile et l'article 14 du Code civil lesquels n'ont pas de caractère exclusif, c'est par des motifs complets qu'il convient de confirmer que le premier juge a considéré qu'en l'absence de la compétence exclusive des tribunaux français, qui n'est pas sérieusement contestée par M. X..., et au vu du rattachement caractérisé du conflit au juge étranger que ce dernier était compétent ; qu'en l'espèce est établi en effet le lien suffisant de l'ordre juridique étranger avec le litige, le couple ayant vécu jusqu'à l'année 2011 aux USA où il s'est marié et les enfants sont nés, ceux-ci ayant la double nationalité ; que M. X... faisait valoir certes que la résidence habituelle de la famille définie comme le lieu où est fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre habituel de ses intérêts était en l'espèce la France ; que cependant cette installation, qui résultait d'éléments conjoncturels, comme le fait que M. X... aux prises avec des poursuites pour des infractions routières souhaitait quitter ponctuellement les Etats Unis, Mme Y... de son côté y étant astreinte à des travaux intérêt général qu'elle effectuait au mois de février mars 2011, n'avait pas le caractère de stabilité invoqué par M. X... ; qu'en effet si le déménagement de la famille effectif au premier trimestre 2011, la location pour trois ans d'un appartement à Paris 15'''... dont le bail a été aussi signé par Mme Y... qui l'a admis devant le juge américain, les échanges de mail au sujet du projet de vente de la maison au Minnesota, l'inscription des enfants en maternelle à Paris sont des éléments en faveur de la fixation de la famille en France, il s'avère que l'année 2011 a été émaillée d'incidents et de séparations mettant à mal ce projet ; que Mme Y... est arrivée en France avec les enfants en Février 2011 puis est repartie avec eux aux Etats Unis au mois de juin suivant avant de séjourner à Paris d'octobre à décembre 2011, le mari refusant de la laisser repartir avec les enfants ; que c'est au regard de ces éléments que le tribunal, par une appréciation souveraine sur lequel le juge français n'a pas de pouvoir de révision, s'est déclaré compétent ; que, de même, le premier juge a justement apprécié la régularité de la procédure par des motifs complets, aucun élément nouveau n'étant soulevé en appel ; qu'il a été vérifié le caractère contradictoire des débats des 14 et 17 février 2012 devant le Tribunal de Dakota au Minnesota, lors de l'audience de présentation des preuves portant sur la compétence à laquelle M. X... s'était fait représenter par un avocat tout en écoutant par SKYPE, le refus du juge américain de lui donner un délai pour faire traduire le bail, que Mme Y... reconnaissait par ailleurs avoir signé n'étant pas de nature à avoir une incidence sur le litige au regard des motifs de la décision ; que par ailleurs la fraude qui résulterait de ce que l'épouse a trompé la religion de la juridiction américaine, en prétendant que la résidence de la famille se trouvait toujours au Minnesota, n'est pas fondée étant observé qu'au vu des débats sus-visés n'a pas été cachée au juge américain l'installation de la famille en France au mois de février 2011, celui-ci constatant que l'Etat du Minnesota était l'Etat d'origine des enfants pendant six mois avant le début de la procédure ; qu'enfin le juge français de l'exécution a d'ors et déjà statué sur la régularité de la procédure en faisant droit par un jugement du 5 décembre 2012 à la demande d'exequatur du jugement rendu le 19 mars 2012 et modifié le 10 avril 2012 du Tribunal du Comté de Dakota (Minnesota) ; qu'enfin qu'était soulevé devant le premier juge le caractère non définitif de la décision américaine sur la compétence écartée par la décision du 19 juillet 2012 du Tribunal du Comté du Dakota (Minnesota) qui a considéré que plus aucun appel n'était possible sur la compétence et a constaté le caractère définitif de la décision modifiée du 10 avril 2012 tant sur la compétence d'attribution concernant la dissolution du mariage que l'attribution de la garde des enfants mineurs ceci postérieurement à la décision du 3 juillet 2012 de la Cour d'Appel du Minnesota qui, saisie par Mr X... d'un contredit sur la décision du 19 mars 2012 complétée le 10 avril 2012 du Tribunal de Dakota ayant retenu sa compétence, l'avait rejeté ; que Mr X... fait valoir la nullité de l'ordonnance ainsi rendue le 19 juillet 2012 puisque contraire à la loi du Minnesota prescrivant qu'un jugement rendu par un tribunal incompétent est nul et de nul effet, aucun délai n'étant fixé pour présenter une requête en annulation d'un tel jugement ; qu'il a interjeté appel te 6 septembre 2012 de cette ordonnance ; que cd argument a été rejeté par une décision du 2 octobre 2012 de la Cour d'Appel du Minnesota qui a considéré son appel comme tardif ; que la décision sur la compétence uniquement. est donc définitive ; que dans ces conditions, s'agissant d'une procédure régulière devant une juridiction étrangère, avec laquelle le litige a un lien suffisant, pouvant donner lieu à une décision susceptible d'être reconnue en France, il convient d'accueillir l'exception de litispendance internationale et de confirmer l'ordonnance,
1) ALORS QU'il n'existe pas de litispendance au profit d'une décision étrangère insusceptible de reconnaissance en France ; que l'exequatur du jugement du Comté du Dakota du 19 mars 2012, complété le 10 avril 2012, ayant été rejetée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 5 juillet 2013, il en résulte que cette décision, insusceptible d'exécution en France, ne peut faire échec à la compétence du juge français pour connaitre du divorce ; qu'en admettant l'existence d'une litispendance et en se dessaisissant au profit du tribunal de première circonscription du Comté du Dakota, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE pour écarter la fraude, la cour d'appel a relevé que Mme Y... n'avait pas caché au juge du Minnesota l'installation de la famille en France à compter du mois de février 2011 ; qu'il résulte du jugement américain du 19 mars 2012, que « en octobre 2010, le défendeur a déménagé en France ¿ en janvier 2011, la requérante et les enfants ont rendu visite au défendeur en France ¿ en février 2011, la requérante et le défendeur ont signé un bail de location pour une résidence en France - le 29 septembre 2011, la requérante a déposé une demande de procédure de divorce (au Dakota) - la requérante n'est pas rentrée avec les enfants aux Etats Unis comme il était prévu, le 9 novembre 2011 - la procédure de divorce a été annulée à la demande des parties le 15 novembre 2011. Le 13 décembre 2011, le défendeur et les enfants se sont déplacés vers la maison de la mère du défendeur à Champs sur Marne sans la connaissance ou la permission de la requérante ; le 14 décembre 2011, la requérante est retournée au Minnesota. Les enfants sont restés en France » ; que le juge américain en a déduit que « la requérante a maintenu sa résidence au Minnesota pendant 180 jours précédents cette action. Pendant qu'elle voyageait en France et commençait des démarches pour déménager en France, elle n'a pas abandonné sa résidence au Minnesota » et que « le Minnesota était l'Etat de la résidence des enfants durant les 6 mois précédents la date de commencement de cette procédure » ; qu'en retenant, pour écarter la fraude, que Mme Y... avait admis, devant le juge américain, son installation en France en février 2011, quand il ressort des motifs du jugement qu'elle avait bien au contraire indiqué que M. X... s'était installé seul en France, qu'elle-même et les enfants étaient restés installés aux Etats Unis et ne rendaient que des visites ponctuelles à M. X..., la cour d'appel a dénaturé les motifs du jugement du 19 mars 2012 du Comté du Dakota en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-24295
Date de la décision : 17/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Litispendance - Exception de litispendance - Jugement étranger - Exequatur - Rejet - Portée

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Demande - Rejet - Effets - Etendue - Limites - Détermination PROCEDURE CIVILE - Litispendance - Exception - Jugement étranger - Exequatur - Rejet - Portée

Le rejet d'une demande d'exequatur d'une décision étrangère, dont le seul objet est la fixation de mesures concernant les enfants, ne fait pas obstacle à l'accueil d'une exception de litispendance internationale portant uniquement sur le divorce et la situation des époux


Références :

article 100 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 déc. 2014, pourvoi n°13-24295, Bull. civ. 2014, I, n° 210
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 210

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Maitrepierre
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.24295
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