Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 janvier 2013), que par acte authentique du 14 novembre 1994, la SCI La Manade (la SCI) a donné à bail à la société AZ Services (la société AZ) deux terrains pour une durée de vingt-trois mois courant à compter du 1er juillet 1994 avec autorisation d'y installer deux containers reliés par un toit en tôle pour y exercer une activité d'atelier et de bureaux ; que par acte du 15 mars 2010, la SCI, représentée par son liquidateur, M. X..., a assigné la société AZ en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation ; que la société AZ a demandé au tribunal de constater qu'elle bénéficiait d'un bail soumis au statut des baux commerciaux ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de juger que la demande de la société AZ n'est pas prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que la demande de requalification d'un contrat de location en bail commercial constitue une demande reconventionnelle, soumise en tant que telle à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; qu'en l'espèce, M. X..., ès qualité de liquidateur de la SCI La Manade, faisait valoir que la demande de requalification en bail commercial présentée par la société AZ Services plus de douze ans après l'expiration du bail initialement conclu, n'était plus recevable ; qu'en jugeant néanmoins que cette demande n'était pas prescrite, au motif erroné que la société AZ Services pouvait « invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l'article L.,145-12 du code de commerce », la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble les articles 64 et 71 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'il en est ainsi lorsqu'ils dénaturent les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour décider que la demande de requalification en bail commercial n'était pas prescrite en application de l'article L. 145-60 du code de commerce, la cour d'appel a retenu que la société AZ Services était en droit d'« invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l'article L. 145-12 du code de commerce conformément à l'adage "Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum" (l'action est temporaire, l'exception est perpétuelle) » ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait relevé que la société AZ Services sollicitait la requalification du contrat de location en bail commercial, et non la nullité d'une clause figurant au contrat de location, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'intimée et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exclusion d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; qu'en énonçant que la société AZ Services était fondée à invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du contrat à vingt-trois mois et celle aux termes de laquelle les parties avaient déclaré expressément déroger au statut des baux commerciaux, cependant que le bail avait déjà reçu exécution de plusieurs années, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;
Mais attendu que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale; que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, l'arrêt est légalement justifié ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de retenir que la société AZ est titulaire d'un bail commercial alors, selon le moyen, que sauf si des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, présentant des qualités de solidité et de fixité suffisantes, y sont édifiées avec l'accord exprès du propriétaire, la location d'un terrain nu n'est jamais soumise au statut des baux commerciaux ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que l'autorisation donnée par le propriétaire d'édifier sur les terrains nus donnés en location, s'était limitée à la pose de deux containers, et que ces installations constituaient des biens meubles dont l'enlèvement par un camion spécialisé ne présenterait aucune difficulté, nonobstant leur raccordement à des réseaux d'alimentation, ce dont il se déduisait que le statut était inapplicable ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société AZ Services était titulaire d'un bail commercial, que « les constructions en cause, érigées avec l'autorisation du propriétaire, satisfont aux conditions de solidité et de fixité exigées par la jurisprudence » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le caractère éminemment mobile des installations en cause excluait qu'elles puissent être assimilées à des constructions au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu que les baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions avec le consentement exprès du propriétaire étaient soumis au statut si un fonds de commerce était exploité par le locataire dans des constructions présentant des critères de solidité et de fixité, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que le caractère de solidité des constructions résultait de leur pérennité et que leur caractère de fixité résultait de leur connexion aux réseaux, en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le statut des baux commerciaux avait vocation à s'appliquer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Manade et de M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI La Manade et M. Pierre X..., ès qualités, à payer à la société AZ Services la somme de 3 000 euros ; rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société La Manade et M. X..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la demande de requalification en bail commercial de la société AZ SERVICES n'était pas prescrite en application de l'article L .145-60 du code de commerce et d'avoir écarté la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par M. Pierre X... es qualité de liquidateur de la SCI LA MANADE.
AUX MOTIFS QUE : « Par assignation en date du 15 mars 2010, la Société la MANADE a saisi le tribunal de grande instance de Basse-Terre aux fins de faire expulser la Société AZ SERVICES. Celle-ci a conclu au débouté des demandes de son bailleur en soutenant qu'elle est titulaire de la propriété commerciale et, en appel, elle soutient qu'une demande de requalification en bail commercial peut toujours être faite par voie d'exception. S'il est exact que l'action en revendication du statut, intentée plus de deux ans après la fin du premier bail dérogatoire est irrecevable, le locataire négligent qui a laissé s'écouler le bref délai de deux ans sans réagir, peut invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l'article L. 145-12 du code de commerce, conformément à l'adage " Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum" (l'action est temporaire, l'exception est perpétuelle). La demande de la Société AZ SERVICES n'est donc pas prescrite par application de l'article L. 145-60 du code de commerce. »
1°) ALORS QUE la demande de requalification d'un contrat de location en bail commercial constitue une demande reconventionnelle, soumise en tant que telle à la prescription biennale de l'article L.145-60 du code de commerce ; qu'en l'espèce, M. Pierre X... es qualité de liquidateur de la SCI LA MANADE faisait valoir que la demande de requalification en bail commercial présentée par la société AZ SERVICES plus de douze ans après l'expiration du bail initialement conclu, n'était plus recevable ; qu'en jugeant néanmoins que cette demande n'était pas prescrite, au motif erroné que la société AZ SERVICES pouvait « invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l'article L. 145-12 du code de commerce », la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble les articles 64 et 71 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'il en est ainsi lorsqu'ils dénaturent les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour décider que la demande de requalification en bail commercial n'était pas prescrite en application de l'article L. 145-60 du code de commerce, la Cour d'appel a retenu que la société AZ SERVICES était en droit d'« invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l'article L.145-12 du code de commerce conformément à l'adage " Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum" (l'action est temporaire, l'exception est perpétuelle)» ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait relevé que la société AZ SERVICES sollicitait la requalification du contrat de location en bail commercial, et non la nullité d'une clause figurant au contrat de location, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'intimée et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exclusion d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; qu'en énonçant que la société AZ SERVICES était fondée à invoquer par voie d'exception la nullité de la clause fixant la durée du contrat à 23 mois et celle aux termes de laquelle les parties avaient déclaré expressément déroger au statut des baux commerciaux, cependant que le bail avait déjà reçu exécution de plusieurs années, la Cour d'Appel a violé l'article 1304 du code Civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé que la Société AZ SERVICES est titulaire d'un bail commercial et d'avoir débouté M. X... es qualité de liquidateur de la société LA MANADE de ses demandes.
AUX MOTIFS que la Cour approuve que le premier juge a dit que les constructions en cause, érigées avec l'autorisation du propriétaire, satisfont aux conditions de solidité et de fixité exigées par la jurisprudence et que, les autres conditions posées par L. 145-1 du code de commerce telles que propriété du fonds de commerce et affectation des locaux à l'exploitation du fonds, étant réunies en l'espèce, le statut des baux commerciaux avait vocation à s'appliquer au bail en cause. Dès lors, les parties ne pouvaient déroger au statut d'ordre public des baux commerciaux qu'à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans. C'est bien ce qui a été stipulé dans le bail notarié du 14 novembre 1994 mais, puisque, à l'expiration du bail dérogatoire, le preneur est resté en possession, il s'est opéré un nouveau bail soumis au statut » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu que le principe est l'exclusion des terrains nus de l'application du statut des baux commerciaux, ces derniers devant au sens de l'article 145-1 du code de commerce porter sur des immeubles ou des locaux, et la jurisprudence rappelle de façon constante l'inapplication du statut aux terrains nus, c'est-à-dire sans aucune construction. Attendu que l'article L. 145-1 alinéa 2, apporte toutefois une dérogation à ce principe, en incluant dans le champ d'application du statut "les baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiés, soit avant soit après le bail, des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire ". Attendu qu'il en résulte que le statut n'est applicable aux constructions sur un terrain nu qu'à la condition qu'un fonds de commerce, qui doit être la propriété du locataire, soit exploité par celui-ci. Attendu que dans le bail de courte durée du 14 novembre 1994 figure une disposition ainsi rédigée :" par les présentes le bailleur autorisera expressément le preneur à mettre en place sur le terrain loué, deux containers et de les relier par un toit en tôle. Les containers devront être utilisés à usage d'atelier et de bureaux". Attendu que la cour de cassation a rappelé que la réalité de la construction devait s'apprécier selon des critères de solidité et de fixité, à l'appréciation des juges du fond. Attendu que le caractère de solidité de la construction résulte de sa pérennité puisque les containers, ainsi que la couverture qui les relie sont en place depuis plus de quinze ans. Attendu que le caractère de fixité ne résulte pas nécessairement de l'existence de fondations mais peut résulter de ce qu'il est relié aux réseaux (eau, électricité, téléphone ¿etc) Attendu que les containers en cause, en ce qu'ils sont à usage de bureau et d'atelier sont nécessairement reliés au réseau d'électricité, d'eau et de téléphone. Attendu que les constructions en cause satisfont donc aux conditions de solidité et de fixité exigées par la jurisprudence. Attendu que les autres conditions posées par L. 145-1 du code de commerce, telles que propriété du fonds de commerce et affectation des locaux à l'exploitation du fonds, étant réunies en l'espèce, le statut des baux commerciaux avait vocation à s'appliquer au bail en cause. »
ALORS QUE sauf si des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, présentant des qualités de solidité et de fixité suffisantes, y sont édifiées avec l'accord exprès du propriétaire, la location d'un terrain nu n'est jamais soumise au statut des baux commerciaux ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que l'autorisation donnée par le propriétaire d'édifier sur les terrains nus donnés en location, s'était limitée à la pose de deux containers, et que ces installations constituaient des biens meubles dont l'enlèvement par un camion spécialisé ne présenterait aucune difficulté, nonobstant leur raccordement à des réseaux d'alimentation, ce dont il se déduisait que le statut était inapplicable (conclusions p. 8 et 9) ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société AZ SERVICES était titulaire d'un bail commercial, que « les constructions en cause, érigées avec l'autorisation du propriétaire, satisfont aux conditions de solidité et de fixité exigées par la jurisprudence » (cf. arrêt p.4§4) sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le caractère éminemment mobile des installations en cause excluait qu'elles puissent être assimilées à des constructions au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.