LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le troisième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 septembre 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 octobre 2011, B IV n° 151, pourvoi n° 10-20.240), que la société Locatex, aux droits de laquelle vient la société Transports frigo 7 - Locatex, entreprise de transports frigorifiques et de marchandises, a, dans cette dernière activité, pour principal chargeur depuis 1972 la société Gefco, commissionnaire de transport ; que le 8 février 2008, la société Gefco a informé la société Transports frigo 7 - Locatex qu'elle mettait fin à leur relation contractuelle avec un préavis de six mois ; que soutenant que cette rupture était abusive et brutale, la société Transports frigo 7 - Locatex a fait assigner la société Gefco en réparation ; que la société Transports frigo 7 - Locatex ayant été mise en liquidation judiciaire, les sociétés Ajire et Goïc sont intervenues à la procédure, en qualité respectivement d'administrateur et de liquidateur judiciaires ;
Attendu que la société Transports frigo 7 - Locatex et les sociétés Ajire et Goïc, ès qualités, font grief à l'arrêt du rejet de la demande tendant à ce que le Conseil d'Etat soit saisi d'une question préjudicielle, et de la demande indemnitaire pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen :
1°/ qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que la société Transports frigo 7- Locatex a invoqué l'incompatibilité entre les dispositions, de nature législatives, issues de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et celles, de nature réglementaire, issues de l'article 12.2 du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ; qu'en se bornant pourtant à énoncer que cet article est conforme à la loi d'habilitation, sans se prononcer sur sa contrariété avec l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 8 II, alinéa 2, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoit : « Sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées aux alinéas précédents, les clauses de contrats types s'appliquent de plein droit » ; que si celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, engage, aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, sa responsabilité délictuelle, cette disposition n'en constitue pas moins une disposition législative en matière de contrat ; que la cour d'appel a énoncé que le contrat type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat et que tel n'est pas le cas avec les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° qui instaure une responsabilité de nature délictuelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 12.2 du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003, en ce qu'il prévoit que la durée maximum du préavis de rupture du contrat de sous-traitance est de trois mois, place nécessairement le transporteur routier sous-traitant dans une situation d'inégalité avec les autres opérateurs économiques, qui peuvent invoquer, en cas de brusque rupture d'une relation commerciale établie, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui laissent au juge le soin d'apprécier la durée du préavis que doit respecter l'auteur de la rupture ; que la cour d'appel a énoncé que le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 est le résultat du travail conduit par les organisations professionnelles au sein du Comité national des transports et que les règles ainsi instituées ne constituent pas une rupture d'égalité, mais bien une adaptation à une situation particulière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne s'applique pas aux relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants lorsque le contrat type, institué par la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, qui prévoit en son article 12.2 la durée des préavis de rupture, régit, faute de stipulations contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport ; qu'ainsi le moyen tiré de la contrariété de ces dispositions, qui n'entrent pas en concurrence, n'est pas sérieux, de sorte que l'arrêt n'encourt pas la critique de la première branche ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que, si le contrat type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat, tel n'est pas le cas de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, la cour d'appel en a justement déduit que la question préjudicielle formée à ce titre n'était pas sérieuse ;
Et attendu, enfin, qu'après avoir rappelé que le principe d'égalité n'interdit pas que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes, l'arrêt, après avoir relevé que le décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 approuve le contrat type issu des négociations conduites par les organisations professionnelles concernées et le Conseil national des transports, en déduit à juste titre que les règles ainsi instituées, qui s'appliquent à la situation particulière des sous-traitants de transports publics routiers de marchandises, ne caractérisent pas une rupture d'égalité, de sorte que la question préjudicielle soulevée sur ce fondement n'est pas sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;Et attendu que les premier et deuxième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Frigo 7 - Locatex aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Transports frigo 7 - Locatex et les sociétés Ajire et Goic, ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté la société Transports Frigo 7-Locatex de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Gefco ;
AUX MOTIFS QUE « contrairement à ce que soutient la SA GEFCO, la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX est recevable à soutenir pour la première fois que les parties sont liées par un contrat de location de véhicule avec chauffeur ou par un contrat de transport, et non par un contrat de sous-traitance de transport ; qu'en effet, ce moyen nouveau ne contredit pas l'argumentation, jusqu'alors soutenu, selon laquelle l'article L.442-6-1-5° était applicable au contrat de sous-traitance, et constitue un argument de défense à la règle posée par la Cour de cassation de l'inapplicabilité de cet article ; que toutefois, ce moyen n'est pas fondé car les relations contractuelles constituent un contrat de sous-traitance de transport, par lequel la SA GEFCO, chargée par son client PSA d'acheminer diverses marchandises, sous traite ces transports à la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX ; que deux contrats types de sous-traitance de transport ont été passés entre la SA GEFCO et la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX : le 24 mars 2006 un contrat type de sous-traitance transport relatif aux lignes gérées par l'agence Gefco de Gennevilliers, le 12 février 2007 un contrat type de sous-traitance transport relatif aux lignes gérées par l'agence Gefco de Bruz (35174) ; que les parties n'ont jamais conclu entre elles de contrat de location de véhicule avec chauffeur ; que les opérations de transport étaient effectuées sous la responsabilité de la TRANSPORTS FRIGO7 LOCATEX ; que les instructions générales données par la SA GEFCO à la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX ne conduisent pas à la qualification de contrat de location de véhicule avec chauffeur ; qu'il résulte des dispositions du décret 2003-1295 sur les transports publics de marchandises effectués par des sous-traitants : que le sous-traitant effectue le transport à l'aide d'un matériel adapté aux marchandises à transporter ainsi qu'aux accès et installations de chargement et de déchargement définies par l'opérateur de transport, qu'il s'engage à n'utiliser que du matériel en bon état de marche et de présentation, qu'il a à sa charge la gestion financière et technique du matériel, qu'il peut être invité par l'opérateur de transport à s'équiper en matériels et logiciels compatible avec les siens, et à installer des matériels de géolocalisation, qu'il peut lui être demandé que le personnel ou le matériel porte une couleur et une marque définie, que le conducteur salarié est exclusivement le préposé du sous-traitant qui assume la totale maîtrise et la responsabilité de la prestation dans le cadre des directives générales données par l'opérateur de transport, que l'opérateur de transport donne au sous-traitant les directives générales concernant les opérations de transport, les points de chargement et de déchargement, les délais de livraison, les itinéraires; qu'en revanche que les éléments essentiels du contrat de location de véhicule avec chauffeur ne se retrouvent pas dans les relations entre les parties ; que la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX ne met pas à la disposition exclusive de GEFCO des véhicules industriels avec personnel de conduite ; que la SA GEFCO ne s'engage pas à restituer ces véhicules au terme du contrat de location ; que la SA GEFCO ne procède pas au transport des marchandises et n'en est pas responsable, alors qu'au contraire, en sa qualité de sous-traitant la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX procède au transport et se trouve soumise aux règles de responsabilité du transporteur ; qu'en outre, la SA GEFCO est chargée d'accomplir la prestation de transport demandée par ses clients ; qu'elle n'est à aucun moment l'expéditeur ou le destinataire des marchandises, le lieu de chargement et de déchargement étant déterminé par son propre client, seul expéditeur et destinataire des objets transportés ; que manque ainsi l'élément essentiel d'un contrat de transport passé entre un expéditeur ou un destinataire et un transporteur ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les relations contractuelles étaient régies par des contrats de transport de marchandises exécutés par un sous-traitant » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE le juge doit restituer leur exacte qualification aux actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que, pour qualifier le contrat litigieux de contrat de sous-traitance, la Cour d'appel a relevé que deux contrats types de sous-traitance de transport ont été passés entre la SA Gefco et la SAS Transports Frigo 7-Locatex et que les parties n'ont jamais conclu entre elles de contrat de location de véhicule avec chauffeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher quelle qualification devaient revêtir les relations contractuelles entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE pour écarter la qualification de contrat de location de véhicule avec chauffeur, la Cour d'appel a énoncé que la SA Gefco ne procède pas au transport des marchandises et n'en est pas responsable, tout en relevant que cette même société est chargée d'accomplir la prestation de transport demandée par ses clients ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, encore, QUE, dans ses écritures d'appel (concl., p. 22 s.), la société Transports Frigo 7-Locatex faisait valoir que la société Gefco avait seule la maîtrise des opérations de transport, s'agissant des lignes gérées par le site de Courbevoie ; qu'elle exposait (n°67) que, dans ses correspondances, la société Gefco elle-même utilise les termes de "location" ou "location inter-usines", qu'elle tenait des tableaux de matériels loués par la société Locatex, dont la dénomination sociale a été formée à partir du préfixe "locat", qui désignait son activité de location, que la facturation était effectuée au kilomètre, que la société Gefco surveillait les kilomètres par GPS avec son propre matériel de géolocalisation, qu'elle visait les numéros d'immatriculation des véhicules, pour décider très précisément de leur utilisation, parlant à cette occasion « d'attelage » ou de "tracteur", ces termes se distinguant de ceux d'une relation de transport normale, où les termes employés sont "lignes", "trafics" ou "flux", qu'elle exigeait la mise à disposition exclusive des véhicules qui lui étaient loués, empêchant toute utilisation pour un autre client, qu'elle imposait l'apposition de son sigle et de ses couleurs sur le matériel loué, qu'elle décidait également de la fréquence de renouvellement des matériels, de leur équipement, notamment un radiotéléphone, qui devait permettre selon ses propres termes "le contact direct Gefco / Conducteur" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si ces éléments n'étaient pas de nature à établir que les parties étaient liées par un contrat de location de véhicule avec conducteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS, enfin, QUE, s'agissant des autres lignes, la société Transports Frigo 7- Locatex faisait encore la démonstration de l'existence d'un contrat de location avec conducteur ; qu'elle exposait (n° 69) que la société Gefco déterminait la nature et la quantité des marchandises transportées, à savoir des pièces détachées pour le compte de la société PSA, sans aucune possibilité de modification par la société Transports Frigo 7-Locatex, qu'elle fixait les points de chargement et de déchargement et les délais de livraison de ces marchandises, allant jusqu'à sanctionner par des pénalités financières de dépassement d'horaire de 15 minutes sur des trajets consistant à traverser la France, qu'elle imposait également la création d'agences spécifiques comme celle de Vesoul et, enfin, qu'elle assurait le chargement, l'arrimage et le déchargement des marchandises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si ces éléments n'étaient pas de nature à établir que les parties étaient liées par un contrat de location de véhicule avec conducteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté la société Transports Frigo 7-Locatex des demandes qu'elle forme sur le fondement de l'article L.420-2 du code de commerce, et sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE « les circonstances de fait invoquées par la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX montrent l'existence d'une situation de dépendance économique, dans la mesure où le volume d'affaires de la SA GEFCO représentait 75 % de l'activité de LOCATEX, et 45 % de son activité depuis la fusion avec FRIGO 7 ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit les demandes de la SA GEFCO sur la qualité du matériel, du personnel ainsi que sur le respect des délais, ne dépassaient pas les attentes légitimes d'un donneur d'ordre ; que les litiges apparus en 2007 sur l'indexation du prix sur le coût du gazole et sur l'application de prix abusivement bais font l'objet de deux instances introduites le 11 mars 2008 qui sont toujours en cours, au niveau de la Cour de cassation et de la cour d'appel ; que ces litiges proviennent d'une divergence de vue entre les parties sur les modalités de fixation des prix qui auraient dues être appliquées à partir de janvier 2006 ; qu'ils nécessitent des calculs complexes confiés à un expert ; qu'ils trouveront leurs solutions au terme des procédures engagées ; que ces litiges se trouvent à l'origine de la décision de la SA Gefco de rompre les contrats ; qu'il apparaît ainsi que la SA Gefco a pris cette décision en considération de son intérêt ; que par conséquent ils ne suffisent pas à démontrer que la SA Gefco a abusé de son droit de mettre fin aux contrats à durée indéterminée ; que de même la perte importante de chiffre d'affaires sur une courte période entraînée par cette rupture ne fait pas la preuve de l'abus de droit de la SA Gefco ; que les contrats visés par la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX ne prévoient un préavis négocié que pour mettre fin à l'une des prestations prévues, mais non pour rompre les relations commerciales dans leur intégralité ; qu'il n'y a donc pas eu violation des contrats ; que la SA Gefco, confrontée à une divergence de vue importante avec la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX a pris la décision de rompre ses relations commerciales, sans qu'il soit démontré qu'elle a abusé de son droit ; que la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX doit en conséquence être déboutée de ce chef de demande » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE le droit de rompre unilatéralement un contrat à durée indéterminée peut dégénérer en abus ; qu'il en est ainsi en particulier quand l'auteur de la rupture tient l'autre partie dans une situation de dépendance économique ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société Transports Frigo 7-Locatex était dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Gefco ; que la cour d'appel a encore constaté que cette dernière avait rompu la relation contractuelle en raison des litiges entre les parties sur les modalités de fixation des prix qui auraient dues être appliquées à partir de janvier 2006 et qu'il apparaît ainsi que la société Gefco a pris cette décision en considération de son intérêt ; qu'en refusant cependant de retenir que la société Gefco avait commis un abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134, al. 3 du code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE commet un abus de droit la partie contractante qui rompt unilatéralement un contrat au seul motif que son cocontractant a réclamé le bénéfice d'une indexation prévue par la loi ; que, dans ses écritures, la société Transports Frigo 7-Locatex a soutenu que par courrier du 8 février 2008, la société Gefco a refusé sa demande légitime d'indemnisation due au titre du surcoût gazole et mis fin aux relations commerciales (n° 114) ; qu'elle précisait que la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt en date du 9 mars 2010 avait relevé que le comportement de la société Gefco correspondait à une dissimulation malicieuse, le mécanisme d'indexation imposé par elle étant purement potestatif ; qu'elle en concluait que la société Gefco a rompu la relation commerciale pour continuer à imposer ses conditions et se soustraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 1er février 1995 lui imposant l'indexation du prix du transport afin de tenir compte de l'évolution du prix du gazole ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si ces éléments n'établissaient que la Gefco avait abusé de son droit de rompre le contrat, la cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, al. 3 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté la société Transports Frigo 7-Locatex de sa demande tendant à ce que le Conseil d'Etat soit saisi d'une question préjudicielle et de l'avoir déboutée de sa demande indemnitaire ;
AUX MOTIFS QUE « le décret 2003-1295 a été pris en application de l'article 8-II de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 ; que la loi habilitait le pouvoir réglementaire à définir les rapports entre les parties au contrat de sous-traitance ; que la liste des stipulations à prendre n'est pas limitative ; que parmi ces rapports figurent les modalités et le délai de préavis de la rupture des contrats ; que l'article 12.2 qui précise ces règles est conforme à la loi d'habilitation et ne contrevient pas à la hiérarchie des normes ; que le contrat type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat ; que tel n'est pas le cas avec les dispositions de l'article L.442-6-1-5° qui instaure une responsabilité de nature délictuelle ; que le respect du principe d'égalité n'interdit pas que des situations distinctes puissent faire l'objet de solutions distinctes ; qu'en l'espèce, le décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 est le résultat du travail conduit par les organisations professionnelles au sein du Comité National des Transports ; que les règles ainsi instituées ne constituent pas une rupture d'égalité, mais bien une adaptation à une situation particulière ; qu'il convient de rejeter la demande de la SAS TRANSPORTS FRIGO 7 LOCATEX tendant à ce qu'une question préjudicielle soit posée au Conseil d'Etat » ;
1°/ ALORS, d'une part, QU'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que la société Transports Frigo 7-Locatex a invoqué l'incompatibilité entre les dispositions, de nature législatives, issues de l'article L.442-6-1-5° du code de commerce et celles, de nature réglementaire, issues de l'article 12.2 du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ; qu'en se bornant pourtant à énoncer que cet article est conforme à la loi d'habilitation, sans se prononcer sur sa contrariété avec l'article L.442-6-1-5° du code de commerce, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, d'autre part, QU'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 8 II, al. 2 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoit : « Sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées aux alinéas précédents, les clauses de contrats types s'appliquent de plein droit » ; que si celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, engage, aux termes de l'article L.442-6-1-5° du code de commerce, sa responsabilité délictuelle, cette disposition n'en constitue pas moins une disposition législative en matière de contrat ; que la cour d'appel a énoncé que le contrat type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat et que tel n'est pas le cas avec les dispositions de l'article L.442-6-1-5° qui instaure une responsabilité de nature délictuelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, enfin, QU'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 12.2 du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003, en ce qu'il prévoit que la durée maximum du préavis de rupture du contrat de sous-traitance est de trois mois, place nécessairement le transporteur routier sous-traitant dans une situation d'inégalité avec les autres opérateurs économiques, qui peuvent invoquer, en cas de brusque rupture d'une relation commerciale établie, les dispositions de l'article L.442-6-I-5° du Code de commerce, qui laissent au juge le soin d'apprécier la durée du préavis que doit respecter l'auteur de la rupture ; que la Cour d'appel a énoncé que le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 est le résultat du travail conduit par les organisations professionnelles au sein du Comité National des Transports et que les règles ainsi instituées ne constituent pas une rupture d'égalité, mais bien une adaptation à une situation particulière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile.