CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X..., Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 14 avril 1999, qui, dans les poursuites engagées contre eux du chef de diffamation publique et complicité, sur la plainte avec constitution de partie civile de Louis Z..., de Philippe Z... et de Pierre Z..., a prononcé sur la validité de ces poursuites.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 31 mai 1999 du président de la chambre criminelle ayant ordonné l'examen du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 32, 47, 48, 50, 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 175, 179, 591 à 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté la nullité de la plainte avec constitution de partie civile déposée par MM. Z... et déclaré X... et Y... hors de cause ;
" aux motifs que, par lettre du 5 septembre 1997, le magistrat instructeur avait avisé l'ensemble des parties que l'information lui paraissait terminée et que le dossier de la procédure serait communiqué au procureur de la République à l'issue d'un délai de 20 jours ; que les parties n'avaient fait aucune observation ; que les prévenus avaient ensuite été renvoyés devant le tribunal correctionnel par ordonnance en date du 5 novembre 1997 ; qu'il résultait de l'article 179, dernier alinéa, du Code de procédure pénale que l'ordonnance de renvoi devenue définitive couvrait tous les vices de la procédure ; que par cette disposition, introduite en 1993, le législateur avait voulu que soit purgé l'ensemble des nullités, de manière générale ; que la loi du 29 juillet 1881, texte spécial, ne dérogeait aux règles que lorsqu'elle l'indiquait expressément ; que le Code de procédure pénale devait être applicable dès que ses règles cessaient d'être incompatibles avec le régime spécial instauré en matière de presse ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, les faits ayant été articulés et la prévention étant conforme à l'acte initiale de poursuite ; qu'il appartenait en conséquence aux prévenus de saisir la chambre d'accusation des nullités éventuelles de la procédure d'information ; que faute de l'avoir fait, ils n'étaient plus recevables à le faire devant les juges du fond ; que les premiers juges ne pouvaient en conséquence constater la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ;
" alors que, en matière de presse, l'acte initial de poursuite, c'est-à-dire la plainte avec constitution de partie civile se combinant avec le réquisitoire introductif, fixe irrévocablement la nature juridique, l'étendue et l'objet de la poursuite ; que l'imprécision de la plainte fait obstacle à ce que le juge correctionnel puisse statuer, puisque l'objet, l'étendue et la nature de la poursuite ne peuvent plus être précisés ; qu'il appartient donc audit juge correctionnel de se prononcer sur la question de savoir si la plainte est conforme aux dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881 ; que l'article 179 du Code de procédure pénale ne saurait l'empêcher de procéder à cette recherche nécessaire, la nullité résultant de l'imprécision de l'action initial de poursuite n'étant pas susceptible d'être couverte ; qu'en décidant autrement la cour d'appel a violé les textes visés au présent moyen ;
" et alors que la cour d'appel ne pouvait énoncer que " les faits avaient été articulés ", sans contredire les premiers juges en ce qu'ils avaient justement relevé que la plainte des parties civiles visait indistinctement tout un texte, fort long, en ne précisant pas quels passages précis devaient être considérés comme diffamatoires " ;
Vu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 179, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
Attendu que, lorsque les juges du fond sont saisis par une ordonnance de renvoi du juge d'instruction en matière d'infractions à la loi sur la presse, ils doivent vérifier si la plainte avec constitution de partie civile, combinée avec le réquisitoire introductif, répond aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et, en cas d'inobservation de celles-ci, prononcer la nullité des poursuites, sans que puissent être opposées les dispositions de l'article 179, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Louis Z..., Philippe Z... et Pierre Z..., ont porté plainte avec constitution de partie civile contre X..., directeur de publication du journal " A... ", et Y..., journaliste, du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité, à la suite de la publication dans ce journal d'un article ayant pour titre :
" Quand M... aidait les limonadiers ", et pour sous-titre : " En 1994, l'ardoise au fisc des brasseurs Z... a été effacée par le ministre " ;
Attendu que cette plainte reproduit les titres et l'ensemble de l'article litigieux, à l'exception du dernier paragraphe, et mentionne que l'allégation et l'imputation des faits qu'ils contiennent portent atteinte à l'honneur et à la considération des trois plaignants, mais ne fournit aucune précision sur les faits diffamatoires retenus ; que le réquisitoire introductif du procureur de la République ne spécifie pas davantage les imputations diffamatoires incriminées ;
Attendu qu'à l'issue de l'information le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel X... et Y..., comme auteur et complice, pour diffamation envers des particuliers à raison des titres et de l'article reproduits dans la plainte ;
Attendu que le tribunal a constaté la nullité de la plainte avec constitution de partie civile au motif que, ne spécifiant pas les imputations diffamatoires invoquées, elle ne répondait pas à l'exigence d'articulation des faits diffamatoires telle que prévue par l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la cour d'appel a annulé ce jugement et a prononcé par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en décidant que les prévenus étaient irrecevables à invoquer devant les juges du fond la nullité de la plainte pour inobservation des dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les juges du second degré ont méconnu le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 14 avril 1999 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.