LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 octobre 2012), que Julie X..., née le 23 juin 1976, a été reconnue par Mme Y... le 16 juillet 1976 et par Christian X... le 24 mars 1984, le jour de son mariage avec Mme Y... ; que ce dernier est décédé le 27 juin 2005, laissant pour lui succéder sa fille, Mme Julie X..., et sa soeur, Mme Isabelle X..., légataire universelle ; que le 13 mai 2008, celle-ci a assigné Mme Julie X... en contestation de la reconnaissance de paternité et de la légitimation subséquente ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement, nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation ; que ce délai de cinq ans prévu par l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil court à compter de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759, soit le 1er juillet 2006, lorsque l'enfant est né ou a été reconnu antérieurement à cette date ; qu'en retenant, pour dire Mme Isabelle X... irrecevable à agir, que Mme Julie X... avait bénéficié d'une possession d'état conforme à sa reconnaissance à compter du 24 mars 1984 et ayant duré au moins pendant les cinq années suivantes, quand le délai de cinq ans avait commencé à courir à compter du 1er juillet 2006, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2 et 333 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005 n° 2005-759 ;
2°/ qu'à supposer même adoptés les motifs des premiers juges et subsidiairement, l'article 18 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 a abrogé à compter du 1er juillet 2006 l'ancien article 339 du code civil ; qu'il résulte de l'article 20 de l'ordonnance relatif aux dispositions transitoires que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'ordonnance du 4 juillet 2005 est applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur le 1er juillet 2006 et que l'action ne peut être poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne lorsque l'instance a été introduite après son entrée en vigueur ; que pour dire irrecevable l'action de Mme Isabelle X... engagée le 13 mai 2008, la cour d'appel a jugé que compte tenu de la possession d'état de Mme Julie X... épouse Z... d'enfant de M. Christian X... à compter du 24 mars 1984, la prescription de l'action a été acquise le 24 mars 1994, conformément à l'ancien article 339 alinéa 3 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les articles 18 et 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005 et, par fausse application, l'ancien article 339 alinéa 3 ;
Mais attendu que le légataire universel du titulaire de l'action prévue par l'article 333 du code civil, n'étant pas un héritier de celui-ci au sens de l'article 322 du même code, n'a pas qualité pour exercer cette action ; qu'il en résulte que l'action engagée par Mme Isabelle X..., en sa qualité de légataire universelle, était irrecevable en présence d'une possession d'état conforme au titre ; que, par ce motif de pur droit, substitué dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Isabelle X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé le jugement du 21 juillet 2011 en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable, sauf à constater que la prescription n'était pas acquise ;
AUX MOTIFS QUE Mme Isabelle X... conteste la décision du premier juge et soutient que Mme Julie X... n'a pas de possession d'état conforme à la reconnaissance de paternité et qu'en conséquence, l'action en contestation de ladite reconnaissance est ouverte pendant un délai de dix ans à compter du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, sans pouvoir dépasser le délai de 30 ans depuis la reconnaissance ; que l'article 20 de l'Ordonnance du 4 juillet 2005 applicable à compter du 1er juillet 2006 précise qu'il s'applique aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur ; qu'il dispose, en outre, que lorsque l'instance a été introduite avant son entrée en vigueur, elle est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'en l'occurrence, l'instance a été initiée par acte du 13 mai 2008 et ce sont donc les textes issus de l'Ordonnance de 2005 qui trouvent à s'appliquer ; que l'article 322 du code civil dispose que les héritiers peuvent exercer les actions relatives à la filiation lorsque leur titulaire est décédé avant l'expiration du délai qui était imparti à celui-ci pour agir ; que par application de l'article 333 du code civil, lorsque la possession d'état est conforme au titre, peuvent agir notamment l'un des père et mère de l'enfant ; que l'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du jour où le parent dont le lien de filiation est contesté est décédé ; que l'alinéa 2 de l'article 333 dispose, qu'exception faite du Ministère Public, nul ne peut contester une filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré cinq ans depuis la reconnaissance ; que le délai de l'action se trouve donc enfermé dans une double condition : la durée de la possession d'état doit être inférieure à cinq ans, ce qui constitue une fin de non recevoir, et l'action se prescrit dans le délai de cinq ans à compter du décès du parent ; que M. Christian X... étant décédé le 27 juin 2005, il s'ensuit que Madame Isabelle X..., seule co-héritière avec Julie X..., était à la date de son assignation, toujours dans le délai pour exercer l'action en contestation ; qu'il convient, dès lors, d'examiner, la qualité de la possession d'état ; que selon les dispositions de l'article 311-1 du code civil, la possession d'état, qui doit être continue, s'établit par la réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il dit appartenir ; que l'article 311-2 du même code dispose, sans être exhaustif, que les principaux faits sont que l'individu ait porté le nom de ceux dont on le dit issu ; que ceux-ci l'ont traité comme leur enfant, et qu'il les a traités comme ses père et mère ; qu'ils ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien et à son établissement, qu'il est reconnu pour tel dans la société, par la famille et l'autorité publique ; qu'il n'est cependant pas nécessaire que l'ensemble de ces éléments soit réunis pour que la possession d'état soit considérée comme établie et il suffit que l'apparence du lien de filiation résulte de certains d'entre eux ; qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté que Julie porte le nom de M. X... et qu'elle est mentionnée comme la fille du couple dans le jugement de divorce ; qu'elle l'appelait « papa » ; que l'enfant a été reconnue par M. X... le jour même du mariage où la famille de ce dernier était présente ; que la famille paternelle peut donc difficilement prétendre avoir appris « avec stupeur » cette reconnaissance au moment du décès de Christian X... ; que Julie X... produit plusieurs photographies la montrant en vacances avec sa mère et M. X..., ainsi qu'à Noël, lors de repas de famille, lors de sa communion, dans une attitude de proximité affective, tant avec M. Christian X... qu'avec les parents de celui-ci, ce qui contredit les allégations de l'appelante et l'attestation de M. A... selon laquelle elle ne manifestait aucun intérêt pour sa famille paternelle ; que Mme Isabelle X... ne saurait tirer argument du fait qu'aucune photographie postérieure à la communion de Julie n'est produite dans la mesure où l'intimée rapporte la preuve par l'attestation d'une compagnie d'assurance que la maison de sa mère a subi un sinistre (explosion) le 12 octobre 2001, ce qui rend crédible l'affirmation selon laquelle les souvenirs familiaux ont disparu à cette occasion ; qu'un témoin, M. B..., résidant à La Baule, indique avoir eu plusieurs fois l'occasion de déjeuner avec Julie et ses parents lors de leur venue dans cette ville et avoir vu une famille unie ; que l'employée de maison des grands-parents maternels de Julie X... a également constaté la complicité de celle-ci avec M. X..., lors des réunions de famille, étant précisé qu'elle travaille depuis trente-cinq ans dans la famille ; que les témoignages des deux employées de maison de Mme Germaine X... mentionnant l'absence de relations de cette dernière avec Julie X..., ne sont pas significatifs dans la mesure où, sans mentionner de date, ils se rapportent toutefois, au moins pour celui de Mme C..., à une période postérieure au décès de Monsieur Christian X... où elles n'avaient effectivement plus de contacts ; que Julie X... n'a pas invité son père à son mariage en 2001, ce qui peut s'expliquer par le divorce de ses parents aux torts du mari ; qu'elle a en revanche invité les parents de M. X... et ceux-ci s'y sont rendus ; que M. D..., proche ami de M. Christian X... avec lequel il a travaillé et partagé un logement durant de nombreux mois, atteste de ce que quelques mois avant son décès, M. X... envisageait de revenir sur le testament rédigé « sur un coup de tête » après le divorce, en défaveur de Julie. Ce témoin atteste des sentiments sincères éprouvés par Christian X... à l'égard de Julie X... ; que ces éléments d'appréciation établissent l'existence de relations affectives entre M. Christian X... et sa famille, d'une part, et Julie, d'autre part ; que celle-ci était reconnue et considérée comme la fille de M. X... ; que l'existence d'une cohabitation quotidienne n'étant requise comme condition de la possession d'état, il importe donc peu que Julie ait été scolarisée à certaines périodes en pension et qu'elle ait passé certaines de ses vacances en colonie ; que s'il est exact que les relations entretenues par Julie avec M. X... se sont distendues au moment de la séparation de ses parents en 1996, il est cependant établi qu'à compter du 24 mars 1984 et pendant au moins cinq années, l'intimée a bénéficié d'une possession d'état conforme à sa reconnaissance ; que les attestations produites devant la cour par l'appelante ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation ; qu'il s'ensuit que l'action de l'appelante se heurte à la fin de non recevoir tirée d'une possession d'état de plus de cinq ans conforme au titre ; qu'en application de l'article 333 alinéa 2 du code civil, l'action de Mme Isabelle X... sera par conséquent déclarée irrecevable ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES que l'ancien article 339 alinéa 3 du code civil disposait : « quand il existe une possession d'état conforme à la reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, aucune contestation n'est plus recevable, si ce n'est de l'autre parent, de l'enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents véritables » ; que l'article 333 alinéa 2 du code civil, issu de l'ordonnance du 4 juillet 2005, dispose que « nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement » ; qu'il est constant que la prescription de l'action en contestation de reconnaissance commence à courir du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale ne puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que par ailleurs, aux termes de l'article 321 du code civil, « la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir » ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Mme Julie X... épouse Z... a toujours porté le nom de son père ; que la défenderesse produit en outre diverses attestations aux débats : en premier lieu de sa mère et de ses grands-parents maternels, dont il résulte qu'elle a toujours appelé M. Christian X... « papa », avec lequel elle s'entendait très bien et qu'elle entretenait de très bonnes relations avec les parents de ces derniers qu'elle considérait comme ses grands-parents, éléments confirmés ; en deuxième lieu, du parrain de la défenderesse, qui relate notamment avoir assisté à la communion de cette dernière en présence de M. X... et de ses parents et qui relate avoir « constaté qu'il y avait une grande complicité de tendresse entre Julie et son père », en troisième lieu de l'employée de maison des grands-parents maternels de Mme Julie X... épouse Z... attestant des réunions de famille en présence de cette dernière et de M. Christian X..., en quatrième lieu d'un ami du défunt, relatant ses confidences, selon lesquelles il avait affirmé à plusieurs reprises son intention de revenir sur son testament en faveur de sa fille Julie ; qu'elle verse aux débats de nombreuses photographies à compter de la célébration du mariage de ses parents et jusqu'à son adolescence démontrant une relation affective entre elle et M. Christian X... ainsi qu'avec les parents de ce dernier ; qu'enfin, le jugement de divorce des époux Y...-X..., en date du 7 juin 2000, mentionne bien qu'est issue de leur union un enfant, majeure ; que les attestations produites par la demanderesse, selon lesquelles Mme Julie X... épouse Z... entretenait des relations conflictuelles avec M. Christian X... et n'aurait jamais porté le moindre intérêt à la famille de ce dernier, ne sauraient suffire à remettre en cause la possession d'état d'enfant de ce dernier acquise par la défenderesse ; que compte-tenu de la possession d'état de Mme Julie X... épouse Z... d'enfant de M. Christian X... à compter du 24 mars 1984, la prescription de l'action a été acquise le 24 mars 1994, conformément à l'ancien article 339 alinéa 3 du code civil, et donc antérieurement à l'ordonnance du 4 juillet 2005 ; qu'il en résulte que l'action de Mme Isabelle X... épouse E... est irrecevable. »
1°) ALORS QUE, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement, nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation ; que ce délai de cinq ans prévu par l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil court à compter de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759, soit le 1er juillet 2006, lorsque l'enfant est né ou a été reconnu antérieurement à cette date ; qu'en retenant, pour dire Mme Isabelle X... irrecevable à agir, que Mme Julie X... avait bénéficié d'une possession d'état conforme à sa reconnaissance à compter du 24 mars 1984 et ayant duré au moins pendant les cinq années suivantes, quand le délai de cinq ans avait commencé à courir à compter du 1er juillet 2006, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2 et 333 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005 n° 2005-759 ;
2°) ALORS, à supposer même adoptés les motifs des premiers juges et subsidiairement, QUE l'article 18 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 a abrogé à compter du 1er juillet 2006 l'ancien article 339 du code civil ; qu'il résulte de l'article 20 de l'ordonnance relatif aux dispositions transitoires que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'ordonnance du 4 juillet 2005 est applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur le 1er juillet 2006 et que l'action ne peut être poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne lorsque l'instance a été introduite après son entrée en vigueur ; que pour dire irrecevable l'action de Mme Isabelle X... engagée le 13 mai 2008, la cour d'appel a jugé que compte-tenu de la possession d'état de Mme Julie X... épouse Z... d'enfant de M. Christian X... à compter du 24 mars 1984, la prescription de l'action a été acquise le 24 mars 1994, conformément à l'ancien article 339 alinéa 3 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les articles 18 et 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005 et, par fausse application, l'ancien article 339 alinéa 3.