LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 mars 2013), que M. et Mme X... sont propriétaires de parcelles données à bail à M. Laurent Y... puis, à la suite de son décès, par application de l'article L. 411-34 du code rural, à M. Albert Y... ; que les bailleurs ont délivré au preneur un congé en raison de son âge ; que M. Albert Y... a assigné les bailleurs en annulation du congé et autorisation de cession du bail au profit de son fils William Y... ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'autoriser M. Albert Y... à céder le bail à son fils William Y... alors, selon le moyen, que la continuation du bail au profit des ayants droit du preneur décédé visés par l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime est de plein droit, à la différence de la cession judiciaire du bail rural prévue par l'article L. 411-35 du même code, qui ne peut être autorisée qu'au profit du preneur de bonne foi ; qu'une telle transmission du bail à cause de mort a pour conséquence d'apprécier la bonne foi du preneur en cas de cession du bail ainsi transmis, tant à l'égard du preneur initial décédé qu'à l'égard de l'ayant-droit qui a assuré la poursuite du bail et qui sollicite sa cession ; qu'en relevant que les époux X..., qui s'opposaient à la cession du bail litigieux en arguant de différentes fautes commises par les preneurs successifs, Laurent Y... puis son père M. Albert Y..., n'avaient pas la possibilité de s'opposer au transfert du bail au profit de l'ascendant du preneur décédé dès lors qu'étaient réunies les conditions posées par l'article L. 411-34 du code rural, qui ne font nullement référence à la bonne foi du preneur décédé ou aux manquements à ses obligations, pour en conclure néanmoins que la cession du bail ne pouvait être refusée par les bailleurs pour des faits commis antérieurement au transfert, à moins que leurs conséquences n'aient perduré ensuite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé ce faisant les articles L. 411-34 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1742 et 1122 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la cession du bail ne peut être refusée pour des faits commis antérieurement au transfert du bail résultant de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, à moins que leurs conséquences n'aient perduré ensuite, la cour d'appel en a déduit à bon droit que seuls devaient être examinés les manquements aux obligations du bail imputables à M. Albert Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen unique pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir autorisé M. Albert Y... à céder à son fils M. William Y... le bail rural conclu le 30 juin 2003, portant sur diverses parcelles de terre agricole sises communes d'Offin, Hesmond et Loison-sur-Crequoise (Pas-de-Calais), représentant une surface totale de 22 ha 93 a 54 ca, AUX MOTIFS QUE l'article L 411-64, avant dernier alinéa du code rural permet au preneur évincé en raison de son âge de céder le bail à son conjoint, ou au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, participant à l'exploitation ou à l'un de ses descendants ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé, dans les conditions prévues à l'article L 411-35 du même code ; qu'à défaut de l'accord du bailleur, cette cession peut être autorisée par le tribunal paritaire ; que le juge doit alors rechercher si l'opération ne nuit pas aux intérêts légitimes du bailleur, et apprécier cet intérêt au regard de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire éventuel ; que les époux X... s'opposent à cette cession en arguant de différentes fautes commises par les preneurs successifs, Laurent Y... puis son père Albert Y... ; que la renonciation du bailleur à son droit de s'opposer à la cession du bail en invoquant des fautes du preneur ne se présume pas ; que de surcroît, en l'espèce, les époux X... n'avaient pas la possibilité de s'opposer au transfert du bail au profit de l'ascendant du preneur décédé dès lors qu'étaient réunies les conditions posées par l'article L 411-34 du code civil, qui ne font nullement référence à la bonne foi du preneur décédé ou aux manquements à ses obligations ; que tel était le cas d'Albert Y... lorsque son fils est décédé puisqu'il avait participé à l'exploitation au cours des 5 années précédentes ; que la cession du bail ne saurait être refusée par les bailleurs pour des faits commis antérieurement au transfert, à moins que leurs conséquences n'aient perduré ensuite ; que les époux X... reprochent en premier lieu à Laurent Y... puis à Albert Y... de s'être acquittés avec retard des fermages ; que le contrat de bail prévoit que le fermage est payable au 1er octobre de chaque année ; que cependant, il ressort des appels de fermage adressés par Maître Z... pour le compte des bailleurs qu'ils n'ont été envoyés au preneur qu'en octobre, novembre ou décembre, de sorte qu'il ne peut être exigé de lui qu'il les règle à la date convenue au bail ; que ces courriers ne constituaient nullement un rappel ou une mise en demeure mais contiennent seulement la fixation du prix exigé conformément au mode de calcul énoncé au contrat ; que la circonstance que le preneur ait attendu de recevoir l'appel de fermage pour le régler ne le constitue pas de mauvaise foi ; que de surcroit, les pièces versées aux débats démontrent que les fermages étaient réglés au mois de janvier suivant le courrier de Maitre Z..., et au plus tard les premiers jours de février, pour les années 2004 à 2008 ; que seules deux mises en demeure de payer visant les articles L 411-53 et L 411-31 du code rural ont été adressées à Laurent Y..., le 17 janvier 2006 et le 18 décembre 2007, lesquelles ont été suivies d'effet dans les semaines suivantes ; qu'il convient de dire que ces retards de paiement ne sont pas fautifs compte-tenu du délai de régularisation et ne sauraient être opposés au preneur actuel pour refuser la cession ; qu'il est justifié de ce que les fermages réclamés le 27 octobre 2010 à Albert Y... ont été encaissés le 30 novembre 2010, et ceux réclamés le 12 octobre 2011 encaissés le 16 novembre 2011 ; qu'Albert Y... produit la copie d'un courrier adressé à Maitre Z... le 20 février 2010 dans lequel il explique qu'eu égard à l'absence d'encaissement de son chèque de fermage global du 8 décembre 2009 à l'intention de ses différents bailleurs, il renvoie un chèque distinct par bailleur ; que les époux X... admettent qu'ils n'ont pas encaissé ce chèque compte-tenu du décès de Laurent Y... et de la notification de résiliation du bail faite à ses héritiers dans les six mois de son décès ; que le retard de paiement pour les fermages de 2009 n'est donc pas imputable à Albert Y... ; que la mauvaise foi du preneur actuel n'est pas caractérisée quant au retard de paiement ; que les intimés reprochent également à Albert Y... de ne pas entretenir les parcelles en bon père de famille ; que l'obligation d'entretien des parcelles, clôtures et haies résulte non seulement des obligations du preneur de cultiver les terres en bon père de famille selon l'article 1766 du code civil, mais est énoncée expressément par les articles 3 et 5 du contrat de bail ; qu'Albert Y..., bénéficiaire du transfert de ce droit au bail, est tenu des mêmes obligations que Laurent Y... ; que les époux X... ont fait dresser un constat par Maître A..., huissier de justice, le 9 août 2011, dont Albert Y... demande la nullité ; que ce constat contient 24 photographies dont l'examen ne permet pas de déterminer si elles ont été prises en pénétrant sur ces parcelles ; qu'aucune autre pièce n'est produite au soutien des allégations du preneur selon lesquelles elles ont été obtenues en violation de ses droits ; qu'en l'absence de preuve de ce que l'huissier a en effet pénétré sans autorisation sur les terres données à bail, le constat ne saurait être annulé ; que l'huissier de justice a constaté que :- l'existence de chardons et de ronces et d'une haie non entretenue sur les parcelles A 193 et 194 ;- des ronces, des orties et des haies non entretenues sur la parcelle A 422 ;- des ronces et la présence de deux veaux morts-nés sur la parcelle A 286 ; que cependant ce constat note également que sur les mêmes parcelles, certaines haies sont entretenues ; qu'Albert Y... ne conteste pas que le 9 août 2011 deux veaux morts-nés se trouvaient sur la parcelle A 286, mais justifie de ce qu'ils ont été enlevés par un service vétérinaire spécialisé dès le 10 août 2011 ; qu'Albert Y... produit deux constats dressés par Maître B... le 11 octobre 2011 et le 20 juillet 2012 ; que toutes les parcelles louées sont décrites et photographiées ; que ces constats démontrent un bon état d'entretien des haies et des pâtures ; qu'une seule des parcelles comporte des chardons et jouxte une parcelle en friche dont il n'est pas le preneur ; que ces constatations sont contredites en partie par les éléments repris dans le constat de Maître A... du 12 octobre 2012, qui relève que :- les haies vives ne sont pas entretenues sur la parcelle ZC 22 ;- les parcelles ZH 24, 25, 6, 27 et SH 58 plantées en maïs ne sont pas récoltées ;- les pâtures cadastrées ZD 88 et A 286 sont en jachère ;- un tas de terre qui proviendrait de travaux de bâtiment réalisés sur la commune d'Offin est entreposé sur les parcelles ZH 11, 12 et 13, avec l'autorisation du preneur selon le chef de chantier qui a procédé à ce dépôt ; qu'il doit toutefois être observé que les photographies jointes aux constats dressés à la requête des bailleurs ne font preuve de l'état des parcelles qu'à une date donnée, sont assez peu éloquentes et ne mettent pas en évidence de négligences flagrantes de la part du preneur ; qu'en particulier il n'est pas relevé de résidus et déchets de construction sur les parcelles ZH 11, 12 et 13 ; que les contradictions de ces procès-verbaux ne permettent pas d'en déduire un défaut d'entretien autre que ponctuel ; que Lucienne C..., Lucien D... et Lisiane E... ont attesté le 14 décembre 2011 que la parcelle donnée à bail à Albert Y..., située à proximité de leurs domiciles, n'est plus entretenue depuis plusieurs années par les preneurs ; que ces témoignages ne concernent qu'une unique parcelle ; que si le 17 octobre 2008, Maître Z... écrivait à Albert et Laurent Y... pour leur rappeler leur obligation d'entretien, après le transfert du bail les bailleurs n'ont pas eux-mêmes jugé nécessaire de mettre Albert Y... en demeure d'entretenir en bon père de famille ; que seul le Maire de la commune d'Offin atteste avoir écrit à Albert Y... pour lui demander de tailler les chardons sur les parcelles dont il est locataire, selon courrier du 20 août 2010 ; que pourtant, Albert Y... produit des attestations émanant d'une dizaine de voisins, d'agriculteurs de la commune et de fournisseurs de l'exploitation dont il ressort que les terres cultivables sont parfaitement entretenues, et bénéficient d'épandages réguliers, que les haies sont taillées annuellement et les pâtures fauchées et traitées contre les chardons ; que les négligences que relèvent les bailleurs apparaissent non seulement légères mais très ponctuelles ; qu'ils ne semblent pas s'en être inquiétés avant d'être confrontés à la demande de cession du bail ; que la force probante des témoignages précis et circonstanciés, produits par Albert Y... est suffisante pour établir que le preneur actuel est de bonne foi et n'a pas manqué à ses obligations d'entretenir et cultiver les terres en bon père de famille ; que les circonstances avancées par les bailleurs pour s'opposer à la cession ne sont ni démontrées, ni suffisantes pour qu'il y soit fait droit ; que s'agissant des conditions requises par le bénéficiaire de la cession qui est sollicitée, William Y..., fils d'Albert Y..., né le 5 juillet 1970, dispose des diplômes professionnels requis ; qu'il est associé au sein de la SCEA des Hauts Prés depuis 1997 avec son père, les terres louées ayant été mises à disposition de cette société, laquelle se trouve en conformité avec le contrôle des structures et bénéficie des moyens matériels permettant la mise en valeur des terres ; qu'il dispose donc des capacités requises à respecter les obligations nées du contrat de bail ; qu'en l'absence de tout intérêt légitime des bailleurs à s'opposer à la cession du bail, le jugement entrepris doit être réformé ; qu'Albert Y... est autorisé à céder à son fils William Y... le bail ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter que ce dernier bénéficiera du droit au renouvellement s'agissant d'une disposition légale s'imposant aux bailleurs en vertu de l'article L 411-63 du code rural, (arrêt, p. 5 à 8)
1) ALORS QUE la continuation du bail au profit des ayants droit du preneur décédé visés par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime est de plein droit, à la différence de la cession judiciaire du bail rural prévue par l'article L 411-35 du même code, qui ne peut être autorisée qu'au profit du preneur de bonne foi ; qu'une telle transmission du bail à cause de mort a pour conséquence d'apprécier la bonne foi du preneur en cas de cession du bail ainsi transmis, tant à l'égard du preneur initial décédé qu'à l'égard de l'ayant-droit qui a assuré la poursuite du bail et qui sollicite sa cession ; qu'en relevant que les époux X..., qui s'opposaient à la cession du bail litigieux en arguant de différentes fautes commises par les preneurs successifs, Laurent Y... puis son père M. Albert Y..., n'avaient pas la possibilité de s'opposer au transfert du bail au profit de l'ascendant du preneur décédé dès lors qu'étaient réunies les conditions posées par l'article L 411-34 du code rural, qui ne font nullement référence à la bonne foi du preneur décédé ou aux manquements à ses obligations, pour en conclure néanmoins que la cession du bail ne pouvait être refusée par les bailleurs pour des faits commis antérieurement au transfert, à moins que leurs conséquences n'aient perduré ensuite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé ce faisant les articles L 411-34 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1742 et 1122 du code civil ; 2) ALORS QUE les retards réitérés dans le paiement des fermages constituent le preneur de mauvaise foi, le privant de la faculté de céder son bail ; que le preneur doit s'acquitter de son obligation de paiement à l'échéance prévue au bail, sans attendre la réception d'un appel de fermage, dont ne dépend pas son exigibilité ; qu'en considérant qu'il ne pouvait être exigé du preneur qu'il règle les fermages au 1er octobre de chaque année, échéance fixée au bail litigieux, aux motifs inopérants que les appels de fermage lui parvenaient en octobre, novembre ou décembre et qu'ils ne constituaient ni un rappel ni une mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1134 du code civil ; 3) ALORS QUE les retards réitérés dans le paiement des fermages constituent le preneur de mauvaise foi, le privant de la faculté de céder son bail, quand bien même ne justifieraient-ils pas la résiliation du bail ; qu'en écartant les deux mises en demeure faites au preneur d'avoir à régler son loyer, visant les articles L 411-53 et L 411-31 du code rural en date du 17 janvier 2006 et du 18 décembre 2007, au motif inopérant du court délai que ce dernier avait mis pour régulariser sa situation, la cour d'appel a derechef violé l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
4) ALORS QUE la cession du bail rural par le preneur au profit d'un descendant constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural, que les juges du fond autorisent lorsque l'opération ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes du bailleur, qui s'apprécient notamment au regard de la bonne foi du cédant à la date de la demande en justice ; que les motifs permettant de caractériser la mauvaise foi du preneur peuvent ne pas suffire à justifier la résiliation du bail ; qu'en retenant que le preneur n'était pas de mauvaise foi, après avoir pourtant relevé l'existence de retards réitérés dans le paiement du fermage, dont deux avaient donné lieu à des mises en demeure, mais également des défauts graves d'entretien de haies et de parcelles, des cultures de maïs non récoltées, des pâtures en jachère, des dépôts de terres appartenant à des tiers ainsi que la présence de veaux morts-nés sur les terrains loués, autant de manquements du preneur aux obligations nées de son bail le constituant de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, ce faisant, l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 5) ALORS QUE ce ne sont pas les surfaces sur lesquelles portent les manquements mais la gravité de ceux-ci qui constitue le preneur de mauvaise foi ; qu'en écartant les trois témoignages de voisins d'une parcelle donnée à bail à M. Albert Y..., attestant de l'absence totale d'entretien de cette parcelle depuis plusieurs années, au motif inopérant que de tels témoignages ne concernaient qu'une unique parcelle, la cour d'appel a violé l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime.