La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2014 | FRANCE | N°13-14844

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 juin 2014, 13-14844


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Y...de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aquanord ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2012), que du 2 avril 2009 au 28 janvier 2010, la société Ferme marine du Douhet (la société FMD) a livré des alevins de daurade royale à la société Aquanord ; que, le 2 février 2010, celle-ci a été mise en redressement judiciaire, MM. X... et Y...étant respectivement désignés administrateur et mandataire judi

ciaires ; que, faute de paiement de l'intégralité du prix, la société FMD a dé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Y...de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aquanord ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2012), que du 2 avril 2009 au 28 janvier 2010, la société Ferme marine du Douhet (la société FMD) a livré des alevins de daurade royale à la société Aquanord ; que, le 2 février 2010, celle-ci a été mise en redressement judiciaire, MM. X... et Y...étant respectivement désignés administrateur et mandataire judiciaires ; que, faute de paiement de l'intégralité du prix, la société FMD a déclaré le 19 février 2010 une créance d'un montant de 305 791, 75 euros et revendiqué la propriété des alevins ; que, par ordonnance du 2 mai 2011 et jugement du 5 décembre suivant, le juge-commissaire puis le tribunal ont admis le principe de cette revendication avec report de celle-ci, à due concurrence du prix de vente initial, sur le prix à percevoir par la société Aquanord au fur et à mesure des ventes des poissons arrivés à maturité ; que, le 19 juillet 2011, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société Aquanord, M. Y...étant désigné commissaire à l'exécution du plan ;
Attendu que la société Aquanord et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté le recours formé par elle et MM. X... et Y..., ès qualités, à l'encontre de l'ordonnance du 2 mai 2011, d'avoir déclaré bien fondée en son principe la revendication de la société FMD et, après avoir écarté la demande de la société FMD de réalisation en nature, reporté en conséquence les droits de cette société sur le prix de 305 791, 75 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un bien vendu avec une clause de réserve de propriété ne peut être revendiqué, sur le fondement des dispositions de l'article L. 624-16 du code de commerce, que s'il se retrouve en nature au moment de l'ouverture de la procédure collective ; qu'il en résulte que ne peut être revendiqué un bien qui, au moment de l'ouverture de la procédure collective, a été ou s'est transformé, de manière irréversible, en un autre bien, dont les propriétés et les caractères sont différents de ceux du bien vendu, quand bien même cette transformation serait le résultat d'une évolution normale ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la société FMD rapportait la preuve de ce que les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que l'évolution cellulaire normale subie par les alevins de daurade royale litigieux ne pouvait être assimilée à une altération susceptible de les avoir transformés en des biens d'une autre nature et qu'en conséquence, la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence et qu'elle était le résultat des soins apportés par la société Aquanord, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce ;
2°/ qu'en énonçant, pour retenir que la société FMD rapportait la preuve de ce que tous les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence et qu'elle était le résultat des soins apportés par la société Aquanord, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, quand elle relevait, d'une part, qu'une partie des alevins de daurade royale litigieux avait, au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, acquis un poids moyen de 292, 21 grammes et, d'autre part, qu'un alevin de daurade royale peut être regardé comme ayant été transformé en une daurade royale commercialisable à partir d'un poids de 220 grammes et quand il résultait donc de ses propres constatations que les alevins de daurade royale litigieux avaient, pour partie, du fait de leur prise de poids, été transformés, au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, en des biens différents, dont les propriétés et les caractères étaient différents, et, partant, que la prise de poids de ces alevins de daurade royale avait modifié ceux-ci dans leur substance, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, à titre subsidiaire, un bien vendu avec une clause de réserve de propriété ne peut être revendiqué que s'il se retrouve en nature au moment de l'ouverture de la procédure collective ; qu'il en résulte que ne peut être revendiqué un bien qui, au moment de l'ouverture de la procédure collective, a été ou s'est transformé, de manière irréversible, en un autre bien, dont les propriétés et les caractères sont différents de ceux du bien vendu ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que la société FMD rapportait la preuve de ce que les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que l'évolution cellulaire normale subie par les alevins de daurade royale litigieux ne pouvait être assimilée à une altération susceptible de les avoir transformés en des biens d'une autre nature et qu'en conséquence, la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, quand elle relevait que cette prise de poids était le résultat des soins apportés par la société Aquanord et, donc, que l'évolution cellulaire subie par les alevins de daurade royale litigieux n'était pas naturelle, et, partant, normale, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la preuve de l'identité entre les marchandises livrées avec réserve de propriété antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l'acquéreur et celles existant à la date du même jugement incombe au vendeur ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la demande de revendication des alevins de daurade royale formée par la société FMD était fondée, après avoir relevé que les alevins ou daurades retrouvés dans les bassins de la société Aquanord ne pouvaient être considérés comme des biens fongibles, que la société Aquanord et M. Y..., ès qualités, ne rapportaient pas la preuve que les mélanges qu'ils invoquaient, pour contester l'individualisation des marchandises, entre les poissons de la société FMD, de la société Cenmar et de la société Diaz étaient intervenus avant le 2 février 2010, date du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil ;
5°/ que, si, dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il doit être dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent, complété par une liste des biens qui sont susceptibles d'être revendiqués par un tiers, aucune disposition n'impose qu'un tel inventaire permette d'identifier les propriétaires des biens détenus par le débiteur sous réserve de propriété ; qu'il en résulte que la circonstance que l'inventaire du patrimoine du débiteur qui a été dressé dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permet pas d'identifier les propriétaires des biens détenus par le débiteur sous réserve de propriété n'a pas pour effet de faire reposer sur le débiteur et/ ou aux organes de la procédure la charge de la preuve que les marchandises qui ont été livrées à ce débiteur avec réserve de propriété antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne sont pas identiques à celles existant à la date du même jugement ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que la demande de revendication des alevins de daurade royale formée par la société FMD était fondée, après avoir relevé que les alevins ou daurades retrouvés dans les bassins de la société Aquanord ne pouvaient être considérés comme des biens fongibles, que la lettre du commissaire-priseur, certifiant que des stocks de daurades vivantes existaient dans les locaux de la société Aquanord au 31 janvier 2010, ne permettait pas, contrairement à un inventaire établi dans les règles, d'identifier les propriétaires des poissons et que la société Aquanord et M. Y..., ès qualités, ne rapportaient pas la preuve que les mélanges qu'ils invoquaient, pour contester l'individualisation des marchandises, entre les poissons de la société FMD, de la société Cenmar et de la société Diaz étaient intervenus avant le 2 février 2010, date du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 622-6, R. 622-4, R. 622-4-1 et R. 622-5 du code de commerce, ensemble les dispositions de l'article 1315 du code civil ;
6°/ que le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déclarant, dès lors, bien fondée en son principe la revendication de la société FMD et en reportant, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société FMD de réalisation en nature, les droits de la société FMD sur le prix de 305 791, 75 euros, sans constater que le prix de revente des alevins de daurade royale revendiqués avait été payé à la société Aquanord par les sous-acquéreurs de ces alevins de daurade royale, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce ;
7°/ que le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déclarant, dès lors, bien fondée en son principe la revendication de la société FMD et en reportant, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société FMD de réalisation en nature, les droits de la société FMD sur le prix de 305 791, 75 euros, sans constater que le prix de revente des alevins de daurade royale revendiqués avait été payé à la société Aquanord par les sous-acquéreurs de ces alevins de daurade royale postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Aquanord, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce ;
8°/ que le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si lesdites marchandises ont été revendues par l'acheteur à ce sous-acquéreur ; qu'en énonçant, pour déclarer bien fondée en son principe la revendication de la société FMD et pour reporter, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société FMD de réalisation en nature, les droits de la société FMD sur le prix de 305 791, 75 euros, que les parties s'accordaient à reconnaître que les alevins revendiqués étant entre-temps parvenus à maturité ont été vendus par la société Aquanord, quand la société Aquanord et M. Y..., ès qualités, n'avaient nullement reconnu un tel fait dans leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la société Aquanord et de M. Y..., ès qualités ;
9°/ que le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si lesdites marchandises ont été revendues par l'acheteur à ce sous-acquéreur ; qu'en énonçant, pour déclarer bien fondée en son principe la revendication de la société FMD et pour reporter, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société FMD de réalisation en nature, les droits de la société FMD sur le prix de 305 791, 75 euros, qu'au regard de la durée de la procédure, la totalité des alevins et daurades royales revendiqués avait nécessairement été vendue par la société Aquanord, quand, en se déterminant de la sorte, elle postulait que, compte tenu de la durée de la procédure, la totalité des alevins et daurades royales revendiqués avait été vendue par la société Aquanord, sans constater qu'avec certitude, cette vente avait eu lieu, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé qu'il appartient au propriétaire revendiquant d'établir que la marchandise revendiquée se trouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur et que la condition d'existence en nature s'entend de la conservation de la marchandise dans son état initial, l'arrêt relève que les alevins livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids, en ait modifié la substance ; que l'arrêt relève encore que le cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation ; qu'il relève enfin que la société FMD justifie de huit factures afférentes aux alevins revendiqués, cependant qu'il est établi que des stocks de bars et de daurades vivants se trouvaient dans les locaux de la société Aquanord au 31 décembre 2009 et au 31 janvier 2010 sans possibilité d'identifier les propriétaires des poissons à défaut d'inventaire ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'a ni inversé la charge de la preuve, ni statué par des motifs contradictoires, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation en retenant que la société FMD établissait que les alevins revendiqués, livrés moins de dix-huit mois avant l'ouverture de la procédure, existaient en nature au jour de cette ouverture ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions de la société Aquanord que celle-ci a contesté que le prix de revente des poissons litigieux lui avait été payé par les sous-acquéreurs après l'ouverture de sa procédure collective ; que le grief est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en dernier lieu, qu'ayant, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des écritures de la société Aquanord, considéré que les parties s'accordaient, en raison du cycle de maturation d'un alevin et de la date de commercialisation d'une daurade, à reconnaître que les alevins revendiqués, étant parvenus à maturité, avaient été vendus, la cour d'appel a exactement retenu que la revendication des marchandises livrées, désormais impossible en nature, devait se reporter sur le prix de revente aux sous-acquéreurs ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses sixième et septième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Aquanord et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils pour la société Aquanord et M. Y..., ès qualités,

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société Aquanord et MM. Bertrand X... et Alexandre Y..., ès qualités, de leur recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord du 2 mai 2011, D'AVOIR déclaré bien fondée en son principe la revendication de la société Ferme marine du Douhet, D'AVOIR, après avoir écarté la demande de la société Ferme marine du Douhet de réalisation en nature, reporté en conséquence les droits de la société Ferme marine du Douhet sur le prix de 305 791, 75 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des écritures de la société Fmd, non contestées sur ce point, qu'elle fournissait la société Aquanord en alevins de daurades depuis de nombreuses années, les relations des parties ayant toujours, en l'absence de contrat cadre, été régies par ses conditions générales de vente./ En suite de l'ouverture de la procédure collective, la société Fmd a, selon lettre recommandée en date du 19 février 2010, revendiqué les marchandises suivantes : 170 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 2 avril 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1584, 200 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 21 juillet 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1654, 265 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 24 août 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1674, 205 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 8 septembre 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1686, 250 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 22 octobre 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1704, 265 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 12 novembre 2009 et correspondant au bon de livraison n° 1717, 200 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 14 janvier 2010 et correspondant au bon de livraison n° 1736, 235 000 alevins de daurade royale et les daurades royales livrées le 28 janvier 2010 et correspondant au bon de livraison n° 1741./ Conformément à l'article L. 624-16 du code de commerce, " peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties "./ Pour que la revendication aboutisse, il appartient au revendiquant de rapporter la preuve de l'existence en nature des marchandises revendiquées à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective./ Le cycle de maturation d'un alevin étant de l'ordre de 18 à 24 mois selon les écritures et les notes en délibéré adressées par les parties au tribunal, étant précisé qu'une daurade est commercialisable à 220 grammes soit 18 mois environ, les parties s'accordent à reconnaître que les alevins revendiqués étant entre temps parvenus à maturité ont été vendus et que par conséquent la revendication des marchandises livrées n'est désormais plus possible./ Toutefois, la revendication du prix obéit aux mêmes conditions préalables que la revendication des marchandises elles-mêmes./ La condition d'existence en nature doit s'entendre comme la conservation de l'état initial de la marchandise./ En l'espèce, les alevins livrés entre le 2 avril 2009 et le 28 janvier 2010, soit entre 10 mois et quelques jours avant le 2 février 2010, date d'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, comme en attestent les tableaux produits qui font état de poids moyens de 49, 24 grammes pour les livraisons les plus récentes et de 292, 21 grammes pour les livraisons les plus anciennes./ Cependant, cette prise de poids, qui est le résultat des soins apportés par la Sa Aquanord, n'a pas modifié les alevins dans leur substance. L'évolution cellulaire normale subie par ceux-ci ne pouvant être assimilée à une altération susceptible de les avoir transformés en des biens d'une autre nature./ Par suite, la société Fmd rapport la preuve de ce que les alevins revendiqués, qui avaient tous été livrés moins de 18 mois avant l'ouverture de la procédure, existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire./ Il est établi par la lettre de Maître Girard, commissaire-priseur, en date du 21 juin 2012, que des stocks de bars et de daurades vivants existaient dans les locaux de la Sa Aquanord au 31 décembre 2009 et au 31 janvier 2010. Celle-ci ne permet pas, contrairement à un inventaire établi dans les règles, d'identifier les propriétaires des poissons./ Les alevins ou daurades retrouvés dans les bassins de la société Aquanord ne peuvent être considérés comme des biens fongibles car bien que de la même espèce, ils ne présentent pas tous la même qualité comme en atteste notamment le tableau de " suivi du recrutement en 2009 " de la société Aquanord qui fait état de torsions et de lymphocystis chez les poissons livrés par la société Diaz./ Toutefois, la Sa Aquanord et Maître Y..., ès qualités, ne rapportent pas la preuve que les mélanges qu'ils invoquent, pour contester l'individualisation des marchandises, entre les poissons des sociétés Fmd, Cenmar et Diaz seraient intervenus avant le 2 février 2010 dès lors que les tableaux qu'ils produisent établissent des dates d'entrée de stock entre le 3 avril et le 18 septembre 2009 (pièce n° 17) mais des dates de mélange au 13 avril 2010 (pièce n° 14), au 28 juin 2010 (pièce n° 15) et 14 janvier 2011 (pièce n° 16)./ Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande en revendication du prix des alevins et daurades revendus et non réglé sauf à préciser qu'au regard de la durée de la procédure, la totalité des alevins et daurades revendiqués a nécessairement été vendue et, par conséquent, de faire droit à la demande de revendication de la partie du prix non réglée soit 305 791, 75 ¿, cette demande présentée devant le tribunal ne pouvant être considérée comme nouvelle en cause d'appel » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« à la date d'ouverture de la procédure collective les alevins livrés depuis avril 2009 par la requérante (de 4 grammes en moyenne selon les indications des parties) ne s'avèrent pas individualisés ou du moins correspondre exclusivement à certains lots précis de poissons élevés par la société Aquanord ;/ attendu que de plus la restitution sollicitée de marchandises en nature s'accompagnait de risques non négligeables de destruction, vu leur caractère fragile, et qu'elle ne pouvait déjà plus s'effectuer à l'identique et de même qualité au jour de l'ouverture de la procédure collective, s'agissant d'animaux en cours de croissance relativement rapide ;/ attendu qu'en fait la restitution immédiate en nature et à l'identique était non seulement irréalisable mais contraire aux premiers objectifs de la procédure collective qui tendent au maintien de l'entreprise ;/ attendu que la revendication doit donc se reporter sur le prix comme prévu dans l'article L. 624-18 du code de commerce, ¿ ;/ attendu que le recours s'avère par conséquent sans fondement » (cf., jugement entrepris, p. 4) ;

ALORS QUE, de première part, un bien vendu avec une clause de réserve de propriété ne peut être revendiqué, sur le fondement des dispositions de l'article L. 624-16 du code de commerce, que s'il se retrouve en nature au moment de l'ouverture de la procédure collective ; qu'il en résulte que ne peut être revendiqué un bien qui, au moment de l'ouverture de la procédure collective, a été ou s'est transformé, de manière irréversible, en un autre bien, dont les propriétés et les caractères sont différents de ceux du bien vendu, quand bien même cette transformation serait le résultat d'une évolution normale ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la société Ferme marine du Douhet rapportait la preuve de ce que les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que l'évolution cellulaire normale subie par les alevins de daurade royale litigieux ne pouvait être assimilée à une altération susceptible de les avoir transformés en des biens d'une autre nature et qu'en conséquence, la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence et qu'elle était le résultat des soins apportés par la société Aquanord, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce ; ALORS QUE, de deuxième part, en énonçant, pour retenir que la société Ferme marine du Douhet rapportait la preuve de ce que tous les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence et qu'elle était le résultat des soins apportés par la société Aquanord, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, quand elle relevait, d'une part, qu'une partie des alevins de daurade royale litigieux avait, au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, acquis un poids moyen de 292, 21 grammes et, d'autre part, qu'un alevin de daurade royale peut être regardé comme ayant été transformé en une daurade royale commercialisable à partir d'un poids de 220 grammes et quand il résultait donc de ses propres constatations que les alevins de daurade royale litigieux avaient, pour partie, du fait de leur prise de poids, été transformés, au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, en des biens différents, dont les propriétés et les caractères étaient différents, et, partant, que la prise de poids de ces alevins de daurade royale avait modifié ceux-ci dans leur substance, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS QUE, de troisième part et à titre subsidiaire, un bien vendu avec une clause de réserve de propriété ne peut être revendiqué que s'il se retrouve en nature au moment de l'ouverture de la procédure collective ; qu'il en résulte que ne peut revendiqué un bien qui, au moment de l'ouverture de la procédure collective, a été ou s'est transformé, de manière irréversible, en un autre bien, dont les propriétés et les caractères sont différents de ceux du bien vendu ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que la société Ferme marine du Douhet rapportait la preuve de ce que les alevins de daurade royale revendiqués par elle existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, que l'évolution cellulaire normale subie par les alevins de daurade royale litigieux ne pouvait être assimilée à une altération susceptible de les avoir transformés en des biens d'une autre nature et qu'en conséquence, la prise de poids des alevins de daurade royale litigieux, dont elle constatait l'existence, n'avait pas modifié les alevins de daurade royale dans leur substance, quand elle relevait que cette prise de poids était le résultat des soins apportés par la société Aquanord et, donc, que l'évolution cellulaire subie par les alevins de daurade royale litigieux n'était pas naturelle, et, partant, normale, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, de quatrième part, la preuve de l'identité entre les marchandises livrées avec réserve de propriété antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l'acquéreur et celles existant à la date du même jugement incombe au vendeur ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la demande de revendication des alevins de daurade royale formée par la société Ferme marine du Douhet était fondée, après avoir relevé que les alevins ou daurades retrouvés dans les bassins de la société Aquanord ne pouvaient être considérés comme des biens fongibles, que la société Aquanord et M. Alexandre Y..., ès qualités, ne rapportaient pas la preuve que les mélanges qu'ils invoquaient, pour contester l'individualisation des marchandises, entre les poissons de la société Ferme marine du Douhet, de la société Cenmar et de la société Diaz étaient intervenus avant le 2 février 2010, date du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil ; ALORS QUE, de cinquième part, si, dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il doit être dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent, complété par une liste des biens qui sont susceptibles d'être revendiqués par un tiers, aucune disposition n'impose qu'un tel inventaire permette d'identifier les propriétaires des biens détenus par le débiteur sous réserve de propriété ; qu'il en résulte que la circonstance que l'inventaire du patrimoine du débiteur qui a été dressé dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permet pas d'identifier les propriétaires des biens détenus par le débiteur sous réserve de propriété n'a pas pour effet de faire reposer sur le débiteur et/ ou aux organes de la procédure la charge de la preuve que les marchandises qui ont été livrées à ce débiteur avec réserve de propriété antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne sont pas identiques à celles existant à la date du même jugement ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que la demande de revendication des alevins de daurade royale formée par la société Ferme marine du Douhet était fondée, après avoir relevé que les alevins ou daurades retrouvés dans les bassins de la société Aquanord ne pouvaient être considérés comme des biens fongibles, que la lettre du commissaire-priseur, certifiant que des stocks de daurades vivantes existaient dans les locaux de la société Aquanord au 31 janvier 2010, ne permettait pas, contrairement à un inventaire établi dans les règles, d'identifier les propriétaires des poissons et que la société Aquanord et M. Alexandre Y..., ès qualités, ne rapportaient pas la preuve que les mélanges qu'ils invoquaient, pour contester l'individualisation des marchandises, entre les poissons de la société Ferme marine du Douhet, de la société Cenmar et de la société Diaz étaient intervenus avant le 2 février 2010, date du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Aquanord, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 622-6, R. 622-4, R. 622-4-1 et R. 622-5 du code de commerce, ensemble les dispositions de l'article 1315 du code civil ; ALORS QUE, de sixième part, le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mise en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déclarant, dès lors, bien fondée en son principe la revendication de la société Ferme marine du Douhet et en reportant, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société Ferme marine du Douhet de réalisation en nature, les droits de la société Ferme marine du Douhet sur le prix de 305 791, 75 euros, sans constater que le prix de revente des alevins de daurade royales revendiqués avait été payé à la société Aquanord par les sous-acquéreurs de ces alevins de daurade royale, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce ;

ALORS QUE, de septième part, le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mise en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déclarant, dès lors, bien fondée en son principe la revendication de la société Ferme marine du Douhet et en reportant, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société Ferme marine du Douhet de réalisation en nature, les droits de la société Ferme marine du Douhet sur le prix de 305 791, 75 euros, sans constater que le prix de revente des alevins de daurade royales revendiqués avait été payé à la société Aquanord par les sous-acquéreurs de ces alevins de daurade royale postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Aquanord, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce ; ALORS QUE, de huitième part, le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mise en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si lesdites marchandises ont été revendues par l'acheteur à ce sous-acquéreur ; qu'en énonçant, pour déclarer bien fondée en son principe la revendication de la société Ferme marine du Douhet et pour reporter, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société Ferme marine du Douhet de réalisation en nature, les droits de la société Ferme marine du Douhet sur le prix de 305 791, 75 euros, que les parties s'accordaient à reconnaître que les alevins revendiqués étant entre-temps parvenus à maturité ont été vendus par la société Aquanord, quand la société Aquanord et M. Alexandre Y..., ès qualités, n'avaient nullement reconnu un tel fait dans leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la société Aquanord et de M. Alexandre Y..., ès qualités ; ALORS QUE, de neuvième part, le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mise en redressement judiciaire, le prix de revente de ces marchandises à un sous-acquéreur que si lesdites marchandises ont été revendues par l'acheteur à ce sous-acquéreur ; qu'en énonçant, pour déclarer bien fondée en son principe la revendication de la société Ferme marine du Douhet et pour reporter, en conséquence, après avoir écarté la demande de la société Ferme marine du Douhet de réalisation en nature, les droits de la société Ferme marine du Douhet sur le prix de 305 791, 75 euros, qu'au regard de la durée de la procédure, la totalité des alevins et daurades royales revendiqués avait nécessairement été vendue par la société Aquanord, quand, en se déterminant de la sorte, elle postulait que, compte tenu de la durée de la procédure, la totalité des alevins et daurades royales revendiqués avait été vendue par la société Aquanord, sans constater qu'avec certitude, cette vente avait eu lieu, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-14844
Date de la décision : 11/06/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Patrimoine - Revendication - Marchandise livrée au débiteur - Condition - Existence en nature - Pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond

Après avoir énoncé qu'il appartient au propriétaire revendiquant d'établir que la marchandise revendiquée se trouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur et que la condition d'existence en nature s'entend de la conservation de la marchandise dans son état initial, une cour d'appel qui relève, d'abord, que les alevins livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids, en ait modifié la substance, ensuite, que le cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation et, enfin, que la société créancière justifie de huit factures afférentes aux alevins revendiqués, ne fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation en retenant que la société créancière établissait que les alevins revendiqués, livrés moins de dix-huit mois avant l'ouverture de la procédure, existaient en nature au jour de cette ouverture


Références :

articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2012

A rapprocher :Sur le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond : Com., 11 juillet 2006, pourvoi n° 05-13103, Bull. 2006, IV, n° 181 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jui. 2014, pourvoi n°13-14844, Bull. civ.Bull. 2014, IV, n° 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, IV, n° 104

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Arbellot
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14844
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award