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05/11/2014 | FRANCE | N°14-86553

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 novembre 2014, 14-86553


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Daniel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 25 septembre 2014, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires polonaises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Foulq

uié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rappor...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Daniel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 25 septembre 2014, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires polonaises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 695-24, 695-38, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M. X... aux autorités judiciaires polonaises ;
"aux motifs que pour s'opposer à l'exécution de ce mandat d'arrêt, M. X... invoque sa situation familiale, la durée de sa résidence en France, ses attaches sentimentales avec Mme Y..., infirmière à Saint-Dizier, sa stabilité professionnelle et sa compétence attestées par son employeur qui fait état de la nécessité de la présence de M. X... pour la survie de son entreprise, la présence de son frère handicapé à 80 %, l'état de santé difficile de sa mère et celui de son beau-père, atteint d'un cancer, et, enfin, l'absence de toute attache familiale ou personnelle en Pologne ; qu'est également invoquée l'ancienneté des faits et le fait qu'il est désormais rangé depuis 2001 ; que ces considérations personnelles, pour crédibles et établies qu'elles soient, ne peuvent entrer en ligne de compte, s'agissant d'une procédure très formelle et le contrôle de la chambre de l'instruction se bornant à cet aspect formel et à l'absence de cause légale de refus ; qu'en l'espèce, aucune cause de refus ne peut être opposée ; que les raisons humanitaires sérieuses énoncées à l'article 695-38 du code de procédure pénale s'analysent essentiellement par rapport à la personne recherchée elle-même, si sa remise pouvait avoir pour elle des conséquences graves en raison notamment de son âge ou de son état de santé ; qu'aucun motif humanitaire inhérent à sa personne n'est avancé, tandis que les motifs de santé touchant sa famille sont durables et permanents ; que M. X... et son avocat sollicitent la faculté pour ce dernier d'exécuter sa peine en France ; que M. X..., qui n'a pas la nationalité française, n'entre, encore une fois, dans aucune des catégories énoncées à l'article 695-24 du code de procédure pénale permettant de refuser la remise, en particulier en son 2° ;
"1°) alors que, selon l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, si la personne recherchée pour l'exécution d'une peine réside de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31, l'exécution du mandat européen peut être refusée ; que, lors de son interpellation, M. X... a indiqué qu'il souhaitait exécuter sa peine en France ; que, dans le mémoire de M. X..., il était soutenu que celui-ci vivait en France depuis plus de cinq ans et demandait à ce titre qu'il ne soit pas fait droit à la demande de remise des autorités polonaises ; qu'en considérant que si la durée de la résidence du requérant est établie, il n'entrait dans aucune des catégories énoncés à l'article 695-24 du code de procédure pénale, puisque n'étant pas français, quand l'article 695-24 du code de procédure pénale, tel que résultant de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, entrée en vigueur le 7 août suivant, s'applique non seulement aux français, mais également aux personnes qui résident en France depuis plus de cinq ans, et qui peuvent exécuter leur peine en France, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions de l'article 695-24 du code de procédure pénale ;
"2°) alors que, et à tout le moins, dans le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, il était précisé que M. X... vivait en France depuis des années, auprès de sa seule famille, sa mère et son beau-père, mais également son frère handicapé placé sous la curatelle de sa mère, qu'il partageait sa vie avec une infirmière et qu'il travaillait régulièrement en France, que sa mère devait se faire opérer d'un polype, que son beau-père était en phase terminale de cancer et que son frère était handicapé à 80%, ce qui justifiait de ne pas faire droit à la demande de remise, compte tenu du fait que les faits pour lesquels il avait été condamné avaient eu lieu pratiquement quatorze ans plus tôt et à tout le moins de surseoir à cette exécution ; que pour rejeter cette demande la chambre de l'instruction se borne à énoncer que la remise demandée n'entre pas dans le cadre du sursis humanitaire de l'article 695-38, les risques graves allégués ne le visant pas personnellement, ni dans le cadre du refus de remise prévu par l'article 695-24 ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier, comme l'y invitait le mémoire, si la remise de la personne recherchée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que, selon l'article 695-38 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction peut surseoir temporairement à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen pour des raisons sérieuses ; que, compte tenu du fait que la mère de M. X... devait être opérée d'un polype, que son beau-père était en phase terminale de cancer, et qu'il devait considérer l'avenir de son frère handicapé à 80 %, M. X... demandait qu'il soit à tout le moins sursis à l'exécution du mandat d'arrêt ; qu'en jugeant que l'article 695-38 du code de procédure pénale ne se référant qu'aux risques pouvant affecter la personne dont la remise était demandée, la chambre de l'instruction a encore méconnu les dispositions de l'article 695-38 du code de procédure pénale, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Vu l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, ensemble l'article 593 du même code ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes, que la remise peut être refusée pour l'exécution d'une peine privative de liberté si la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du même code ;
Attendu qu'il résulte du second de ces textes, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles du mémoire ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour autoriser la remise aux autorités judiciaires polonaises, l'arrêt attaqué, qui retient que M. X..., ressortissant polonais résidant en France, sollicite la faculté d'exécuter sa peine sur le territoire national, énonce que, n'étant pas de nationalité française, il n'entre dans aucune des catégories visées à l'article 695-24 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au mémoire qui soutenait que M. X... avait sa résidence en France depuis plus de cinq années et sans rechercher si la condamnation pouvait être exécutoire sur le territoire français, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 25 septembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-86553
Date de la décision : 05/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Remise - Refus - Cas - Articles 695-22 à 695-24 du code de procédure pénale - Condition de résidence - Recherche nécessaire

Il résulte des dispositions de l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, que la remise peut être refusée pour l'exécution d'une peine privative de liberté si la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du même code. Ne justifie pas sa décision l'arrêt qui autorise l'exécution du mandat d'arrêt européen en énonçant que la personne recherchée, ressortissant polonais résidant en France, n'étant pas de nationalité française, n'entrait dans aucune des catégories visées à l'article 695-24 du code de procédure pénale


Références :

article 695-24 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, 25 septembre 2014

Sur les conditions de refus d'exécution d'un mandat d'arrêt européen, en application des articles 695-22 à 695-24 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 8 août 2007, pourvois n° 07-84.620 et 07-84.621, Bull. crim. 2007, n° 189 (cassation) (arrêts n° 1 et 2)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 nov. 2014, pourvoi n°14-86553, Bull. crim. criminel 2014, n° 229
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 229

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:14.86553
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