Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Benoît X...,- La Fédération départementale des chasseurs de Seine-et-Marne, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 23 mai 2013, qui, dans la procédure suivie contre MM. Jean Y... et Jean-Paul Z... des chefs de diffamation publique envers particulier et complicité, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président et conseiller rapporteur, MM. Beauvais et Straehli, conseillers de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 406, 412, 417, 460, 512, 513 du code de procédure pénale, 591 et 593 dudit code ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fait droit à l'exception de nullité de la plainte avec constitution de partie civile, et constaté l'acquisition de la prescription et en conséquence l'extinction de l'action publique et de l'action civile et débouté les demandeurs de toutes leurs demandes ;
" aux motifs que, à l'audience publique du 4 avril 2013, le président a constaté :- l'absence du prévenu M. Y... Jean Gilbert Jules, représenté par Me Ivernel, lequel a déposé des conclusions (...),- l'identité du prévenu M. Z... Jean-Paul Henri, assisté de Me Raffin, lequel a déposé des conclusions (...), que les parties civiles, non comparantes, sont représentées par Me Jaslet Yann, lequel a déposé des conclusions (...), que l'appelant a sommairement indiqué les motifs de leur appel, M. Gilles Croissant a été entendu en son rapport ; que le prévenu M. Y... a été interrogé et entendu en ses moyens de défense, qu'ont été entendus sur la nullité de l'article 50 de la loi sur la presse : Me Raffin, avocat de M. Y..., prévenu en ses conclusions et plaidoirie, Mme Marie-Jeanne Vieillard, avocat général en ses réquisitions, Me Jaslet, avocat des parties civiles, en ses conclusions et plaidoirie, Me Raffin, avocat de M. Y..., prévenu qui a eu la parole en dernier ;
" 1°) alors que les mentions du jugement doivent suffire à s'assurer de la régularité du déroulement des débats ; qu'en l'état des mentions contradictoires de l'arrêt attaqué selon lesquelles le président a constaté « l'absence du prévenu Y... Jean Gilbert Jules représenté par Me Ivernel » et « le prévenu Y... Jean Gilbert Jules a été interrogé et entendu en ses moyens de défense », lesquelles ne permettent pas de s'assurer des conditions du déroulement des débats et de sa régularité, la Chambre des appels correctionnels a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'en l'état des mentions contradictoires de l'arrêt selon lesquelles à l'audience publique du 4 avril 2013, d'une part, le prévenu M. Y..., absent, était représenté par Me Ivernel et le prévenu M. Z..., présent, était assisté de Me Raffin et, d'autre part, Me Raffin, avocat de M. Y..., a été entendu en sa plaidoirie et a eu la parole en dernier, qui ne permettent pas de s'assurer des conditions du déroulement des débats et de sa régularité, la chambre des appels correctionnels a violé les textes susvisés ; que les critiques se suffisent pratiquement à elles-mêmes ; qu'il est constant que les mentions de l'arrêt attaqué doivent se suffire à elles mêmes et permettre de s'assurer des conditions et de la régularité du déroulement des débats ; qu'or, en l'espèce actuelle, l'arrêt est entaché de plusieurs contradictions manifestes dans les constatations relatives au déroulement des débats ; qu'ainsi, d'une part, elle retient tour à tour l'absence du prévenu M. Y... et qu'a été constatée l'identité du prévenu Z... avant de relever que le prévenu M. Y... a été interrogé et entendu en ses moyens de défense ; que d'autre part, elle relève que Me Raffin, avocat de M. Y..., a été entendu en sa plaidoirie et a eu la parole en cette qualité en dernier, après avoir pourtant relevé qu'à l'audience, Me Raffin assistait le prévenu Z... et que le prévenu M. Y... était représenté par Me Ivernel ; que l'ensemble de ces contradictions manifestes jettent un doute sur les conditions et la régularité du déroulement des débats et, en tout état de cause, ne permettent pas de s'assurer de cette régularité ; qu'elles exposent l'arrêt attaqué à la censure de la Cour de cassation, la cour d'appel ayant statué en violation des textes susvisés " ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief des mentions contenues dans l'arrêt qui concernent la seule défense des prévenus ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, 170, 173, 174, 179, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fait droit à l'exception de nullité de la plainte avec constitution de partie civile, et constaté l'acquisition de la prescription et en conséquence l'extinction de l'action publique et de l'action civile et débouté les demandeurs de toutes leurs demandes ;
" aux motifs qu'à la suite de la publication, dans le numéro du magazine Plaisirs de la chasse daté de juin 2010, d'une brève qu'ils estiment contraire à leur honneur et à leur réputation, la fédération départementale des chasseurs de Seine-et-Marne et son président M. Benoît X... ont déposé le 6 août 2010 et non 2012, comme indiqué par erreur dans l'arrêt une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction de Fontainebleau et, par ordonnance rendue le 26 septembre 2011, MM. Jean Y... et Jean-Paul Z... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Fontainebleau en qualité respective d'auteur et de complice du délit de diffamation publique envers un particulier ; que sur la validité de la plainte, les prévenus reprennent l'exception de nullité de la plainte soulevée en première instance, soutenant, d'une part, que celle-ci n'articule pas avec suffisamment de précision les faits incriminés, et, d'autre part, qu'elle vise globalement les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 sans préciser les alinéas ; que les parties civiles soutiennent que la plainte indique clairement qu'elle incrimine des faits de diffamation, ce qui ne laisse subsister aucune ambiguïté ; qu'une plainte doit articuler et qualifier les faits objets de la poursuite et indiquer les textes dont l'application est demandée, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, la plainte, qui fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite, a repris la totalité de l'article incriminé et précisé que les propos étaient mensongers et diffamatoires ; qu'elle n'a pas articulé avec une précision suffisante les faits reprochés par chacune des deux parties civiles ; qu'en outre, en indiquant poursuivre des faits de diffamation, mais en visant globalement, sans précision de l'alinéa applicable, d'une part, l'article 29 de la loi sur la presse qui définit à la fois les délits de diffamation et d'injure, d'autre part, l'article 32 de la même loi, texte de répression de la diffamation publique envers les particuliers, et de la diffamation à raison de l'origine, de l'appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée ; que la plainte laisse incertaine la base de la poursuite et ne satisfait pas aux exigences de l'article 50 de la loi précitée ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et de déclarer nulle la plainte avec constitution de partie civile déposée le 6 août 2010 et non 2012, comme indiqué par erreur dans l'arrêt ; que le réquisitoire du ministère public, en date du 19 octobre 2010, articulé, qui aurait pu valider une plainte irrégulière, est postérieur de plus de trois mois à la publication litigieuse de juin 2010 et n'a pu interrompre la prescription ; qu'il y a lieu de constater l'acquisition de la prescription, l'extinction de l'action publique et de l'action civile, les autres moyens soulevés par les parties devenant sans objet ;
" alors que, si les dispositions de l'article 179 du code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que le prévenu excipe, devant la juridiction de jugement, de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile résultant de la violation de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, il résulte de l'article 174 du même code que dans le cas où la chambre de l'instruction, saisie en application des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, a déjà statué sur la validité de la procédure d'instruction, et notamment sur la validité de la plainte, les parties ne sont plus recevables, à l'issue de cette procédure, à faire état d'autres moyens de nullité de la procédure ; qu'en pareille hypothèse, le prévenu ne saurait, devant la juridiction de jugement, se prévaloir de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile au regard des dispositions de l'article 50 susvisé, si ce moyen n'a pas été soumis en temps utile à la chambre de l'instruction ; qu'en l'espèce, il est constant que dans le cadre de l'information pénale ouverte du chef de diffamation publique envers un particulier, sur la plainte des demandeurs en date du 6 août 2010 et le réquisitoire introductif du 19 octobre 2010, MM. Y... et Z..., mis en examen, ont saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, conformément aux articles 170 et 173 du code de procédure pénale, de requêtes en nullité invoquant notamment la nullité de la plainte avec constitution de partie civile des demandeurs, et que ces requêtes ont été rejetées par arrêt du 15 septembre 2011, frappé d'un pourvoi (n° 11-88655) dont le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, par ordonnance du 17 janvier 2012, a refusé d'ordonner l'examen immédiat ; qu'en cet état, et par application de l'article 174 du code de procédure pénale, les prévenus, qui ne se sont pas prévalus, en temps utile, du moyen de nullité de la plainte tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 50 susvisé, n'étaient plus recevables à se prévaloir, devant la juridiction de jugement, d'une telle nullité ; que, dès lors, en faisant droit à cette exception de nullité de la plainte avec constitution de partie civile des demandeurs, la cour d'appel a violé l'article 174 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que MM. Jean Y... et Jean-Paul Z... ont été, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile de la fédération départementale des chasseurs de Seine-et-Marne et de son président, M. Benoît X..., poursuivis des chefs de diffamation publique envers particulier et complicité ; que le tribunal correctionnel, après avoir rejeté une exception de nullité soutenue par les prévenus et arguant que la plainte avec constitution de partie civile ne respectait pas le prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les a déclarés coupables ; que le procureur de la République, les prévenus et les parties civiles ont interjeté appel du jugement ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité à nouveau soulevée par les prévenus et déclarer l'action publique et l'action civile prescrites, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, saisie par une ordonnance de renvoi du juge d'instruction en matière d'infractions à la loi sur la presse, elle devait vérifier si la plainte avec constitution de partie civile, combinée avec le réquisitoire introductif, répondait aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et, en cas d'inobservation de celles-ci, prononcer la nullité des poursuites, sans que puissent lui être invoquées les dispositions de l'article 179, dernier alinéa, du code de procédure pénale la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. Benoît X... et la Fédération départementale des chasseurs de Seine-et-Marne devront payer à MM. Y... et Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;