LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses six branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2012), que Mme X...a publié dans le journal « Le Figaro » du 7 février 2012 un article consacré au produit dénommé « Mediator » sous le titre « Chez Y..., on l'appelait le « Merdiator », comprenant dix extraits du procès-verbal d'audition, en qualité de témoin, de Mme Z..., désignée par son prénom, lors de la procédure d'instruction ouverte au tribunal de grande instance de Paris et ayant donné lieu à la mise en examen de M. Y...et de plusieurs sociétés du groupe qu'il dirige pour escroquerie, tromperie aggravée et obtention indue d'une autorisation administrative ; que l'article est ainsi rédigé :
« Justice en septembre, les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, qui agissaient sur commission rogatoire des juges parisiens en charge de l'instruction sur le Mediator, ont entendu une dizaine de visiteurs médicaux du laboratoire. Le 8 septembre, Muriel, 52 ans, qui a fait pendant plusieurs années la promotion du Mediator, leur a raconté ses dix ans passés dans le groupe. Le Figaro a consulté le procès-verbal de son audition. « Je n'ai pas été surprise que le groupe Y...se soit fait épingler, car nous avions toujours des produits qui étaient meilleurs que les autres en se basant sur des études animales ou sur des études avec des arguments sans réelle valeur », a-t-elle expliqué aux enquêteurs, mais il aurait pu être épinglé « pour d'autres de ses spécialités, pour fausses informations ». En 1999, elle quitte l'entreprise « car j'en avais assez de dire des choses sans aucun sens ». Quand on lui dit qu'elle va vendre le Mediator, elle n'est pas emballée : « J'avais déjà un a priori, car ce médicament était appelé chez Y...le « Merdiator ». Muriel revient également sur le recrutement des visiteuses médicales de Y...: « Dans le réseau Y..., les belles filles, les blondes aux yeux bleus comme moi étaient plus facilement recrutées. Les médecins connaissaient les techniques de recrutement de Y...sur les critères physiques. Je peux même vous dire que lorsque je suis arrivée chez Y..., Mme A...(en charge de la formation, NDLR) nous faisait une formation sur la tenue et la façon de se tenir. Elle mesurait même la longueur des jupes de certaines. » Elle explique également que les visiteurs médicaux rédigeaient des fiches après chacune de leur visite chez le médecin : « Il était mentionné si le praticien était con ou sympa. » L'ancienne visiteuse médicale est plus incisive quand elle parle de la nature du Mediator. « J'ai appris (en 1997, NDLR), il me semble par des médecins, que le Mediator était un dérivé amphétaminique (...). Le laboratoire ne nous a jamais fait passer ce caractère anorexigène du Mediator (...). Par contre, les anciens visiteurs médicaux le connaissaient comme coupe-faim. Ils disaient que le Mediator ressortait des tiroirs au moment où l'Isomeride a été retiré (ce coupe-faim de Y...est retiré du marché en 1991, NDLR). Il ne fallait surtout plus parler des propriétés coupe-faim du Mediator. » Ses propos contredisent ce qui a été jusqu'à présent la défense du laboratoire qui soutient que son médicament était un antidiabétique. Question des gendarmes : « Quelle était la durée moyenne d'une visite et quel créneau de temps était dédié au Mediator ? » Réponse de Muriel : « Cela dépendait de la saison. Avant l'été, nous avions pour consigne de le présenter de telle façon que le médecin garde en tête le Mediator. Après, il reprenait sa place normale dans la visite médicale. Nous suivions les directives pour l'ordre de présentation des spécialités. Si j'avais moi le secteur du Mediator, un peu à la traîne, je devais faire en sorte d'atteindre mes objectifs. Un directeur régional nous a même dit un jour en réunion que nous devions être premiers ce mois-là, et nous a dit « quitte à passer sous la table, les filles, il faut y arriver » ;
Que la société Les Laboratoires Y...a assigné le directeur de la publication du journal « Le Figaro », M. B..., Mme X...et la société éditrice du journal, sur le fondement de l'article 38 de la loi du 1881, afin d'obtenir des dommages-intérêts, ainsi que la publication du jugement à intervenir, par extraits, dans le journal « Le Figaro » et dans trois autres journaux ;
Attendu que la société Les Laboratoires Y...fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'interdiction édictée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire à la protection de la réputation d'autrui et à la garantie de l'impartialité du pouvoir judiciaire et elle se trouve, comme telle, justifiée par application du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en jugeant que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les deux textes cités ;
2°/ qu'en jugeant, après avoir relevé que la publication des citations du procès-verbal d'audition de Mme Z...est « de nature à accréditer dans l'esprit du lecteur (la) culpabilité ou à tout le moins (la) responsabilité » de la société Les Laboratoires Y...» et qu'elle n'est « pas précisément guidée par un souci d'impartialité », que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les deux textes cités ;
3°/ que la garantie que l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d'intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de la déontologie journalistique ; qu'en jugeant que « la publication de ces citations, si elle n'était pas précisément guidée par un souci d'impartialité, s'inscrivait cependant dans le cadre d'un large débat public préexistant sur la responsabilité des Laboratoires Y...au regard du risque et des conséquences dommageables sur leur santé que le recours au Mediator aurait fait courir à ses utilisateurs et présentait ainsi un intérêt informatif général pour le public », sans vérifier, comme il le lui était demandé, si le fait d'avoir délibérément occulté qu'il ressortait de la seule autre déposition de visiteuse médicale utilisant le terme « Merdiator » que ce dernier avait été utilisé en raison du fait que le Mediator provoquait des diarrhées et non, comme le laisse entendre l'article, en raison d'une dangerosité du produit connue de longue date, n'excluait pas que les intéressés aient agi de bonne foi sur la base de faits exacts et qu'ils aient fourni des informations fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ;
4°/ qu'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'on ne peut « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès », tout en relevant l'existence d'une « action engagée devant le tribunal de Nanterre sur citation directe des parties civiles » (ibid.), la cour d'appel a affecté sa décision d'une contradiction de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'on ne peut « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès », après avoir relevé l'existence d'une « action engagée devant le tribunal de Nanterre sur citation directe des parties civiles » (ibid.), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 388 du code de procédure pénale, 38 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
6°/ que l'interdiction édictée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire à la protection de la réputation d'autrui et à la garantie de l'impartialité du pouvoir judiciaire et qu'elle se trouve, comme telle, justifiée par application du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'on ne pourrait « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès », sans avoir égard à l'instruction en cours devant le tribunal de grande instance de Paris et à la mise en examen consécutive de la société Les Laboratoires Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que l'affaire du Mediator avait trait à un problème de santé publique et qu'informer à son sujet revêtait un caractère d'intérêt général ; qu'ayant constaté que la publication des citations extraites des procès-verbaux d'audition contenait le témoignage non décisif d'une visiteuse médicale, recueilli au cours d'une information complexe et de longue durée, sans que soient connues l'échéance ni même la certitude d'un procès, elle a pu en déduire que cette publication n'avait pas porté atteinte au droit à un procès équitable ni à l'autorité et à l'impartialité de la justice, de sorte que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication litigieuse constituait une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les trois dernières branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Laboratoires Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Les Laboratoires Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société LES LABORATOIRES Y...de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « l'article signé par Anne X...et publié dans le numéro du journal Le Figaro du 7 février 2012 est ainsi rédigé : " JUSTICE En septembre, les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, qui agissaient sur commission rogatoire des juges parisiens en charge de l'instruction sur le Mediator, ont entendu une dizaine de visiteurs médicaux du laboratoire. Le 8 septembre, Muriel, 52 ans, qui a fait pendant plusieurs années la promotion du Mediator, leur a raconté ses dix ans passés dans le groupe. Le Figaro a consulté le procès-verbal de son audition. « Je n'ai pas été surprise que le groupe Y...se soit fait épingler, car nous avions toujours des produits qui étaient meilleurs que les autres en se basant sur des études animales ou sur des études avec des arguments sans réelle valeur », a-t-elle expliqué aux enquêteurs, mais il aurait pu être épinglé « pour d'autres de ses spécialités, pour fausses informations ». En 1999, elle quitte l'entreprise « car j'en avais assez de dire des choses sans aucun sens ». Quand on lui dit qu'elle va vendre le Mediator, elle n'est pas emballée : « J'avais déjà un a priori, car ce médicament était appelé chez Y...le « Merdiator ». Muriel revient également sur le recrutement des visiteuses médicales de Y...: « Dans le réseau Y..., les belles filles, les blondes aux yeux bleus comme moi étaient plus facilement recrutées. Les médecins connaissaient les techniques de recrutement de Y...sur les critères physiques. Je peux même vous dire que lorsque je suis arrivée chez Y..., Mme A...(en charge de la formation, NDLR) nous faisait une formation sur la tenue et la façon de se tenir. Elle mesurait même la longueur des jupes de certaines. » Elle explique également que les visiteurs médicaux rédigeaient des fiches après chacune de leur visite chez le médecin : « Il était mentionné si le praticien était con ou sympa. » L'ancienne visiteuse médicale est plus incisive quand elle parle de la nature du Mediator. « J'ai appris (en 1997, NDLR), il me semble par des médecins, que le Mediator était un dérivé amphétaminique (...). Le laboratoire ne nous a jamais fait passer ce caractère anorexigène du Mediator (...). Par contre, les anciens visiteurs médicaux le connaissaient comme coupe-faim. Ils disaient que le Mediator ressortait des tiroirs au moment où l'Isomeride a été retiré (ce coupe-faim de Y...est retiré du marché en 1991, NDLR). Il ne fallait surtout plus parler des propriétés coupe-faim du Mediator. » Ses propos contredisent ce qui a été jusqu'à présent la défense du laboratoire qui soutient que son médicament était un antidiabétique. Question des gendarmes : « Quelle était la durée moyenne d'une visite et quel créneau de temps était dédié au Mediator ? » Réponse de Muriel : « Cela dépendait de la saison. Avant l'été, nous avions pour consigne de le présenter de telle façon que le médecin garde en tête le Mediator. Après, il reprenait sa place normale dans la visite médicale. Nous suivions les directives pour l'ordre de présentation des spécialités. Si j'avais moi le secteur du Mediator, un peu à la traîne, je devais faire en sorte d'atteindre mes objectifs. Un directeur régional nous a même dit un jour en réunion que nous devions être premiers ce mois-là, et nous a dit « quitte à passer sous la table, les filles, il faut y arriver ». » ; que l'article en cause comprend dix extraits du procèsverbal d'audition en qualité de témoin de Mme Muriel Z..., désignée par son prénom, dans le cadre de la procédure d'instruction ouverte au tribunal de grande instance de Paris et ayant donné lieu à la mise en examen de Jacques Y...et de plusieurs sociétés du groupe qu'il dirige pour escroquerie, tromperie aggravée et obtention indue d'une autorisation administrative ; que ces extraits n'ont pas simplement pour objet d'illustrer ou d'appuyer les propos de l'auteur de l'article, mais, présentés par deux phrases d'introduction de la journaliste, additionnés et reliés seulement par quelques phrases de liaison de celle-ci, constituent la substance de l'article en cause, comme le fait utilement observer l'intimée, et ne peuvent être appréciés comme de courtes citations d'actes de procédure échappant aux prévisions, mêmes appliquées de façon stricte, de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, qui dispose en son alinéa 1 : « Il est interdit de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, et ce, sous peine d'une amende de 3 750 euros. » ; qu'il convient d'apprécier si l'ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression des appelants, consacré par l'article 10, 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que constitue l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, est en l'espèce justifiée comme étant une mesure de restriction à l'exercice de ce droit nécessaire, conformément à l'article 10, 2, à la protection de la réputation et des droits d'autrui et de garantie de l'autorité et de l'impartialité de la justice et proportionnée au but de protection de ces intérêts ; qu'informer le public sur un sujet tel que l'affaire du Mediator, qui a trait à une problème de santé publique général et, plus précisément, au risque posé par l'utilisation de certains médicaments, a suscité un émoi important compte tenu du nombre de patients et de nombreux débats largement relayés dans les médias, présente sans conteste un intérêt majeur, comme l'ajustement relevé le tribunal ; que, certes, les citations du procès-verbal d'audition de Mme Z..., tendant à présenter la politique de diffusion de ses produits par les Laboratoires Y...comme recourant à des méthodes mercantilistes de persuasion des médecins prescripteurs, peu soucieuses d'exactitude sur les caractéristiques et les propriétés réelles de ces produits et, en particulier, du mediator, sans contenir une claire prise de position sur la culpabilité des Laboratoires Y..., étaient néanmoins de nature à accréditer dans l'esprit du lecteur leur culpabilité ou à tout le moins leur responsabilité ; que la publication de ces citations, si elle n'était pas précisément guidée par un souci d'impartialité, s'inscrivait cependant dans le cadre d'un large débat public préexistant sur la responsabilité des Laboratoires Y...au regard du risque et des conséquences dommageables sur leur santé que le recours au médiator aurait fait courir à ses utilisateurs et présentait ainsi un intérêt informatif général pour le public ; qu'il ne peut être valablement prétendu qu'une telle publication portait atteinte au droit de l'intimée à bénéficier d'un procès équitable et à l'autorité et l'impartialité de la justice, alors qu'elle concernait le simple témoignage non décisif d'une de ses anciennes visiteuses médicales, recueilli au cours d'une information judiciaire complexe nécessairement de longue durée, sans qu'on puisse préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès ; qu'en outre, l'action engagée devant le tribunal de Nanterre sur citation directe des parties civiles n'a pas été débattue sur le fond par cette juridiction dans les mois qui ont suivi la publication incriminée et ne devrait pas l'être avant l'année 2013 aux dires non contestés des appelants ; qu'en conséquence l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence, dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir judiciaire et doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non conforme à l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 et fait droit aux demandes de la société Les Laboratoires Y..., ce qui implique que celle-ci soit déboutée des fins de son appel incident » ;
ALORS en premier lieu QUE l'interdiction édictée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire à la protection de la réputation d'autrui et à la garantie de l'impartialité du pouvoir judiciaire et qu'elle se trouve, comme telle, justifiée par application du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; qu'en jugeant que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les deux textes cités ;
ALORS en deuxième lieu QUE l'interdiction édictée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire à la protection de la réputation d'autrui et à la garantie de l'impartialité du pouvoir judiciaire et qu'elle se trouve, comme telle, justifiée par application du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; qu'en jugeant, après avoir relevé que la publication des citations du procès-verbal d'audition de Madame Z...est « de nature à accréditer dans l'esprit du lecteur (la) culpabilité ou à tout le moins (la) responsabilité » de la société LES LABORATOIRES Y...» (arrêt, p. 6, antépénultième §) et qu'elle n'est « pas précisément guidée par un souci d'impartialité » (ibid. pénultième §), que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les deux textes cités ;
ALORS en troisième lieu QUE la garantie que l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d'intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de la déontologie journalistique ; qu'en jugeant que « la publication de ces citations, si elle n'était pas précisément guidée par un souci d'impartialité, s'inscrivait cependant dans le cadre d'un large débat public préexistant sur la responsabilité des Laboratoires Y...au regard du risque et des conséquences dommageables sur leur santé que le recours au Mediator aurait fait courir à ses utilisateurs et présentait ainsi un intérêt informatif général pour le public » (arrêt, p. 6, pénultième §), sans vérifier, comme il le lui était demandé, si le fait d'avoir délibérément occulté qu'il ressortait de la seule autre déposition de visiteuse médicale utilisant le terme « Merdiator » que ce dernier avait été utilisé en raison du fait que le Mediator provoquait des diarrhées et non, comme le laisse entendre l'article, en raison d'une dangerosité du produit connue de longue date, n'excluait pas que les intéressés aient agi de bonne foi sur la base de faits exacts et qu'ils aient fourni des informations fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ;
ALORS en quatrième lieu QU'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que l'on ne peut « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès » (arrêt, p. 6 in fine), tout en relevant l'existence d'une « action engagée devant le tribunal de Nanterre sur citation directe des parties civiles » (ibid.), la cour d'appel a affecté sa décision d'une contradiction de motifs, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en cinquième lieu QU'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et qu'elle doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que l'on ne peut « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès » (arrêt, p. 6 in fine), après avoir relevé l'existence d'une « action engagée devant le tribunal de Nanterre sur citation directe des parties civiles » (ibid.), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 388 du Code de procédure pénale, 38 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
ALORS en sixième lieu QUE l'interdiction édictée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire à la protection de la réputation d'autrui et à la garantie de l'impartialité du pouvoir judiciaire et qu'elle se trouve, comme telle, justifiée par application du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; qu'en retenant, pour juger que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication incriminée constitue une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, disproportionnée et ne répondant pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir et doit, dès lors, au cas d'espèce, être déclarée non-conforme à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que l'on ne pourrait « préjuger de l'échéance à laquelle pourrait avoir lieu un procès sur le fond, ni même de la certitude d'un tel procès » (arrêt, p. 6 in fine), sans avoir égard à l'instruction en cours devant le tribunal de grande instance de Paris et à la mise en examen consécutive de la société LES LABORATOIRES Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.