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11/03/2014 | FRANCE | N°09-88073

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 09-88073


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Thomas X...,- M. Nicolas Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 21e chambre, en date du 17 novembre 2009, qui, pour infractions à la réglementation relative au contrat de travail à durée déterminée, a condamné le premier à 2 000 euros d'amende, et le second, à 3 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code

de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Beauvais, conseiller rapporteur, Mme ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Thomas X...,- M. Nicolas Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 21e chambre, en date du 17 novembre 2009, qui, pour infractions à la réglementation relative au contrat de travail à durée déterminée, a condamné le premier à 2 000 euros d'amende, et le second, à 3 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Beauvais, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ et de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement et du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, que, lors d'un contrôle effectué le 4 février 2005 dans les locaux de la société Groupe M6, et, plus précisément, sur le plateau d'enregistrement des émissions " Secrets d'actualité " et " Vous prendrez bien un peu de recul ", il a été constaté que, d'une part, vingt-trois salariés de la société Métropole Production, filiale du Groupe M6, avaient été embauchés par contrats à durée déterminée, à la journée, pour accomplir, dans certains cas depuis plusieurs années, des tâches de cadreur, électricien éclairagiste, preneur de son, coiffeur ou maquilleur, et que, d'autre part, plusieurs journalistes-rédacteurs avaient été embauchés par la société C Productions, également filiale du Groupe M6, par contrats à durée déterminée, dits de grille, pour une période allant du 18 août 2004 au 30 juin 2005 ; qu'à la suite de ces faits, M. Thomas X..., président et directeur général de la société C Productions, et M. Nicolas Y..., directeur général de la société Métropole Production, cités devant le tribunal correctionnel, sur le fondement des articles L. 1248-1, alinéa 1, et L. 1242-1 du code du travail, pour avoir embauché des salariés par contrats à durée déterminée pour un emploi durable et habituel sur des postes permanents correspondant à l'activité normale de l'entreprise, ont été déclarés coupables et condamnés à des peines d'amende ; que les prévenus et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ; En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 551, 565 et 591 du code de procédure pénale ;
en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation à comparaître de M. X...;
" aux motifs que les premiers juges ont également justement retenu que l'argument au terme duquel les prévenus ne seraient pas informés des faits générant les poursuites était inopérants, même si le procès-verbal ne leur avait pas été notifié et n'était pas joint à la citation, dès lors qu'il était justifié au dossier, d'une part, que le 12 décembre 2005, M. X...avait donné tout pouvoir à Mme Z... pour le représenter lors de son audition par le commissariat de police de Neuilly, le 15 décembre 2005, pouvoir présenté par elle, et d'autre part, qu'à cette occasion, elle était accompagnée de M. Y... qui a signé également le procès-verbal d'audition, lequel, en sa page 2, fait expressément référence au procès-verbal du 21 octobre 2005 et à ses annexes, lesquelles reprennent le nom, le statut, le nombre de jours travaillés pour chacune des personnes interrogées et leur ancienneté dans l'entreprise, procès-verbal contesté point par point par Mme Z... dans son audition ; qu'il ressort également du dossier que, par courrier du 11 avril 2005 adressé à l'inspection du travail, Mme Z..., en sa qualité de directrice des ressources humaines du groupe M6 a déclaré que les " accords Michel " lui permettaient l'embauche de personnel sur des durées déterminées compte tenu de la nature de l'activité exercée et que, par courrier du 22 septembre 2005 adressé à l'inspecteur du travail, M. Y... se référant au contrôle du 4 février 2005, a confirmé qu'un usage autorisait le recours aux contrats précaires dans sa branche d'activité ; que, dès lors que les noms des salariés figuraient expressément dans le procès-verbal dont tant Mme Z... que M. Y... ont eu connaissance lors de l'audition du 12 décembre, les prévenus ne peuvent davantage se prévaloir de l'impossibilité dans laquelle ils se trouveraient d'assurer leur défense ; que, certes les deux prévenus ont été cités en des qualités approximatives mais il convient de rappeler que la fiche pénale sur la base de laquelle le procès-verbal a déterminé l'imputabilité de l'infraction est signé de Mme Z... pour C. Productions et par M. Y... personnellement pour Métropole Production ;
" alors que tout prévenu a le droit d'être informé avec certitude et précision de la nature et de la cause de la prévention ; que la citation doit énoncer avec précision le fait poursuivi et viser le texte de loi qui le réprime ; que, pour estimer que la citation à comparaître de M. X...n'était pas irrégulière même si elle ne précisait pas les faits reprochés au regard des salariés concernés par le recours prétendument abusif au contrat à durée déterminée et ne visait pas M. X...en sa véritable qualité, cette imprécision n'était pas de nature à lui porter préjudice dès lors qu'au cours de l'enquête préliminaire il avait été représenté par Mme Z... dont le procès-verbal d'audition faisait référence au procès-verbal d'enquête ; qu'en l'état de ces motifs, ne permettant pas de s'assurer que Mme Z... avait pu prendre connaissance du procès-verbal de l'inspection du travail et ainsi découvrir le nom des salariés concernés par le recours considéré comme abusif aux contrats de travail à durée déterminée, la cour ayant elle-même pu être trompée par les termes de ce procès-verbal de l'inspecteur du travail en considérant que sept salariés étaient concernés par les faits en cause, alors que la citation n'en visait que cinq et dès lors que la personne poursuivie n'était pas Mme Z... mais M. X...qui aurait du être personnellement et précisément des faits qui lui étaient reprochés, éventuellement par une annexion du procès-verbal de l'inspection du travail à la citation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles précités " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation soulevée par M. X..., qui soutenait que cet acte ne lui permettait pas d'être informé avec certitude et précision de la nature et de la cause de la prévention, l'arrêt prononce par les motifs, propres et adoptés, repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1 du code pénal, L. 233-16 du code de commerce, L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour des emplois durables et habituels ;
" aux motifs que le groupe M6 comprend plusieurs entités juridiques dont les SA C. Productions et Métropole Production ; qu'à la date des faits, M. X...était président directeur général de C. Productions et président de Métropole Production et M. Y..., embauché en 2000 par la SA Métropole Production, était en 2003 directeur général de cette entité ; que le 4 février 2005, les services de l'inspection du travail des Hauts-de-Seine ont effectué un contrôle dans les locaux de M6 à Neuilly et plus précisément sur le plateau d'enregistrement des émissions « Secrets d'actualité » et « Vous prendrez bien un peu de recul » ; que, sur place, ils interrogeaient les personnes présentes quant à leur identité, leur statut-permanent ou intermittent-et les fonctions exercées au sein de l'entreprise ; que les fonctionnaires de l'inspection du travail se faisaient ensuite communiquer par C. Productions et Métropole Production, les contrats de travail de chacun des salariés et leur fiche de paie, les déclarations préalables à l'embauche et les fiches d'aptitude médicale ; que, par courrier d'avril 2005, C. Productions répliquait par le truchement de Mme Z..., directrice des ressources humaines du groupe M6, d'une part, que la conclusion des contrats conclus pour la journée du 4 février 2005 pour la réalisation de l'émission « Secrets d'actualité » était conforme à la loi (article L. 121-1-1 et D. 121-12 du code du travail et à la jurisprudence et à deux conventions étendues) et, d'autre part, que C. Productions était une agence de presse employant des journalistes et Métropole Production une société de production en charge de l'exploitation, ce qui impliquait une logique d'emploi distincte en fonction des métiers exercés ; que, dans le procès-verbal établi en octobre 2005, figurait un tableau des constatations par famille de métiers, en l'espèce : son, image, électricité et éclairage, administration, rédaction, maquillage, production et « autres » ; que pour chacun des salariés classés dans ces tableaux, il était mentionné à quelle société du groupe M6 il appartenait, sa fonction, le statut déclaré, et depuis quelle date il travaillait dans le groupe, le nombre de jours travaillés en 2004 et la date de la dernière visite médicale ; que c'est dans ces conditions que l'inspection du travail concluait qu'au sein de Métropole Production nombre de salariés étaient engagés à la journée pour y accomplir des tâches correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, alors que très peu étaient employées en CDI ; que les fonctionnaires de l'inspection du travail soulignaient que le nombre de jours travaillés permettait d'affirmer que la relation avec l'employeur était stable et durable ; qu'au sein de C. Productions figuraient cinq salariés employés « dans des contrats de grille » à l'année ; que le parquet demandait que soit entendu le chef d'entreprise « en l'espèce s'agissant d'une SA le président du conseil d'administration, représenté par un tiers muni d'un mandat, sur les éléments constitutifs de l'infraction ainsi que sur tous éléments pouvant permettre de déterminer l'imputabilité de l'infraction éventuelle » ; que Mme Z..., directrice des ressources humaines du groupe M6 Télévision, se présentait le 15 décembre accompagnée de M. Y... et muni d'un mandat de M. X..., ès qualités de président de C. Productions ; que M. Y... signait le procès-verbal d'audition de Mme Z..., laquelle contestait les faits dénoncés par l'inspection du travail, en invoquant le recours au contrat d'usage et l'« accord Michel » qui autorise le recours au travail précaire lorsque l'incertitude qui pèse sur l'entreprise est supérieure à celle qui pèse sur l'emploi du salarié ; qu'il est constant que le législateur a érigé le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de droit commun et voulu sanctionner la précarisation de la relation de travail ; que c'est ainsi que l'article L. 122-1 du travail recodifié à droit constant pose en principe : « le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise ; qu'en son deuxième alinéa, il dispose qu'il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article suivant » ; que, certes, au troisièmement de l'article L. 122-1-1 il est prévu que peut être conclu un contrat à durée déterminée pour les emplois pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois l'article L. 121-1-1 devenu l'article L. 1248-2 du code du travail ; qu'il est constant que le décret pris en application de ce texte mentionne l'audiovisuel au nombre des secteurs dans lesquels, en vertu d'un usage constant, il est possible de recourir à des contrats à durée déterminée comme le soutiennent les prévenus, dès lors que les sociétés C. Productions et Métropole Production appartiennent à ce secteur ; que Métropole Production, quant à elle, est une société de production ; qu'en l'espèce, les vingt-trois salariés visés travaillent dans les secteurs de la prise de son, du cadrage, de l'éclairage, du maquillage, quatre sont assistants réalisateurs et une scripte ; qu'il ressort des déclarations des salariés quant à l'ancienneté de leur lien contractuel avec M6 que la période durant laquelle ils ont exercé l'activité qui est la leur :- s'agissant des cadreurs de 1988 (K...) à 1995 (L...) 2000 (M...) 2002 (N...) 2004 (O...) outre ceux qui ont indiqué « depuis environ x années »,- s'agissant des éclairagistes de 1998 (P...) et respectivement trois ans et quatre ans pour Q...et R...,- s'agissant des maquilleurs de quinze ans (S...) 1987 (T...) cinq ans (U...) et 1986 pour Mme A..., scripte ; qu'alors que les premiers juges retiennent justement que le recours aux mêmes personnels depuis plusieurs années et sur un nombre de jours variable justifie du caractère normal et permanent d'une société de production audiovisuelle, et qu'à aucun moment le prévenu ne précise ni ne démontre en quoi ces emplois présenteraient un caractère par nature temporaire, alors qu'il ressort du procès-verbal de l'inspection du travail que les contrats de travail ont tous été renouvelés pendant plusieurs années et qu'au cours de l'année 2004 les contrats des salariés journaliers ont été renouvelés de très nombreuses fois, sans qu'aucun critère objectif puisse être dégagé, l'élément matériel de l'infraction prévue par l'article L. 1248-1 est constitué ; qu'en ce qui concerne M. Y..., il fait plaider en produisant son contrat de travail que l'infraction ne saurait lui être imputée ; qu'il reste que si M. Y... disposait d'un contrat de travail en qualité de directeur de programmation depuis 2000 en qualité de directeur de la production, il était en outre directeur général de Métropole Production, ainsi que cela ressort également des pièces produites par lui et du Kbis, mandat renouvelé par le conseil d'administration à trois reprises ; qu'il résulte des délibérations du même conseil qu'en qualité de directeur général de Métropole Production, M. Y... disposait d'une délégation générale qu'il a acceptée ; qu'aucune des pièces du dossier ne démontre qu'il aurait délégué sa propre responsabilité à quiconque ni contesté à un quelconque moment l'étendue de cette délégation ; qu'il a d'ailleurs lui-même rempli la fiche « d'imputabilité » lors de son audition aux côtés de Mme Z...qui a désigné M. X...comme mandataire de C. Productions ; que le courrier versé aux débats émanant du président de la SA Métropole Télévision qui entend endosser tardivement la responsabilité de l'infraction ne permet pas de combattre la présomption d'imputabilité de l'infraction à M. Y..., en sa qualité de directeur général de Métropole Production ;
" alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que l'arrêt attaqué a expressément constaté dans sa décision que les salariés concernés par les contrats de travail prétendument illicites travaillaient ensemble pour des émissions du groupe audiovisuel M6 composé de plusieurs entités juridiques et que notamment les salariés de « Métropole Production » avait un « lien contractuel ancien avec M6 ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, M. Y..., directeur général de la société Métropole Production appartenant au groupe M6 et filiale de la société Métropole Télévision contestait l'imputabilité des infractions au droit du travail qui lui étaient reprochées en faisant valoir que la gestion des ressources humaines était réalisée au niveau du groupe M6 par la direction de l'exploitation dont était chargé l'un des vice-président du groupe et non individuellement par chacune de ses entités et qu'en ce qui le concerne, il n'était pas chargé de cette gestion mais uniquement des productions du groupe et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions invoquant le défaut d'imputabilité des faits qui lui étaient reprochés en raison de la répartition des responsabilités au sein du groupe M6 en cohérence avec les constatations des agents de l'inspection du travail d'où il résultait sans ambiguïté qu'il existait une gestion des salariés élaborée par et pour l'ensemble du groupe M6, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour rejeter l'argumentation de M. Y..., qui faisait valoir que les faits reprochés ne lui étaient pas imputables, la gestion des salariés étant assurée, ainsi que l'avait constaté l'inspection du travail, au niveau du groupe M6, l'arrêt énonce qu'en sa qualité de directeur général de la société Métropole Production, M. Y... disposait d'une délégation générale, qu'il avait acceptée, et qu'il n'est pas établi qu'il aurait délégué à quiconque sa propre responsabilité, ni contesté l'étendue de sa délégation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1, 121-1 et 121-3 du code pénal, L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1248-1, L. 1248-2 (ancien article 152-1-4) du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X...pour avoir eu recours à des contrats à durée déterminée pour des emplois permanents nécessitant un contrat à durée indéterminé ;
" aux motifs qu'il est constant que le législateur a érigé le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de droit commun et voulu sanctionner la précarisation de la relation de travail ; que c'est ainsi que l'article L. 122-1 du code de travail recodifié à droit constant pose en principe : « le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise ; qu'en son deuxième alinéa, il dispose qu'il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article suivant » ; que, certes au troisièmement de l'article L. 122-1-1, il est prévu que peut être conclu un contrat à durée déterminée pour les emplois pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminé en raison de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois l'article L. 121-1-1 devenu l'article L. 1248-2 du code du travail ; qu'il est constant que le décret pris en application de ce texte mentionne l'audiovisuel au nombre des secteurs dans lesquels, en vertu d'un usage constant il est possible de recourir à des contrats à durée déterminée comme le soutiennent les prévenus dès lors que les sociétés C. Productions et Métropole Production appartiennent à ce secteur ; que, cependant, il reste que cette faculté ne peut être utilisée qu'afin de pourvoir des emplois présentant par nature un caractère temporaire et non pour assurer de façon permanente un emploi ou un métier déterminé ; que les prévenus contestent la démonstration de l'inspection du travail qui repose selon eux, sur la récurrence de l'identité d'un salarié affecté à une tâche, alors qu'il convient de retenir que les contrats conclus portaient sur une tâche précise à effectuer dans le cadre d'une émission déterminée pour la période d'une grille de programme susceptible d'être supprimée ou modifiée et que, compte tenu de leur appartenance à une équipe et de leur qualification, ces salariés qui « appartiennent au monde de l'audiovisuel, à raison du caractère intuiti personae de leur emploi peuvent préférer poursuivre leur collaboration avec tel ou tel, plutôt que de se maintenir dans un emploi permanent » ; qu'il est constant que C. Productions est une agence de presse, qui créée et élabore des émissions d'informations diffusées dans le cadre de programmes revus selon un rythme saisonnier intitulé « grille d'été » ; les quatre salariés visés sont tous rédacteurs en chef, étant précisé que Mme B...est mentionnée à tort au procès verbal de l'inspection du travail, en ce qu'elle n'était pas salariée de C. Productions, au regard du contrat versé au dossier ; que pour l'inspection du travail, la législation est contournée, voire violée, sauf à admettre que l'emploi d'un rédacteur ne correspondrait pas à l'activité normale et permanente d'une société de production, en l'espèce plus exactement une agence de presse ; qu'il convient donc de rechercher in concreto si l'employeur n'a pas pourvu un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise au moyen d'un CDD ; qu'en l'espèce, il ressort des contrats analysés par l'inspection du travail que ceux-ci ont été conclus pour une période allant du 18 août 2004 à la fin juin 2005, soit la grille d'automne 2004 et printemps 2005 et pour la réalisation de l'émission « Secret d'actualité » ; que l'analyse de la situation de ces salariés révèle que sur six d'entre eux deux bénéficiaient de CDI et que, sur les quatre autres, si MM. C...et D...disposaient d'un contrat limité à la réalisation de l'émission « Secret d'actualité » et n'ont pas indiqué avoir eu un lien contractuel antérieur avec la société C. Productions, en revanche, Mmes E...et F...avaient l'une « bénéficié » de trois CDD au sein de M6 et l'autre était liée depuis 2003 à M6 ; que M. X...fait plaider que la suppression d'une émission d'information n'entraîne pas ipso facto dans la grille son remplacement par une autre émission d'informations mais tout aussi bien de divertissement, de sport, de musique, dans laquelle le journaliste ne trouvera pas nécessairement sa place ; qu'il ajoute que chaque entité de production choisit ses partenaires (réalisateur, moniteur, éclairagiste ¿) pour mener à bien un programme déterminé » ; qu'il fait état de ce que le rôle artistique de chaque intervenant est déterminant, le réalisateur choisissant la personne qui convient le mieux à l'émission à tourner ; que, s'il ne peut être discuté que la société de production exerce une activité aléatoire car soumise au choix des téléspectateurs, il n'en demeure pas moins que l'activité de production s'inscrit dans le temps et que seule est soumise à aléa la poursuite d'une émission qui est tout aussitôt réalisée par une autre ; que dès lors que le prévenu ne précise ni ne démontre concrètement en quoi lesdits contrats présenteraient un caractère par nature temporaire, alors que deux d'entre eux au moins avaient été renouvelés dans le passé, et alors qu'il n'est pas démontré en quoi lesdits contrats ne correspondent pas à l'activité permanente et normale de la société, laquelle est tout au plus soumises aux aléas de l'audience et d'intensité de l'information, l'élément matériel de l'infraction prévue par l'article L. 1248-1 est constitué ; que les deux prévenus font également plaider le défaut d'élément intentionnel en arguant l'évolution de la jurisprudence et de la multiplicité des accords et conventions collectives régissant leur secteur d'activités, leur permettant de considérer légitimement que les dispositions de l'article L. 122-1 du code du travail ne leur étaient pas applicables ; que leur qualité, leur ancienneté dans leurs fonctions de responsabilité dans le domaine de l'audiovisuel ne peut leur permettre de soutenir valablement qu'ils aient pu se méprendre sur la portée des textes non plus que sur la jurisprudence applicable, alors que la jurisprudence de la chambre criminelle n'a jamais varié quant à l'analyse in concreto du contrat, comme le fait également désormais la chambre sociale depuis 2008 ; que, s'agissant de M. X..., en sa qualité de président de C. Productions l'infraction relevée lui est imputable ;
" 1) alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que l'article L. 1248-1 du code du travail incrimine le fait de conclure un contrat de travail à durée déterminée qui a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que, pour retenir le prévenu dans les liens de la prévention en sa qualité de président de la société C. Productions, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que les emplois des quatre salariés embauchés par C. Productions avaient un caractère temporaire, en s'appuyant sur le fait que deux de ces salariés avaient déjà passé des contrats avec M6 ; que dès lors qu'elle visait des contrats passés avec d'autres sociétés, auraient-elles été du même groupe, elle se référait à des emplois distincts de ceux que les salariés exerçaient au sein de C. Productions pour les besoins de la réalisation de l'émission Secrets d'actualité ; que, dans ces conditions, elle ne pouvait exclure le caractère temporaire de l'emploi des deux salariés concernés en s'appuyant sur de prétendus contrats successifs passés par eux avec d'autres sociétés que C. Productions et, plus encore, elle ne pouvait exclure le caractère temporaire de l'activité des deux autres salariés qui n'avaient passé qu'un contrat à durée déterminée pour participer à l'émission Secret d'actualité produite par la société C. Production, sans méconnaître les articles L. 1242-1 et L. 1248-1 du code du travail ;
" 2) alors que le caractère temporaire d'un emploi doit s'apprécier par référence à des éléments concrets et précis en rapport avec l'activité du salarié ; qu'en refusant de prendre en compte les conclusions déposées pour le prévenu en ce qu'elles précisaient que les emplois en cause étaient déterminés par la ligne de l'émission Secret d'actualité qui dépendait pour sa pérennité de sa programmation, en s'appuyant sur la constatation que deux des quatre salariés en cause avaient déjà passé des contrats avec M6, ce qui serait censé exclure le caractère par nature temporaire de leur emploi, la cour d'appel qui prend en compte la seule identité de ces salariés dans les différents contrats passés avec M6 et non les fonctions concrètes exercées par eux dans le cadre de ces différents contrats, ne cherchant pas à savoir s'il s'agissait toujours de contrats passés en qualité de rédacteurs en chef pour la réalisation d'émissions d'information, le type de ces dernières et la durée de leur collaboration, a méconnu de nouveau les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1248-1 du code du travail ;
" 3) alors que, selon l'article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminé peut être conclu pour l'exécution d'une tâche précise dans les cas que cette disposition définit, peu important que cette tâche intervienne dans le cadre de l'activité permanente de l'employeur ; que, pour considérer que la société C. Productions n'aurait pas dû passer des contrats à durée déterminée qu'elle prétendait d'usage avec ses rédacteurs en chef, la cour d'appel affirme qu'il n'est pas démontré en quoi lesdits contrats ne correspondent pas à l'activité permanente et normale de la société, considérant que celle-ci est tout au plus soumise aux aléas de l'audience et d'intensité de l'information ; qu'en se déterminant par de tels motifs, en prenant en compte la pérennité de l'activité de l'employeur alors qu'il lui appartenait seulement de se prononcer au regard de la nature de l'activité confiée aux salariés visés à la prévention pour déterminer si elle avait un caractère par nature temporaire ou si cette activité spécifique pouvait être pérenne au sein de la société, la cour d'appel a une nouvelle fois méconnu les articles précités ;
" 4) alors qu'en prenant en compte l'activité de production de la société C. Productions pour se prononcer sur la possibilité de pourvoir durablement des emplois plutôt que de passer différents contrats à durée déterminée, sans considération de la nature particulière d'agence de presse de cette société proposant aux chaînes de télévision différentes émissions d'information dont la nature pouvait influer sur le choix des journalistes qui pouvaient être nécessaires pour les besoins de chacune de ces émissions, selon leurs profils, permettant seule de se prononcer sur la nature temporaire ou pérenne de l'activité de ces journalistes, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision de base légale ;
" 5) alors que, et en tout état de cause, la cour d'appel déclare le prévenu coupable de l'infraction de recours abusif au contrat à durée déterminée, en lui reprochant de n'avoir pas apporté la preuve du caractère par nature temporaire de l'activité des salariés concernés, qu'en l'état de tels motifs, qui mettent à la charge du prévenu, la preuve du recours non abusif aux contrats à durée déterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 6) alors que, sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction au moment où ils ont été commis ; que la sécurité juridique implique qu'une personne ne soit pas condamnée pour des faits qui n'étaient pas contraires à la jurisprudence établie à l'époque de leur commission ; qu'à l'époque des faits en cause en l'espèce, la chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que dès lors qu'il existait un usage constant dans un secteur d'activité permettant de recourir aux contrats à durée déterminée pour une tâche déterminée, il n'appartenait pas aux juges de rechercher si ces contrats se rapportaient à des emplois par nature temporaire ; que, dès lors, à l'époque des faits, le prévenu n'aurait pu se voir reprocher d'avoir conclu des contrats à durée déterminée d'usage pour des emplois des rédacteurs en chef même s'ils étaient renouvelés ; qu'à supposer que la chambre criminelle ait exigé une analyse concrète du caractère temporaire d'une activité, le prévenu ne pouvait arbitrer entre des positions distinctes et surtout considérer que celle de la chambre criminelle restait valable alors qu'elle était antérieure à celle de la chambre sociale ; qu'en condamnant le prévenu pour de tels faits au vu d'un revirement de jurisprudence de la chambre sociale intervenu en 2008 et d'une position de la chambre criminelle antérieure aux arrêts précédents ce revirement, la cour d'appel a méconnu le principe de non-rétroactivité de la loi d'incrimination telle que résultant de l'interprétation jurisprudentielle faisant corps avec elle ;
" 7) alors qu'en tout état de cause, considérant que, compte tenu de son expérience, le prévenu devait savoir qu'il méconnaissait les dispositions sur le contrat à travail à durée déterminée, à une époque où la jurisprudence de la chambre sociale admettait que les contrats à durée déterminée dits d'usage pouvaient être renouvelés sans considération de leur durée dès lors qu'ils intervenaient dans l'un des secteurs d'activité visés par l'article D. 1242-1 du code du travail, la cour d'appel n'a pu caractériser l'élément moral de l'infraction " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 111-4 du code pénal, L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour des emplois durables et habituels ;
" aux motifs que le groupe M6 comprend plusieurs entités juridiques dont les SA C. Productions et Métropole Production ; qu'à la date des faits, M. X...était président directeur général de C. Productions et président de Métropole Production et M. Y..., embauché en 2000 par la SA Métropole Production, était en 2003 directeur général de cette entité ; que le 4 février 2005, les services de l'inspection du travail des Hauts-de-Seine ont effectué un contrôle dans les locaux de M6 à Neuilly et plus précisément sur le plateau d'enregistrement des émissions « Secrets d'actualité » et « Vous prendrez bien un peu de recul » ; que, sur place, ils interrogeaient les personnes présentes quant à leur identité, leur statut-permanent ou intermittent-et les fonctions exercées au sein de l'entreprise ; que les fonctionnaires de l'inspection du travail se faisaient ensuite communiquer par C. Productions et Métropole Production, les contrats de travail de chacun des salariés et leur fiche de paie, les déclarations préalables à l'embauche et les fiches d'aptitude médicale ; que, par courrier d'avril 2005, C. Productions répliquait par le truchement de Mme Z..., directrice des ressources humaines du groupe M6, d'une part, que la conclusion des contrats conclus pour la journée du 4 février 2005 pour la réalisation de l'émission « Secrets d'actualité » était conforme à la loi (article L. 121-1-1 et D. 121-12 du code du travail et à la jurisprudence et à deux conventions étendues) et, d'autre part, que C. Productions était une agence de presse employant des journalistes et Métropole Production une société de production en charge de l'exploitation, ce qui impliquait une logique d'emploi distincte en fonction des métiers exercés ; que, dans le procès-verbal établi en octobre 2005, figurait un tableau des constatations par famille de métiers, en l'espèce : son, image, électricité et éclairage, administration, rédaction, maquillage, production et « autres » ; que pour chacun des salariés classés dans ces tableaux, il était mentionné à quelle société du groupe M6 il appartenait, sa fonction, le statut déclaré, et depuis quelle date il travaillait dans le groupe, le nombre de jours travaillés en 2004 et la date de la dernière visite médicale ; que c'est dans ces conditions que l'inspection du travail concluait qu'au sein de Métropole Production nombre de salariés étaient engagés à la journée pour y accomplir des tâches correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, alors que très peu étaient employées en CDI ; que les fonctionnaires de l'inspection du travail soulignaient que le nombre de jours travaillés permettait d'affirmer que la relation avec l'employeur était stable et durable ; qu'au sein de C. Productions figuraient cinq salariés employés « dans des contrats de grille » à l'année ; que le parquet demandait que soit entendu le chef d'entreprise « en l'espèce s'agissant d'une SA le président du conseil d'administration, représenté par un tiers muni d'un mandat, sur les éléments constitutifs de l'infraction ainsi que sur tous éléments pouvant permettre de déterminer l'imputabilité de l'infraction éventuelle » ; que Mme Z..., directrice des ressources humaines du groupe M6 Télévision, se présentait le 15 décembre accompagnée de M. Y... et muni d'un mandat de M. X..., ès qualités de président de C. Productions ; que M. Y... signait le procès-verbal d'audition de Mme Z..., laquelle contestait les faits dénoncés par l'inspection du travail, en invoquant le recours au contrat d'usage et l'« accord Michel » qui autorise le recours au travail précaire lorsque l'incertitude qui pèse sur l'entreprise est supérieure à celle qui pèse sur l'emploi du salarié ; qu'il est constant que le législateur a érigé le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de droit commun et voulu sanctionner la précarisation de la relation de travail ; que c'est ainsi que l'article L. 122-1 du travail recodifié à droit constant pose en principe : « le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise ; qu'en son deuxième alinéa, il dispose qu'il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article suivant » ; que, certes, au troisièmement de l'article L. 122-1-1 il est prévu que peut être conclu un contrat à durée déterminée pour les emplois pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois l'article L. 121-1-1 devenu l'article L. 1248-2 du code du travail ; qu'il est constant que le décret pris en application de ce texte mentionne l'audiovisuel au nombre des secteurs dans lesquels, en vertu d'un usage constant, il est possible de recourir à des contrats à durée déterminée comme le soutiennent les prévenus, dès lors que les sociétés C. Productions et Métropole Production appartiennent à ce secteur ; que Métropole Production, quant à elle, est une société de production ; qu'en l'espèce, les vingt-trois salariés visés travaillent dans les secteurs de la prise de son, du cadrage, de l'éclairage, du maquillage, quatre sont assistants réalisateurs et une scripte ; qu'il ressort des déclarations des salariés quant à l'ancienneté de leur lien contractuel avec M6 que la période durant laquelle ils ont exercé l'activité qui est la leur :- s'agissant des cadreurs de 1988 (K...) à 1995 (L...) 2000 (M...) 2002 (N...) 2004 (O...) outre ceux qui ont indiqué « depuis environ x années »,- s'agissant des éclairagistes de 1998 (P...) et respectivement trois ans et quatre ans pour Q...et R...,- s'agissant des maquilleurs de quinze ans (S...) 1987 (T...) cinq ans (U...) et 1986 pour Mme A..., scripte ; qu'alors que les premiers juges retiennent justement que le recours aux mêmes personnels depuis plusieurs années et sur un nombre de jours variable justifie du caractère normal et permanent d'une société de production audiovisuelle, et qu'à aucun moment le prévenu ne précise ni ne démontre en quoi ces emplois présenteraient un caractère par nature temporaire, alors qu'il ressort du procès-verbal de l'inspection du travail que les contrats de travail ont tous été renouvelés pendant plusieurs années et qu'au cours de l'année 2004 les contrats des salariés journaliers ont été renouvelés de très nombreuses fois, sans qu'aucun critère objectif puisse être dégagé, l'élément matériel de l'infraction prévue par l'article L. 1248-1 est constitué ; qu'en ce qui concerne M. Y..., il fait plaider en produisant son contrat de travail que l'infraction ne saurait lui être imputée ; qu'il reste que si M. Y... disposait d'un contrat de travail en qualité de directeur de programmation depuis 2000 en qualité de directeur de la production, il était en outre directeur général de Métropole Production, ainsi que cela ressort également des pièces produites par lui et du Kbis, mandat renouvelé par le conseil d'administration à trois reprises ; qu'il résulte des délibérations du même conseil qu'en qualité de directeur général de Métropole Production, M. Y... disposait d'une délégation générale qu'il a acceptée ; qu'aucune des pièces du dossier ne démontre qu'il aurait délégué sa propre responsabilité à quiconque ni contesté à un quelconque moment l'étendue de cette délégation ; qu'il a d'ailleurs lui-même rempli la fiche « d'imputabilité » lors de son audition aux côtés de Mme Z...qui a désigné M. X...comme mandataire de C. Productions ; que le courrier versé aux débats émanant du président de la SA Métropole Télévision qui entend endosser tardivement la responsabilité de l'infraction ne permet pas de combattre la présomption d'imputabilité de l'infraction à M. Y..., en sa qualité de directeur général de Métropole Production ;
" 1) alors que la cour d'appel, qui retenait la responsabilité pénale de M. Y... en raison de ses fonctions de directeur général au sein de la société Métropole Production et qui refusait d'examiner le chef péremptoire de ses conclusions tiré de la non-imputabilité des faits qui lui étaient reprochés en raison de la répartition des responsabilités au sein du groupe M6, ne pouvait sans se contredire et excéder ses pouvoirs, déduire le caractère normal et permanent de l'emploi des vingt-trois salariés travaillant au jour du contrôle de l'inspecteur du travail de « l'ancienneté de leur lien contractuel avec M6 » c'est-à-dire de leur lien contractuel avec l'ensemble des sociétés du groupe ;
" 2) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail est ainsi rédigé : « Le fait de conclure un contrat de travail à durée déterminée qui a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise en méconnaissance de l'article L. 1242-1, est puni d'une amende de 3 750 euros » ; que ce texte n'envisage que le cas où le contrat de travail a pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale d'une entreprise et n'envisage pas le cas où le lien contractuel du salarié concerné embrasse un groupe d'entreprises considérées dans leur ensemble et que, dès lors, en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. Y... sur le fondement de ce texte en raison de « l'ancienneté du lien contractuel des salariés concernés par la prévention avec M6 », c'est-à-dire avec le groupe M6, consacrant ainsi une application extensive de la loi pénale, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
" 3) alors que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence et que dès lors, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. Y... et qualifier les emplois incriminés des salariés engagés au moment des faits au sein de la société Métropole Production de « permanents » en se référant à la seule considération de l'ancienneté du lien contractuel des salariés concernés « avec le groupe M6 » sans analyser, fut-ce succinctement, le contenu de leurs contrats de travail successifs et la durée de leurs prestations successives, sans constater les conditions dans lesquelles ils avaient pu être mis à la disposition des différentes sociétés du groupe et sans préciser quel avait été leur lien de subordination par rapport aux responsables des différentes sociétés ;
" 4) alors que, pour entrer en voie de condamnation du chef de l'infraction prévue à l'article L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail, le caractère permanent ou temporaire de la tâche à exécuter doit être caractérisé, peu important le secteur d'activité des salariés ; que, pour estimer l'infraction caractérisée, la cour d'appel a énoncé que les salariés visés travaillaient « dans les secteurs de la prise de son, du cadrage, de l'éclairage, du maquillage, quatre sont assistants réalisateurs, et une scripte » ; qu'en se prononçant ainsi par rapport au secteur professionnel et non par rapport aux emplois occupés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 5) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, constater que les salariés concernés de Métropole production avaient certes un lien contractuel depuis plusieurs années avec le groupe M6 mais que les sociétés de ce groupe exerçaient une activité aléatoire car soumise au choix des téléspectateurs et que les salariés n'avaient travaillé que « sur un nombre de jours variables » et affirmer, néanmoins, que leurs emplois avaient un « caractère normal et permanent » ;
" 6) alors que les articles L. 1242-1 et L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail visés par la poursuite n'instituent aucune dérogation à la charge de la preuve en matière pénale qui incombe, tant en droit interne qu'en droit conventionnel, à l'accusation et que dès lors, en reprochant à M. Y... de ne pas démontrer en quoi les emplois incriminés présenteraient un caractère par nature temporaire, la cour d'appel a statué par un motif impliquant un renversement de la charge de la preuve et a, ce faisant, méconnu le principe de la présomption d'innocence " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 et 121-3 du code pénal, L. 1242-1, L. 1242-2, alinéa 3, et L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour des emplois durables et habituels ;
" aux motifs que les deux prévenus font plaider le défaut d'élément intentionnel en arguant de l'évolution de la jurisprudence et de la multiplicité des accords et conventions collectives régissant leur secteur d'activités, leur permettant de considérer légitimement que les dispositions de l'article L. 122-1 du code du travail ne leur étaient pas applicables, mais que leur qualité, leur ancienneté dans leurs fonctions de responsabilité dans le domaine de l'audiovisuel ne peut leur permettre de soutenir valable qu'ils aient pu se méprendre sur la portée des textes non plus que sur la jurisprudence applicable, alors que la jurisprudence de la chambre criminelle n'a jamais varié quant à l'analyse in concreto du contrat comme le fait également désormais la chambre sociale depuis 2008 ;
" 1) alors qu'il se déduit tant des principes du droit interne que conventionnel que l'élément intentionnel d'une infraction au code du travail est en étroite dépendance de l'interprétation judiciaire du texte applicable à la poursuite par la chambre sociale de la Cour de cassation à la date des faits et qu'en refusant d'examiner l'argumentation péremptoire de M. Y... contestant l'élément intentionnel de l'infraction qui lui était reprochée en invoquant l'état de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation à la date des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2) alors que la prévisibilité des éléments constitutifs d'une infraction au code du travail ne saurait résulter, comme l'a à tort décidé la cour d'appel, d'une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation postérieure aux faits incriminés ;
" 3) alors que la cour d'appel avait l'obligation de tirer les conséquences de la divergence à la date des faits entre la jurisprudence de la chambre sociale et la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'interprétation des articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3°, et L. 1248-1, alinéa 1, du code du travail, source d'incertitude expressément invoquée par les conclusions de M. Y... en relaxant celui-ci des fins de la poursuite et qu'en entrant en voie de condamnation à son encontre, elle l'a privé du procès équitable auquel il avait droit " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire établi à l'encontre de MM. X...et Y... le délit visé à la prévention, l'arrêt, confirmant le jugement entrepris sur la culpabilité, prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que les contrats à durée déterminée en cause, qui avaient été délibérément renouvelés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, par les sociétés poursuivies, n'étaient pas justifiés par des raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, au sens de l'accord-cadre du 18 mars 1999 sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la Directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-88073
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Contrat de travail - Contrat à durée déterminée - Cas énumérés - Emploi pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée - Caractère temporaire de l'emploi - Nécessité

Il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que, même lorsqu'il est conclu dans l'un des secteurs d'activité visés par ce dernier texte, au nombre desquels figure l'audiovisuel, le contrat à durée déterminée ne peut avoir d'autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire. Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer établie en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, l'infraction prévue et réprimée par l'article L. 1248-1, alinéa 1er, du code du travail reprochée à deux directeurs généraux de sociétés de production audiovisuelle poursuivis pour avoir méconnu les dispositions susvisées, retient que le recours, par les prévenus, à des contrats de travail à durée déterminée conclus avec des salariés ayant exercé les fonctions de rédacteurs en chef d'émissions d'information, d'assistants-réalisateurs, de cadreurs, d'éclairagistes, de monteurs et de maquilleurs et délibérément renouvelés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, n'était pas justifié par des raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire des emplois en cause, au sens de l'accord-cadre du 18 mars 1999 sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999


Références :

articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1248-1, alinéa 1er et D. 1242-1 du code du travail

accord-cadre du 18 mars 1999 sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 novembre 2009

Sur la nécessité de ne pourvoir par contrat à durée déterminée que les emplois de nature temporaire dans les secteurs d'activité où il est d'usage de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, à rapprocher :Crim., 6 mai 2008, pourvoi n° 06-82366, Bull. crim. 2008, n° 105 (cassation), et les arrêts cités ;Soc., 23 janvier 2008, pourvois n° 06-44.197 et 06-43.040, Bull. 2008, V, n° 16 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2014, pourvoi n°09-88073, Bull. crim. criminel 2014, n° 73
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 73

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:09.88073
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