LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 mars 2013), que la société Lyonnaise de banque (la banque) s'est rendue caution à concurrence de 38 115 euros des engagements de la société Etablissements Charles Cuggia (la société Cuggia) envers la société Médis ; que cet engagement était garanti par le nantissement, au profit de la banque, d'un compte à terme d'un montant de 38 000 euros ouvert par la société Cuggia ; que le 30 novembre 2002, la société Distribution Casino France (la société Casino) est venue aux droits de la société Médis par l'effet d'une fusion-absorption ; que le 18 mars 2005, la société Cuggia a été mise en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que la créance de la société Casino au passif de la société Cuggia ayant été fixée à une certaine somme, la banque a payé cette somme et mis en oeuvre le nantissement ; que soutenant que celui-ci ne garantissait pas l'engagement de caution au-delà de la date de fusion-absorption, le liquidateur a demandé restitution de la même somme à la banque, déduction faite de celles dues à la société Médis à cette même date ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le nantissement du compte à terme ouvert dans ses livres par la société Cuggia n'avait pas été affecté à la garantie des sommes dues à la société Casino et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer au liquidateur les sommes qui auraient figuré au crédit de ce compte au jour où cet arrêt serait devenu définitif si elles n'avaient pas été versées à la société Casino, sous déduction de la somme de 1 863, 93 euros, soit la somme de 36 130, 07 euros à parfaire, alors, selon le moyen :
1°/ que la fusion-absorption entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, dans l'état où il se trouve à la date de l'opération ; qu'en relevant néanmoins que la fusion-absorption de la société Medis par la société Casino avait eu pour conséquence de limiter l'engagement de caution de la société Lyonnaise de banque aux dettes de la société Cuggia envers la société Medis à la date de cette fusion-absorption, de sorte que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Casino, bien que le cautionnement garantissant le paiement des sommes dues par la société Cuggia ait été transmis de plein droit à la société Casino par suite de la fusion-absorption de la société Medis, la cour d'appel a violé l'article L. 236-3 du code de commerce ;
2°/ qu'en cas de fusion de sociétés, par voie d'absorption d'une société par une autre, l'obligation de la caution qui s'est engagée envers la société absorbée est maintenue pour la garantie des dates nées postérieurement à la fusion en cas de manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager envers la société absorbante ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour juger que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque pour la garantie des créances de la société Medis n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Casino, que la société Cuggia n'avait pas donné son accord à ce transfert faute d'avoir été informée avant sa mise en liquidation judiciaire de ce que la société Lyonnaise de banque entendait maintenir sa caution au profit de la société Casino, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la circonstance que la société Cuggia ait continué après la fusion-absorption à payer la commission de caution établissait la volonté de la société Cuggia de voir le cautionnement maintenu au profit de la société Casino, de sorte que la volonté manifestée par la banque, lors de la liquidation judiciaire de la société Cuggia, de s'engager au profit du nouveau créancier emportait le maintien du cautionnement pour la garantie des dettes nées postérieurement à la fusion et, par suite, le transfert du nantissement initialement affecté à la garantie des créances de la société Medis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2292 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce ;
3°/ que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en affirmant néanmoins que le silence du liquidateur faisant suite au courrier lui ayant été adressé le 6 décembre 2005 par la banque pour l'informer qu'elle réglerait, en qualité de caution, à la société Casino la somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme garantissant le cautionnement des sommes dues à la société Medis ne pouvait valoir acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution souscrit par la banque, après avoir pourtant constaté que le liquidateur avait bénéficié d'une information préalable et ne s'était pas opposé au paiement par la banque, ce dont il se déduisait qu'il avait tacitement donné son accord à l'exécution par la banque de son engagement de caution, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu à bon droit que la fusion-absorption de la société Médis, entraînant sa disparition avait eu pour conséquence de limiter l'engagement de caution de la banque aux sommes dues par la société Cuggia à la date de cette fusion-absorption ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que si la banque a accepté de cautionner à l'égard de la société absorbante de nouvelles dettes de la société Cuggia, ce seul engagement n'a pu, à défaut d'accord de celle-ci ou de son liquidateur, avoir pour effet de transférer la garantie dont était assorti le cautionnement antérieurement consenti en faveur de la société absorbée ; qu'il retient encore qu'un tel accord ne saurait se déduire du seul paiement par la société Cuggia des frais afférents à la caution ni du maintien de ses relations commerciales avec la société Casino, dès lors qu'elle n'avait pas connaissance à cette date de la volonté de la banque de maintenir sa caution envers cette dernière, ni du silence du liquidateur à réception du courrier de la banque du 6 décembre 2005 l'informant qu'elle exécuterait son engagement de caution envers la société Casino ; que par ces constatations et appréciations souveraines de la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lyonnaise de banque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de banque
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR jugé que le nantissement consenti à la société Lyonnaise de banque sur le compte à terme ouvert en ses livres par la société Cuggia n'avait pas été affecté à la garantie des sommes dues par la société Cuggia à la société Distribution Casino France et d'avoir, en conséquence, condamné la société Lyonnaise de banque à payer à Maître X..., ès qualités de liquidateur de la société Cuggia, les sommes qui auraient figuré au crédit du compte à terme au jour où le présent arrêt serait devenu définitif si elles n'avaient pas été versées à la société Distribution Casino France, sous déduction de la somme de 1. 863, 93 euros, soit la somme de 36. 130, 07 euros à parfaire ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant que dans le cadre d'une opération de fusionabsorption en date du 30 novembre 2002, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a absorbé la SAS MEDIS qui bénéficiait, selon un acte en date du 28 mai 2002, de la caution conjointe et solidaire de la SLB pour l'ensemble des sommes pouvant lui être dues par la SA CUGGIA dans la limite de 38. 115 euros en principal. Entraînant la disparition de la SAS MEDIS, cette opération a eu pour conséquence, comme le soutient Maître X..., de limiter l'engagement de caution de la SLB au montant dû par la SA CUGGIA à la société MEDIS à la date de cette fusion-absorption soit en l'espèce à la somme de 1. 863, 93 euros. La SLB ayant choisi comme elle le revendique dans ses écritures de cautionner à l'égard d'un nouveau créancier, la SAS CASINO FRANCE DISTRIBUTION, de nouvelles dettes de la SA CUGGIA, elle a souscrit un nouvel engagement de caution ce que rien ne lui interdit. Cette volonté réitérée n'a pu cependant à elle seule, sans l'accord soit de la société CUGGIA, soit postérieurement à sa nomination de Maître X... en sa qualité de liquidateur, avoir eu pour effet de transférer la garantie dont était assorti le cautionnement antérieur, constituée par le nantissement au profit de la SLB du compte à terme ouvert en ses livres par la SA CUGGIA, en ce que cette garantie avait été consentie pour le seul cautionnement au profit de la SAS MEDIS. L'existence d'un tel accord ne saurait se déduire du seul fait que la société CUGGIA a entretenu des relations commerciales avec la SAS CASINO postérieurement à la fusion absorption intervenue, sauf à démontrer tout d'abord que ta SA CUGGIA avait connaissance de la volonté de la SLB de maintenir sa caution au profit de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ce qui implique que cette volonté avait été antérieurement exprimée. L'expression de cette volonté de la SLB ne peut résulter du seul paiement des frais afférents à la caution bancaire par la SA CUGGIA. Comme le fait valoir ensuite Maître X..., le courrier adressé le 27 octobre 2005 par la SLB à la SAS MEDIS aux termes duquel elle lui notifiait que, sauf observation dans un délai de 15 jours, elle procéderait à l'annulation de son engagement de caution à son égard, démontre que la SLB ignorait à cette date que la SAS MEDIS avait été absorbée par la SAS CASINO DISTRIBUTION FRANGE de sorte qu'elle n'avait pu antérieurement exprimer vis à vis de la SA CUGGIA ou de son liquidateur la volonté de s'engager en qualité de caution envers la SAS CASINO. Enfin, le silence de Maître X... faisant suite au courrier lui ayant été adressé postérieurement par la SLB le décembre 2005 pour l'informer qu'elle réglerait, en qualité de caution, à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme garantissant ce crédit par signature ne peut valoir acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution souscrit par Ia SLB. II s'ensuit que la SLB doit restituer à Maître X... la différence entre le montant qui aurait été atteint par ce compte à terme s'il n'avait pas servi à payer la SAS CASINO au jour où le présent arrêt sera définitif et la somme de 1863, 93 euros correspondant au solde de la créance de la SAS MEDIS à la date de la fusion-absorption, reconnu par Maître X... et établi par les pièces versées aux débats. La justification de ce montant par la SLB devra intervenir dans un délai d'un mois à compter du jour où le présent arrêt sera définitif et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de trois mois. Cette somme, à parfaire au vu des justificatifs qui seront produits, s'élève en l'état à 38. 000 - 1. 863, 93 = 36. 136, 07 euros » ;
1°) ALORS QUE la fusion-absorption entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, dans l'état où il se trouve à la date de l'opération ; qu'en relevant néanmoins que la fusion-absorption de la société Medis par la société Distribution Casino France avait eu pour conséquence de limiter l'engagement de caution de la société Lyonnaise de banque aux dettes de la société Cuggia envers la société Medis à la date de cette fusion-absorption, de sorte que le nantissement consenti par la société Cuggia à la société Lyonnaise de banque n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Distribution Casino France, bien que le cautionnement garantissant le paiement des sommes dues par la société Cuggia ait été transmis de plein droit à la société Distribution Casino France par suite de la fusion-absorption de la société Medis, la cour d'appel a violé l'article L. 236-3 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, en cas de fusion de sociétés, par voie d'absorption d'une société par une autre, l'obligation de la caution qui s'est engagée envers la société absorbée est maintenue pour la garantie des dates nées postérieurement à la fusion en cas de manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager envers la société absorbante ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour juger que le nantissement consenti par la société Cuggia à la société Lyonnaise de banque pour la garantie des créances de la société Medis n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Distribution Casino France, que la société Cuggia n'avait pas donné son accord à ce transfert faute d'avoir été informée avant sa mise en liquidation judiciaire de ce que la société Lyonnaise de banque entendait maintenir sa caution au profit de la société Distribution Casino France, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la circonstance que la société Cuggia ait continué après la fusion-absorption à payer la commission de caution établissait la volonté de la société Cuggia de voir le cautionnement maintenu au profit de la société Distribution Casino France, de sorte que la volonté manifestée par la société Lyonnaise de banque, lors de la liquidation judiciaire de la société Cuggia, de s'engager au profit du nouveau créancier emportait le maintien du cautionnement pour la garantie des dettes nées postérieurement à la fusion et, par suite, le transfert du nantissement initialement affecté à la garantie des créances de la société Medis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2292 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en affirmant néanmoins que le silence de Maître X... faisant suite au courrier lui ayant été adressé le 6 décembre 2005 par la société Lyonnaise de banque pour l'informer qu'elle réglerait, en qualité de caution, à la société Distribution Casino France la somme de 38. 115 euros en libérant le compte à terme garantissant le cautionnement des sommes dues à la société Medis ne pouvait valoir acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution souscrit par la société Lyonnaise de banque, après avoir pourtant constaté que Maître X..., ès qualités, avait bénéficié d'une information préalable et ne s'était pas opposé au paiement par la société Lyonnaise de banque, ce dont il se déduisait qu'il avait tacitement donné son accord à l'exécution par la société Lyonnaise de banque de son engagement de caution, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR rejeté la demande de la société Lyonnaise de banque aux fins de voir condamner la société Distribution Casino France à lui restituer la somme de 36. 251, 07 euros, avec intérêts légaux à compter du versement ;
AUX MOTIFS QU'« invoquant les dispositions des articles 1235 et 2308 in fine du Code civil, la SLB demande la condamnation de la SAS CASINO à lui restituer les sommes qu'elle lui a versées sans qu'elles lui soient dues dès lors qu'il a été fait droit à la demande de Maître X.... Comme objecte la SAS CASINO, cette demande ne peut être accueillie, la SLB s'étant reconnue caution à l'égard de la SAS CASINO. Ne soutenant pas que la SA CUGGIA aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte vis-à-vis de la SAS CASINO, le paiement effectué au profit de cette dernière qui n'était que la conséquence de cet engagement en qualité de caution de la SA CUGGIA n'est pas indu » ;
ALORS QUE la société Lyonnaise de banque faisait valoir que, sans la garantie d'un nantissement, elle n'aurait jamais donné son engagement de caution et qu'à la suite du changement de créancier, le nantissement avait été maintenu en même temps que le cautionnement ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter la répétition des sommes versées à la société Distribution Casino France par la société Lyonnaise de banque en qualité de caution, que cette demande ne pouvait être accueillie dès lors que la société Lyonnaise de banque s'était reconnue caution à l'égard de la société Distribution Casino France, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le maintien de l'engagement de caution était subordonné à celui du nantissement, de sorte qu'à défaut de maintien de la garantie de nantissement, l'engagement de caution ne pouvait être considéré comme maintenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 2308 du code civil.