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05/06/2014 | FRANCE | N°13-13765

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 juin 2014, 13-13765


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen examiné d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, et sur le moyen unique :
Vu les articles 74, 112 et 117 du code de procédure civile et les articles 1er, 2, 4, et 23 du Règlement (CE) n° 1348/ 2000 du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra judiciaires en matière civile et commerciale, ensemble la Communication effectuée par l'Etat français le 22 mai 2001

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Kühne et Nagel et...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen examiné d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, et sur le moyen unique :
Vu les articles 74, 112 et 117 du code de procédure civile et les articles 1er, 2, 4, et 23 du Règlement (CE) n° 1348/ 2000 du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra judiciaires en matière civile et commerciale, ensemble la Communication effectuée par l'Etat français le 22 mai 2001 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Kühne et Nagel et la société de droit hollandais Wincanton BV ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Senlis qui les avait condamnées, solidairement avec les sociétés de droit hollandais Ewals et Double Deck, à payer diverses sommes à la société Packard Bell Nederland BV ; que les sociétés Wincanton BV et Ewals ont soulevé devant la cour d'appel la nullité des assignations introductives d'instance au motif qu'elles avaient été délivrées en violation de l'article 684 du code de procédure civile et 7 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 par un huissier de justice territorialement incompétent ; Attendu que pour déclarer recevable et bien fondée l'exception de nullité, l'arrêt retient que pour avoir été délivrées les 2 et 24 septembre 2004 et transmises en application du règlement n° 1348/ 2000 du 29 mai 2000 aux huissiers de justice hollandais pour signification aux sociétés intéressées, par un huissier de justice près le tribunal de grande instance de Paris dépourvu du pouvoir de représenter les sociétés requérantes auprès du tribunal de commerce de Senlis, en violation des dispositions des articles 684 du code de procédure civile et 7 du décret n° 56-222 du 29 février 1956, les assignations sont nulles en application des articles 117 à 120 du code de procédure civile ; que cette irrégularité constitue une nullité de fond qui peut être soulevée en tout état de la procédure y compris pour la première fois devant la cour d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que l'irrégularité invoquée, qui n'est pas de celles limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile, constituait une irrégularité de forme, qui devait être invoquée avant toute défense au fond et que d'autre part, en application du Règlement communautaire n° 1348/ 2000, entré en vigueur le 31 mai 2001, seul applicable à la date de délivrance des assignations, à l'exclusion de l'article 684 du code de procédure civile relatif à la signification faite à parquet d ¿ un acte destiné à une personne domiciliée à l'étranger, l'huissier de justice qui agit comme entité d ¿ origine, pour transmettre un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l'entité requise du pays membre destinataire, n'est soumis à aucune règle de compétence territoriale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société JCL Logistic Benelux BV et les sociétés Ewals aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne solidairement à payer aux sociétés Packard Bell BV, Packard Bell Nederland BV et Mitsui Sumimoto Insurance company limited la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Packard Bell BV, Packard Bell Nederland BV et la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) Limited. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable et bien fondée l'exception de nullité soulevée par des sociétés de transport (les sociétés WINCANTON, EWALS CARGO CARE et EWALS CARGO CARE TRANSPORTS) ou soulevée d'office par la cour (au profit de la société DOUBLE DECK) et dit que les assignations introductives d'instance, en ce qu'elles avaient été délivrées par un huissier près le tribunal de grande instance de Paris dépourvu du pouvoir de représenter les sociétés requérantes (les sociétés PACKARD BELL) auprès du tribunal de commerce de Senlis, étaient, par application des articles 117 à 120 du code de procédure civile, nulles et de nul effet et n'avaient pu, en conséquence, saisir le tribunal de commerce de Senlis ; AUX MOTIFS QUE, sur la régularité de la saisine, il convenait, pour la bonne compréhension du litige, de rappeler que les sociétés PACKARD BELL avaient fait assigner, devant le tribunal de commerce de Senlis, les sociétés EWALS, sises en Hollande, par un acte du 2 septembre 2004, et les sociétés WINCANTON et DOUBLE DECK, sises en Hollande, par un acte du 24 septembre 2004 ; que ces actes avaient, tous deux, été délivrés par la SCP A...et B..., huissiers de justice près le tribunal de grande instance de Paris et transmis par leurs soins, en application du règlement 1348/ 2000 du 29 mai 2000 et de la Communication des Pays-Bas du 22 mai 2001, aux huissiers de justice hollandais territorialement compétents, pour signification aux sociétés intéressées ; que, selon les sociétés EWALS, WINCANTON et DOUBLE DECK, la dite SCP d'huissiers n'avait pas la capacité ou le pouvoir d'assurer la représentation des sociétés PACKARD BELL devant le tribunal de commerce de Senlis ; que, de leur côté, les sociétés PACKARD BELL faisaient valoir que, dans la Communication précitée du 22 mai 2001, l'Etat français avait fait valoir qu'il désignait notamment les « huissiers de justice » comme officiers ministériels ou autorités compétents pour transmettre les actes judiciaires ou extrajudiciaires et, qu'à cette occasion, l'Etat n'avait pas fait référence aux règles de compétence territoriales régissant cette profession et qu'il s'en induisait, implicitement mais nécessairement, que n'importe quel huissier, quelle que soit sa localisation, pouvait transmettre une assignation à destination de l'étranger ; qu'en cet état, la cour observait que si, dans sa communication, l'Etat français n'avait effectivement pas indiqué « le ressort de compétence territoriale » des huissiers de justice qu'il désignait comme « entités d'origine », force était également de constater que l'article 2-4 du Règlement 1348/ 2000 ne lui imposait pas cette communication (le Règlement ne le demandait que pour « les entités requises »), de sorte qu'il était hasardeux de soutenir que l'Etat avait renoncé, à cette occasion, aux règles issues de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et du décret du 29 février 1956 relatifs au statut des huissiers de justice ; que, par ailleurs, il y avait lieu de noter qu'à la date des deux assignations litigieuses, l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, exigeait que la signification d'un acte à une personne domiciliée à l'étranger devait être effectuée à parquet et que s'il n'y avait pas de parquet dans la juridiction compétente, la signification devait être faite au parquet du tribunal de grande instance dans lequel cette juridiction avait son siège ; qu'à la même date, l'article 7 du décret du 29 février 1956 disposait que lorsqu'un acte devait être signifié à parquet, les huissiers de justice compétents était ceux dont la résidence était fixée dans le ressort du tribunal d'instance où se trouvait le tribunal de grande instance ; qu'il en résultait clairement que la SCP A...et B..., huissiers de justice, ayant sa résidence dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, n'avait pas, à l'époque, la capacité ou le pouvoir de procéder aux assignations litigieuses et de procéder à leur placement au greffe du tribunal de commerce de Senlis ; qu'ainsi, force était de constater qu'en ce qu'elles avaient été délivrées par un huissier près le tribunal de grande instance de Paris dépourvu du pouvoir de représenter les sociétés requérantes auprès du tribunal de commerce de Senlis, les assignations délivrées les 2 et 24 septembre 2004 étaient nulles et de nul effet et n'avaient pu, de ce fait, saisir le tribunal de commerce de Senlis ; que l'irrégularité de cette saisine étant une nullité de fond pouvant être soulevée en tout état de la procédure, y compris pour la première fois en cause d'appel, voire d'office, il convenait d'y faire droit et de renvoyer les sociétés PACKARD BELL à mieux se pourvoir ;

1°/ ALORS QUE si seul l'huissier de justice territorialement compétent peut, en tant qu'entité requise, signifier un acte introductif d'instance en provenance d'un Etat de l'Union européenne, n'importe quel huissier français peut, lorsqu'il agit comme entité d'origine, transmettre une assignation à son homologue à l'étranger ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déclaré nulles et de nul effet les assignations des 2 et 24 septembre 2004 parce qu'elle auraient été transmises par une SCP d'huissiers territorialement incompétente, pour être domiciliée, non dans le ressort du tribunal de grande instance de Senlis, mais dans celui du tribunal de grande instance de Paris, a violé les articles, 1er, 2, 4, 6, 7 et 23 du Règlement (CE) n° 1348/ 2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, ensemble la Communication effectuée par l'Etat français le 22 mai 2001 ; 2°/ ALORS QUE la procédure européenne de signification, faisant intervenir une entité d'origine et une entité requise, exclut le régime spécial applicable, en droit interne, aux significations à parquet ; qu'en l'espèce, la cour qui, pour déclarer nulles et de nul effet les assignations des 2 et 24 septembre 2004, au motif qu'elles auraient été transmises à l'étranger par un huissier territorialement incompétent, s'est fondée sur des dispositions du droit interne concernant la signification à parquet et a violé les articles 1er, 2, 5, 6 et 7 du Règlement (CE) n° 1348/ 2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (par refus d'application), ensemble l'article 684 (ancien) du code de procédure civile et 7 du décret du 29 février 1956 (par fausse application).


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-13765
Date de la décision : 05/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Acte - Délivrance - Compétence territoriale - Règle de compétence territoriale - Exclusion - Cas - Règlement (CE) n° 1348/2000 du 29 mai 2000 - Transmission des actes - huissier agissant comme entité d'origine - Portée

UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 1348/2000 du 29 mai 2000 - Signification et notification des actes - Transmission des actes - Huissier de justice agissant comme entité d'origine - Règles de compétence territoriale - Exclusion - Portée

L'irrégularité d'une assignation introductive d'instance délivrée par un huissier de justice territorialement incompétent, qui n'est pas de celles limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de forme qui doit être invoquée avant toute défense au fond. En application du règlement (CE) n° 1348/2000, seul applicable à compter de son entrée en vigueur le 31 mai 2001, l'huissier de justice qui agit comme entité d'origine pour transmettre un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l'entité requise du pays membre destinataire n'est soumis à aucune règle de compétence territoriale. Par suite, viole les articles 74, 112 et 117 du code de procédure civile et les articles 1, 2, 4 et 23 de ce règlement la cour d'appel qui accueille l'exception de nullité d'assignations introductives d'instance et annule ces assignations aux motifs qu'elles ont été transmises à l'entité requise du pays membre destinataire par un huissier de justice dépourvu du pouvoir de représenter les sociétés requérantes auprès du tribunal saisi, et que cette irrégularité constitue une nullité de fond qui peut être soulevée en tout état de la procédure, y compris pour la première fois devant la cour d'appel


Références :

articles 74, 112 et 117 du code de procédure civile

articles 1, 2, 4 et 23 du règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 11 octobre 2012

Sur la définition de vice de forme, à rapprocher : 3e Civ., 20 mai 2009, pourvoi n° 08-12820, Bull. 2009, III, n° 114 (rejet)

arrêt cité ;2e Civ., 20 octobre 2011, pourvoi n° 10-24109, Bull. 2011, II, n° 194 (cassation). Evolution par rapport à : 2e Civ., 29 novembre 1995, pourvoi n° 94-11902, Bull. 1995, II, n° 295 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 jui. 2014, pourvoi n°13-13765, Bull. civ.Bull. 2014, II, n° 129
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, II, n° 129

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: Mme Nicolle
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13765
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