LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bernard X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 5 septembre 2013, qui, dans l'information suivie contre M. Jean-Christophe Y... du chef de diffamation publique envers particulier, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 septembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MAZIAU, les observations de Me HAAS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté l'extinction par prescription de l'action en diffamation formée par M. X... à l'encontre de M. Y... ;
" aux motifs qu'aux termes du premier alinéa de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, l'action publique et l'action civile des crimes, délits et contraventions de presse se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait ; qu'en l'espèce, M. X... a mentionné dans sa plainte avec constitution de partie civile que les deux tracts ayant porté atteinte à son honneur ou à sa considération avaient été distribués le 13 juin 2012, l'un des deux ayant fait l'objet d'une plainte de sa part au commissariat de police le même jour ; que devant le magistrat instructeur, il a précisé que l'écrit qualifié de profession de foi, objet de sa plainte simple, avait été distribué en ville le 13 juin, puis envoyé par courrier aux électeurs ; qu'il a ajouté que le tract avait été collé sur tous les panneaux d'affichage de son adversaire où il avait personnellement constaté sa présence le 13 juin 2012 ; que son conseil a fait observer que le premier jour de distribution de la profession de foi ne pouvait être que le 13 juin 2012, date à laquelle ce document devait être remis en préfecture ; que M. Y... a indiqué aux enquêteurs que les deux écrits attaqués avaient été distribués entre le 12 et le 14 juin 2012 ; qu'au juge d'instruction, il a spécifié que les deux documents incriminés avaient été diffusés le 13 juin ; que les attestations de son imprimeur font état de la livraison des deux tracts le 13 juin 2012 ; qu'à ce stade de l'information, les deux protagonistes de l'affaire s'accordaient pour fixer au 13 juin la date de première diffusion des deux écrits litigieux ; que c'est seulement après la notification de l'ordonnance du juge d'instruction constatant la prescription de l'action publique, soit dix mois après l'éventuelle commission des faits reprochés, que la partie civile s'est soudainement rappelée que si la profession de foi de son adversaire avait bien été distribuée dès le 13 juin, le tract électoral avait été diffusé pour la première fois le 14 juin ; que les attestations qu'elle verse aux débats au soutien de cette nouvelle date de mise à la disposition du public de la deuxième pièce attaquée, établies entre le 6 et le 29 avril 2013,font toutes état d'une distribution dudit tract le 14 juin 2012 sur la voie publique, tandis que M. X... a confirmé au juge d'instruction un affichage de ce même tract sur tous les panneaux de son adversaire; qu'il s'agit donc de deux épisodes de diffusion distincts qui ont pu intervenir à des dates différentes ; qu'il n'est en conséquence pas démontré par ces attestations que le premier acte de mise à la disposition du public de ce document date du 14 juin 2012 ; que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, la règle relative au point de départ de la prescription édictée par l'article 65 de la loi sur la presse n'est pas réservée aux livres et aux journaux, mais s'applique à tous les supports de diffusion ; qu'une nouvelle distribution d'un même tract sans réimpression ne saurait, au regard de la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la cour de cassation, être analysée comme une nouvelle publication ; qu'il a ainsi été jugé en matière d'affichage que la publication d'un écrit injurieux par voie d'affiche ne constitue pas autant d'infractions successives qu'il y a eu de faits d'affichage séparés ayant le même objet, mais une publication délictueuse unique, dont la date remonte à l'apposition initiale qui a consommé le délit et que c'est le premier fait d'affichage qui fixe le point de départ de la prescription ; qu'en conséquence, au cas présent, la profession de foi de M. Y..., distribuée à partir du 13 juin 2012, comme indiqué par M. X... dans sa plainte simple du même jour, était atteinte par la prescription lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile le 14 septembre 2012, le délai de prescription se calculant de quantième à quantième, et aucun acte interruptif de prescription n'ayant été accompli avant cette date ; qu'en ce qui concerne le tract incriminé, M. X... a toujours affirmé jusqu'à fin avril 2013 qu'il avait été diffusé par voie d'affichage en même temps que la profession de foi attaquée ; qu'il ne saurait être tiré argument de ce que sa plainte simple du 13 juin 2012 ne mentionne pas ce texte, lequel a pu être collé sur les panneaux d'affichage le 13 juin après 15 heures 20, heure à laquelle sa plainte a été reçue par un officier de police judiciaire de Neuilly-sur-Seine ; qu'il paraît peu vraisemblable qu'avant de mettre en mouvement l'action publique, M. X... n'ait pas rassemblé ses souvenirs et fait appel à ceux de son équipe de campagne ; que d'ailleurs, les personnes qui ont attesté en sa faveur les 27 novembre, 2 et 4 décembre 2012 n'ont pas fait état de la date de première diffusion des écrits litigieux, mais ont évoqué une mise à disposition du public durant plusieurs jours ; qu'enfin, il est établi que la société Sab Print a livré les deux imprimés incriminés le 13 juin 2012 ; que la date du 13 juin 2012 apparaît donc comme étant celle de la première diffusion du second tract attaqué par M. X... ; qu'en conséquence, cet écrit était également atteint par la prescription lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile le 14 septembre 2012, aucun acte interruptif de prescription n'ayant été accompli avant cette date ;
" alors qu'en matière de presse, le point de départ de la prescription est le jour de la publication de l'écrit incriminé puisque c'est par cette publication que se consomment les délits que peut contenir cet écrit ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'est en cause une publication nouvelle, même sans réimpression, la prescription ne remonte pas au jour de la première publication mais au jour de chacune des publications nouvelles ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le tract mettant nommément en cause M. X... avait fait l'objet de deux épisodes de diffusion distincts », le premier, le 13 juin 2012, par voie de d'affichage, le second, le 14 juin 2012, par voie de distribution, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, fixer le point de départ du délai de prescription de trois mois à la seule date du 13 juin 2012 au motif inopérant qu'une nouvelle diffusion, sans réimpression, d'un même tract ne saurait être analysée comme une nouvelle publication cependant que la seconde diffusion du tract, au surplus par un moyen de communication différent, caractérisait, au contraire, une réitération des faits, valant nouvelle publication dudit tract faisant courir un nouveau délai de prescription" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par courrier du 14 septembre 2012, M. Bernard X..., candidat aux élections législatives de juin 2012, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique, à la suite de la distribution, par M. Jean-Christophe Y..., de deux tracts qu'il estimait porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que, par ordonnance du 22 avril 2013, le juge d'instruction, après avoir relevé que les documents litigieux avaient été distribués à compter du 13 juin 2012, a constaté la prescription de l'action publique au jour du dépôt de la plainte ; que la partie civile a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, le point de départ du délai de prescription de trois mois fixé par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 pour les infractions de presse, qui sont des infractions instantanées, court du jour de la première diffusion de l'écrit incriminé, et que, d'autre part, la rediffusion d'un même écrit, sans reproduction ni réimpression, ne constitue pas une nouvelle publication, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;