LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche, qui est préalable :
Vu l'article 38 de l'accord de coopération judiciaire franco-ivoirien du 24 avril 1961, ensemble l'article 25 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la seule voie de recours ouverte contre une ordonnance ayant statué sur une demande d'exequatur en France d'une décision ivoirienne en matière civile ou commerciale est le pourvoi en cassation ; qu'en application du second, cette fin de non-recevoir doit être relevée d'office ;
Attendu qu'en ne relevant pas d'office l'irrecevabilité de l'appel formé contre un jugement, mentionné à tort comme ayant statué en premier ressort, sur une demande d'exequatur en France d'une décision ivoirienne d'adoption plénière, la cour d'appel, qui a statué au fond sur cette demande, a excédé ses pouvoirs, violant ainsi les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable l'appel formé par Mme
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à l'encontre du jugement rendu le 17 juin 2010, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Nantes ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme
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PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de prononcer l'exequatur du jugement rendu le 16 mai 2008 par le tribunal de première instance d'Abidjan Plateau en Côte d'Ivoire,
AUX MOTIFS QUE selon l'article 370-3 du code civil, les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant, soit en l'espèce, la loi française ; que celle-ci prévoit, aux termes de l'article 345 du code civil, que l'adoption plénière n'est permise qu'en faveur des enfants de moins de quinze ans ; que l'enfant est né le 11 avril 1992 et il était donc âgé de plus de quinze ans à la date de la requête introduite par Mme
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le 23 janvier 2008 ; que l'adoption plénière se révèle par conséquent contraire à l'ordre public française en raison de l'âge de l'adopté ; que le jugement ne peut dès lors qu'être déclarée inopposable en France et ce, quelle que soit la nature du consentement à l'adoption donnée par le titulaire de l'autorité parentale ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il est demandé de déclarer exécutoire en France un jugement du 16 mai 2008 du tribunal de première instance d'Abidjan portant adoption plénière de l'enfant nommé Y...
A... par Réjane
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; que ce jugement apparaît avoir été rendu par une juridiction compétente ; que le caractère définitif de la décision apparaît établi par le certificat de non appel délivré par le greffier en chef du tribunal le 8 août 2008 produit aux débats et un acte de signification de la décision au procureur de la République local en date du 12 juin 2008 encore que l'acte en question ne fasse aucune mention de la voie de recours et du délai pour l'exercer ; qu'en revanche, pour être régulière au regard de la règle de conflit de loi française, l'adoption, quelle que soit la loi applicable, requiert le consentement préalable du représentant légal de l'enfant à l'adoption et s'il s'agit d'un consentement donné en vue d'une adoption plénière, il doit porter sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation (article 370-3 du code civil) ; que la décision dont s'agit, si elle contient l'exposé de l'adoptante selon lequel la mère de l'enfant serait décédée et le père aurait des ressources insuffisantes et une santé défaillante, ne contient aucune référence à un consentement donné par le représentant légal de l'enfant, le père en l'occurrence suivant l'exposé de la demande ; que remarque en ayant été faîte par le parquet, une communication de pièce du 18 mai 2009 propose une pièce 10 sous l'intitulé consentement du père ; qu'il s'agit à l'examen du consentement de l'adopté lui-même, daté du 4 mars 2009, remarque ayant été également faite de la nécessité de recueillir le consentement à l'adoption même simple de l'enfant de plus de 13 ans ; qu'il est à noter que cet éventuel consentement est, en l'espèce, postérieur au jugement d'adoption ; qu'en réalité, le consentement du père est l'objet d'une pièce 16 communiquée le 30 novembre 2009 ; qu'elle émane de M. Y...
B... Jonas, réputé être le père de l'enfant, supposé avoir comparu devant le juge de la mise en état aux affaires matrimoniales du tribunal de première instance d'Abidjan préalablement au jugement d'adoption le 31 janvier 2008 ; qu'il s'agit d'un faux grossier d'un formulaire censé émaner du « Greffe Di Tribunal » (sic) ; qu'en résumé, même en tenant pour acquis le décès de Mme Amoin Geneviève Z..., au vu des dernières pièces communiquées, il n'existe aucune preuve ni indice d'un quelconque consentement à l'adoption simple ou plénière du mineur donné avant jugement par quiconque ; qu'en outre, le jugement ne porte aucune mention de la filiation d'origine de l'adopté (l'exposé même de l'adoptante ne précisant aucun nom des père et mère de l'enfant dont elle parle) ; qu'il doit être ajouté qu'aucun acte de naissance de l'enfant établi préalablement à l'adoption n'a été produit pour établir l'identité même de l'enfant adopté ; que l'extrait communiqué en début de procédure faisait référence à un acte de naissance N° 3898 du 17 mai 2002 par le tribunal de première instance de Man ; qu'il rattachait déjà l'enfant à la mère adoptive ; qu'aucune copie de l'acte originaire ou du jugement transcrit n'avait été produit ; qu'en fin de procédure, après qu'un acte de notoriété daté du 11 mai 2009 ait été communiqué en pièce 9 précisant que le fonctionnaire chargé de fournir l'acte de naissance était dans l'impossibilité de se le procurer un nouvel extrait d'acte de naissance de Y...
A... était produit en pièce 15, délivré conforme au registre le 10 mai 2006, faisant état par référence expresse au jugement supplétif de l'année 2002 précité, d'une naissance le 11 avril 1992, de A... fils de Y...
B... et de « feue » Z... Amoin Genevieve ; qu'il est à noter que Amoin Z... est réputée décédée le 1er août 2005 d'après les autres actes produits ; qu'en définitive, le jugement dont il est demandé l'exequatur ne peut être déclaré exécutoire en France en raison des incohérences et incertitudes affectant l'état civil de l'enfant adopté et de l'absence de consentement à l'adoption émanant de titulaires de l'autorité parentale lors de la procédure d'adoption devant le juge étranger ;
1° ALORS QUE le ministère public, partie intimée, ne soutenait nullement que l'exequatur sollicité pourrait être contraire à l'ordre public international à raison de l'âge de l'enfant à la date de la demande de l'adoption ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le refus d'exequatur fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de la décision étrangère suppose que celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu'il n'en est pas ainsi de la décision qui prononce l'adoption d'un mineur âgé de plus de quinze ans au jour de la demande d'adoption ; que pour refuser d'ordonner l'exequatur du jugement rendu le 16 mai 2008 par le tribunal de première instance d'Abidjan Plateau en Côte d'Ivoire, prononçant l'adoption plénière de l'enfant Y...
A...
A... par Mme
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, la cour d'appel se borne à constater que celui-ci était âgé de plus de quinze ans à la date de la demande d'adoption ; qu'en se fondant sur une telle circonstance, impropre à caractériser une atteinte à l'ordre public international, la cour d'appel a procédé à une révision au fond du jugement étranger et violé l'article 36 de l'Accord de coopération judiciaire conclu entre la France et la Côte d'Ivoire le 24 avril 1961 ;
3° ALORS QUE Mme
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faisait valoir que le père, M. Y...
B... Jonas, avait donné son consentement à l'adoption plénière de son fils, Y...
A...
A..., préalablement au prononcé de l'adoption, lors d'une audience tenue le 31 janvier 2008 devant le juge aux affaires matrimoniales du tribunal de première instance d'Abidjan Plateau, assisté de son greffier, et qu'il avait à cette occasion signé le document intitulé « Greffe Di Tribunal » constatant son consentement à cette adoption plénière ; qu ¿ elle produisait en original une attestation du président de la première chambre civile du tribunal de première instance d'Abidjan Plateau en date du 9 octobre 2010 certifiant que le document produit était bien authentique et que le consentement du père biologique avait bien été recueilli ; qu'elle demandait en outre à la cour, en tant que de besoin d'ordonner la production de tous actes judiciaires et extra-judiciaires par la voie consulaire ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de ces éléments que M. Y...
B... Jonas avait bien donné son consentement exprès à l'adoption plénière de son fils par Mme
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, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 36 de l'accord de coopération judiciaire conclu entre la France et la Côte d'Ivoire le 24 avril 1961.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 17 juin 2010 par le tribunal de grande instance de Nantes, statuant en premier ressort, par une formation collégiale de trois magistrats, en ce qu'il a refusé de prononcer l'exequatur du jugement rendu le 16 mai 2008 par le tribunal de première instance d'Abidjan Plateau en Côte d'Ivoire,
1° ALORS QUE seul le pourvoi en cassation est ouvert à l'encontre de la décision statuant sur une demande d'exequatur en France d'une décision rendue par une juridiction ivoirienne ; qu'en s'abstenant de relever, d'office, le caractère irrecevable de l'appel formé contre le jugement rendu le 17 juin 2010 par le tribunal de grande instance de Nantes, statuant en premier ressort, sur une demande d'exequatur du jugement rendu le 16 mai 2008 par le tribunal de première instance d'Abidjan Plateau, la cour d'appel a violé l'article 38 de l'Accord de coopération judiciaire conclu entre la France et la Côte d'Ivoire le 24 avril 1961 ;
2° ALORS, subsidiairement, QUE l'exequatur est accordé par le président du tribunal de grande instance statuant suivant la forme des référés ; qu'en s'abstenant de relever, même d'office, l'incompétence du tribunal de grande instance de Nantes pour connaître de la demande de Mme
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tendant à l'exequatur du jugement du tribunal de première instance d'Abidjan Plateau du 16 mai 2008, et d'annuler en conséquence le jugement entrepris, la cour d'appel a violé l'article 38 de l'Accord de coopération judiciaire conclu entre la France et la Côte d'Ivoire le 24 avril 1961.