LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'ANGDM :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 26 mars 2012), que M. X... a été engagé le 1er octobre 1967 par les Houillères du bassin lorrain (HBL) en qualité d'ouvrier et, après être parti accomplir son service militaire à compter du 1er juin 1971, a été réembauché le 8 juin 1972 par les HBL ; qu'étant agent de maîtrise au fond et ayant trente années de service dont vingt années au fond, il a été mis en retraite à compter du 1er juillet 2001 alors qu'il était âgé de 50 ans pour être né le 10 octobre 1950, et a bénéficié de la liquidation de sa pension vieillesse à taux plein issue du régime de retraite de base des décrets du 27 novembre 1946 et du 24 décembre 1992 dits décrets « CAN » ainsi que d'une allocation de raccordement, en application du protocole du 23 décembre 1970, dans l'attente de la liquidation à 60 ans de sa retraite complémentaire par les organismes concernés ; qu'estimant que sa mise à la retraite ne pouvait intervenir avant le 1er juillet 2006 en application du protocole du 23 décembre 1970 instaurant l'indemnité de raccordement qu'à l'âge de 55 ans pour le salarié embauché après le 31 décembre 1970, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation des Charbonnages de France et l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) à l'indemniser du préjudice financier subi ; qu'en cause d'appel, il a demandé des dommages-intérêts supplémentaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'ANGDM fait grief à l'arrêt de dire que la mise à la retraite du salarié le 1er juillet 2001, alors qu'elle ne pouvait intervenir avant le 10 octobre 2005, est constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'article L. 1237-8 du code du travail, issues de la loi du 30 juillet 1987, ne sont pas applicables aux salariés des Charbonnages de France et des Houillères de bassin qui sont exclusivement régis par le statut du mineur, qui réglemente notamment leur mise à la retraite ; de sorte qu'en condamnant l'ANGDM à payer une certaine somme à M. X... au visa de ce texte, la cour d'appel l'a violé par fausse application ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait mis le salarié à la retraite alors que celui-ci ne remplissait pas les conditions prévues par le statut du mineur, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant pris de l'application de l'article L. 1237-8 du code du travail, que cette rupture du contrat était dépourvue de cause réelle et sérieuse et ouvrait droit à ce titre au paiement de dommages-intérêts, dont elle a souverainement évalué le montant ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ANGDM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'ANGDM à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, demanderesse au pourvoi principal
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la mise à la retraite de M. X... ne pouvait intervenir avant le 10 octobre 2005, dit que la mise à la retraite de M. X... à la date du 1er juillet 2001 est une rupture de son contrat de travail constitutif d'un licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse et condamné l'ANGDM à verser à M. X... la somme de 112. 304 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur le montant de 94. 952 euros et à compter de l'arrêt sur le montant de 17. 352 euros ; Aux motifs que Sur la rupture du contrat de travail par mise en retraite le 1er juillet 2001 il résulte des dispositions protocolaires du 23 décembre 1970 que pour les employés embauchés à une date postérieure au 31 décembre 1970, l'employeur pouvait prononcer la mise à la retraite à 55 ans, sous réserve de 30 ans d'ancienneté et de 20 ans au moins de services effectifs au fond, les salariés concernés percevant une allocation de raccordement dans l'attente de la liquidation de leurs droits à retraite complémentaire ; Qu'il n'est plus contesté par l'ANGDM que la date d'embauche à prendre en compte pour l'application des dispositions précitées est celle du 8 juin 1972 dès lors qu'antérieurement à la loi du 28 octobre 1997, le contrat de travail était rompu par le départ du salarié au service militaire ;
Qu'il apparait en conséquence que M. X... qui n'était pas âgé de 55 ans le 1er juillet 2001, ne pouvait bénéficier de l'allocation de raccordement et par suite ne pouvait être mis en retraite, à cette dernière date ; Que c'est en effet à tort que l'ANGDM prétend qu'en toute hypothèse son contrat de travail aurait été rompu le 1er juillet 2001 dans la mesure où il aurait alors bénéficié de l'allocation anticipée de retraite complémentaire à défaut de pouvoir bénéficier de l'indemnité de raccordement ; Qu'en effet, aux termes de l'article 2 alinéas 1 et 2 du décret n° 54-51 du 16 janvier 1954 dit décret Laniel « l'âge limite de maintien en activité des personnels désignés à l'article 1er du décret est l'âge fixé pour l'ouverture du droit à rente ou pension de retraite par les dispositions du 1er alinéa de l'article 146 du décret n° 46-2769 du 27 novembre 19 46 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines ; que toutefois en ce qui concerne les employés, techniciens, agents de maîtrise (ETAM) affiliés à l'un des régimes complémentaires mentionnés à l'article 1er, cet âge est reculé jusqu'à l'âge fixé pour l'ouverture du droit à pension d'ancienneté normale par les règlements desdits régimes complémentaires » ;
Que de ces énonciations, il s'infère que M. X... qui pouvait prétendre à l'ouverture de ses droits à la retraite de base à l'âge de 50 ans, mais ne pouvait prétendre à l'ouverture de ceux à la retraite complémentaire qu'à l'âge de 60 ans, ne pouvait être mis en retraite par l'employeur, en application de l'article 6-3 du décret du 23 décembre 1970, instaurant l'indemnité de raccordement, qu'à l'âge de 55 ans pour le salarié en cause embauché après le 31 décembre 1970 ; Que force est de constater qu'il n'est pas justifié de ce que M. X... ait consenti à un régime complémentaire de mise en retraite anticipée ou ait consenti au congé charbonnier de fin de carrière résultant du décret du 20 octobre 1994 et du protocole du 7 avril 1995 qui impliquait à l'âge de 50 ans son passage à la retraite complémentaire anticipée ; Que dans ces conditions la mise à la retraite de M. X... à la date du 1er juillet 2001 caractérise en application de l'article L 1237-8 du code du travail, anciennement codifié L 122-14-13 alinéa 3, un licenciement ;
Que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que la rupture est fondée sur l'âge de M. X... (50 ans) lequel âge ne lui permettait pas de bénéficier d'une indemnité de raccordement dans l'attente de la liquidation de ses droits à retraite complémentaire, et que ce licenciement n'est pas nul puisqu'intervenu antérieurement à la loi du 16 novembre 2011 qui a ajouté l'âge comme facteur discriminatoire ; Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse Qu'outre la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui lui a octroyé 94. 952 euros à titre de dommages et intérêts pour son entier préjudice financier jusqu'au 10 octobre 2005, date de son passage en retraite, et le rétablissement dans tous ses droits issus des protocoles en vigueur et les rappels de points et d'allocations caractérisés par la rectification auprès des caisses IREC et CAPIMEC de l'ensemble des cotisations de retraite pour la période de raccordement sur une assiette reconstituée conformément au règlement du raccordement en vigueur, M. X... sollicite 17. 352 euros de dommages et intérêts complémentaires correspondant à 6 mois de salaires ;
Que l'ANGDM considère quant à elle que durant 4 ans et 4 mois durant lesquels M. X... ne pouvait percevoir l'indemnité de raccordement (soit du 1er juillet 2001 au 1er novembre 2005) il aurait dû recevoir, outre la retraite de base (CAN), une allocation anticipée de retraite complémentaire (AARC), une indemnité de mise à la retraite d'office (IMRO) - dont une partie « IMRO 1 » basée sur le salaire et sur le nombre d'années d'anticipation entre la date du congé charbonnier de fin de carrière et une autre partie « IMRO 2 » calculée en fonction du salaire et de l'ancienneté de service - et une indemnité spécifique (IS) au cas où le niveau des ressources nettes perçues au cours de la retraite anticipée est inférieur à 80 % du salaire net antérieur actualisé non cumulable avec l'IMRO 1 qui doit être déduite de l'IS si celle-ci lui est supérieure ; que l'ANGDM considère qu'au titre des pensions complémentaires pendant la période du 1er juillet 2001 au 30 septembre 2009, M. X... a bénéficié d'un trop perçu de 18. 552 euros dans la mesure où il a perçu 102. 011 euros d'indemnité de raccordement alors qu'il aurait dû recevoir globalement 83. 459 euros de retraite anticipée du 1er juillet 2001 au 31 octobre 2005 et d'indemnité de raccordement du 1er novembre 2005 au 30 septembre 2009, et qu'au titre de l'IMRO 1, l'IMRO 2 et l'IS elle était redevable à M. X... pour la même période du 1er juillet 2001 au 30 septembre 2009 de 60. 167 euros dans la mesure où il a perçu au titre de ces indemnités 21. 365 euros alors qu'il aurait dû recevoir 81. 532 euros ; Qu'elle en conclut que M. X... a été rempli de ses droits dès lors qu'elle lui a versé après le jugement et en exécution de celui-ci la somme de 41. 615 euros qu'elle lui restait devoir (60. 167 - 18. 552) ; qu'elle expose que les divergences de calcul entre les parties proviennent de ce que leur analyse diverge sur deux points, à savoir, celui du remboursement demandé par elle au titre du trop perçu et celui du mode de calcul de l'indemnité spécifique à régulariser ; qu'elle considère qu'il convient en conséquence d'évoquer ces deux seules questions ; Que la mise à la retraite de M. X... étant constitutive d'une rupture du contrat de travail caractérisée par un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier qui relève de l'application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail à raison de son ancienneté et du nombre de salariés d'au moins 11 dans l'entreprise au moment du licenciement, est fondé à obtenir une indemnité des 6 dernier mois de salaire ; qu'il en fixe le montant à 17. 352 euros sur la base d'un salaire de 2. 892 euros au moment de la rupture non contestée en son montant par l'ANGDM ;
Qu'il ressort des explications fournies par l'intéressé que celui-ci a subi un préjudice complémentaire dans la mesure où il a subi une perte de revenus de 94. 952 euros durant 4 ans et 4 mois, soit du 1er juillet 2001 date à laquelle il a été mis à la retraite au 1er novembre 2005, date à laquelle il pouvait être mis à la retraite, laquelle perte de revenus correspond à la différence entre ce qu'il aurait perçu s'il était resté en activité et ce qu'il a perçu à la suite de sa mise en retraite ; Que l'ANGDM ne saurait calculer la perte de revenus de M. X... en procédant à une reconstitution de la situation du salarié du 1er juillet 2001 au 1er novembre 2005 sur une fiction caractérisée par une mise à la retraite anticipée à partir du 1er juillet 2001, alors que M. X... n'a jamais adhéré, ainsi qu'il a déjà été précédemment énoncé, à un congé charbonnier de fin de carrière qui permettait de le placer en retraite anticipée complémentaire dès le 1er juillet 2001, ou à un régime de retraite complémentaire anticipée ; Qu'il apparait en conséquence que c'est bien en comparaison des revenus qu'aurait perçus M. X... s'il avait continué à être en activité que doit s'apprécier son préjudice ;
Que l'ANGDM ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause le calcul circonstancié fourni par M. X... figurant dans ses conclusions produites contradictoirement aux débats et reprises oralement à l'audience de plaidoirie après avoir été notifiées à la partie adverse le 29 novembre 2011, aboutissant à une perte de revenus de 1. 826 euros par mois du 1er juillet 2001 au 1er novembre 2005 (52 mois), soit une perte globale de revenus de 94. 952 euros ; Que par ailleurs M. X... se prévalant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut prétendre se voir reconnaitre un rappel de points ou retraite complémentaire AARCO AGIRC et d'allocations pour la période postérieure au 1er juillet 2001 qui marque la rupture définitive de sa relation professionnelle avec l'employeur ; Que cette situation à l'origine de la perte de points de retraite pour la période du 1er juillet 2001 au 1er novembre 2005, consécutive au licenciement sans cause réelle et sérieuse, est également constitutive d'un préjudice complémentaire ;
Qu'il convient en conséquence, outre l'indemnité des 6 derniers mois de salaire de 17. 352 euros (2. 892 x 6) que sollicite M. X... de fixer à un montant de 94. 952 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement la réparation du préjudice complémentaire subi et par suite de lui allouer la somme globale de 112. 304 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rejeter toute prétention du salarié concernant d'une part un rétablissement de ses droits auprès des caisses de retraite complémentaire par rappels de points et allocation pour la période postérieure à la rupture du contrat de travail, d'autre part l'information en résultant ; Que le jugement doit être réformé en ce sens ; Alors que les dispositions de l'article L. 1237-8 du code du travail, issues de la loi du 30 juillet 1987, ne sont pas applicables aux salariés des Charbonnages de France et des Houillères de Bassin qui sont exclusivement régis par le statut du mineur, qui réglemente notamment leur mise à la retraite ;
De sorte qu'en condamnant l'ANGDM à payer une certaine somme à M. X... au visa de ce texte, la cour d'appel l'a violé par fausse application ;
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident éventuel
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait condamné l'ANGDM à indemniser Monsieur X... du préjudice financier consécutif à sa mise à la retraite prononcée prématurément, et ce jusqu'au 10 octobre 2005, et ordonné le rétablissement de Monsieur X... dans l'ensemble de ses droits issus des protocoles en vigueur, et à effectuer tous les rappels de points et d'allocations, à rectifier l'ensemble des cotisations de retraite, et à fournir des états provisoires et définitifs détaillés des capitaux de points rectifiés et des allocations en découlant AUX MOTIFS QUE Monsieur X... qui pouvait prétendre à l'ouverture de ses droits à la retraite de base à l'âge de 50 ans, mais ne pouvait prétendre à l'ouverture de ceux à la retraite complémentaire qu'à l âge du 60 ans ne pouvait être mise en retraite par l'employeur, en application de l'article 6-3 du décret du 23 décembre 1970 instituant l'indemnité de raccordement qu'à l'âge de 55 ans pour le salarié en cause embauché après le 31 décembre 1970 (...) ; que Monsieur X... a subi un préjudice complémentaire dans la mesure où il a subi une perte de revenues de 94 952 euros durant 4 ans et 4 mois soit du 1er juillet 2001 date à laquelle il a été mis en retraite au 1er novembre 2005, date à laquelle il pouvait être mis à la retraite, laquelle perte de revenus correspond à la différence entre ce qu'il aurait perçu s'il était resté en activité et ce qu'il a perçu par suite de sa mise à la retraite. (...) que Monsieur
X...
se prévalant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut prétendre se voir reconnaître un rappel de points de retraite complémentaires et d'allocations pour la période postérieure au 1er juillet 2001 qui marque la rupture définitive de sa relation professionnelle avec l'employeur ; que cette situation à l'origine de la perte de points de retraite pour la période du 1er juillet 2001 au 1er novembre 2005 consécutive au licenciement sans cause réelle et sérieuse est également constitutive d'un préjudice complémentaire ; ALORS QUE à supposer même que la mise à la retraite d'office hors les conditions prévues par le statut ne constitue pas un licenciement sans cause, elle constitue en tout cas une application fautive du statut, ouvrant droit à réparation du préjudice causé par cette mise à la retraite fautivement anticipée ; qu'en déboutant Monsieur
X...
de sa demande de réparation à ce titre, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard de l'article 6 du décret du 23 décembre 1970 et de l'article 1141 du Code civil.