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29/01/2014 | FRANCE | N°12-35341

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 janvier 2014, 12-35341


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les 28 décembre 1991 et 14 mars 1992, Marie X... a souscrit deux contrats d'assurance-vie au bénéfice des époux Y... ; que le 28 juillet 1994, elle leur a fait donation de la nue-propriété de sa maison ; qu'elle a été placée sous tutelle le 15 mai 2000 et qu'elle est décédée le 17 mars 2005 ; que le 20 janvier 2009, les consorts Z...- B..., ses héritiers, ont assigné les époux Y... aux fins d'obtenir l'annulation des actes leur ayant été consentis ;
Sur

le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 28 février 2012 :
Vu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les 28 décembre 1991 et 14 mars 1992, Marie X... a souscrit deux contrats d'assurance-vie au bénéfice des époux Y... ; que le 28 juillet 1994, elle leur a fait donation de la nue-propriété de sa maison ; qu'elle a été placée sous tutelle le 15 mai 2000 et qu'elle est décédée le 17 mars 2005 ; que le 20 janvier 2009, les consorts Z...- B..., ses héritiers, ont assigné les époux Y... aux fins d'obtenir l'annulation des actes leur ayant été consentis ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 28 février 2012 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que les consorts Z...- B... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 28 février 2012 mais que leur mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ;
D'où il suit qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 octobre 2012 :
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que les consorts Z...- B... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en annulation sur le fondement de l'article 503 ancien du code civil ;
Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel, qui, sans être tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a estimé que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle, à savoir un état de sénilité cérébrale altérant les facultés mentales de l'intéressée, n'existait pas à l'époque où les actes litigieux avaient été accomplis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que les consorts Z...- B... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, ayant souverainement estimé qu'aucun fait de manipulation n'était démontré à l'encontre des époux Y... a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 901 et 1304 du code civil ;
Attendu que la prescription de l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit engagée par les héritiers ne peut commencer à courir avant le décès du disposant ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en nullité pour insanité d'esprit exercée par les héritiers, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le point de départ du délai de prescription de cinq années est fixé à la date de l'acte de donation, sauf à reporter ce délai en raison d'une impossibilité d'agir, et qu'en l'espèce, la preuve n'est pas rapportée par les consorts Z...- B... que leur cousine ait été dans l'impossibilité d'agir en nullité avant son placement sous tutelle le 15 mai 2000 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de l'action engagée par ces derniers n'avait pu commencer à courir avant le décès de Marie X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 28 février 2012 ;
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action fondée sur les dispositions de l'article 901 ancien du code civil, l'arrêt rendu le 30 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour Mme A... et M. et Mme B...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme A... et les époux B..., héritiers de Mme X..., de leur demande contre M. et Mme Y... en annulation des donations sur le fondement de l'article 503 ancien du code civil ;
Aux motifs que pour poursuivre la nullité du contrat d'assurance-vie du 28 décembre 1991 et de la donation du 28 juillet 1994, les consorts B... soutenaient que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle était l'état de vulnérabilité de Mme X..., laquelle était extrêmement influençable depuis le décès de son mari en 1983 et le suicide de son fils quelques semaines plus tard ; que si Mme X... était décrite en 1999 par des personnes dont M. C..., notaire à Saint-Chamond et M. D..., adjoint aux affaires sociales de cette commune, comme vulnérable, ce qui était confirmé par le docteur E..., médecin psychiatre désigné par ordonnance du juge des tutelles le 14 février 2000, cette vulnérabilité ne constituait pas la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle mais la conséquence d'un état de sénilité cérébrale altérant ses facultés mentales comme l'avait constaté le docteur E... en son rapport ; que les consorts B... ne démontraient pas qu'en décembre 1991 et en juillet 1994, soit neuf et six ans avant son placement en tutelle, Mme X... présentait un état de sénilité cérébrale de nature à altérer l'expression de sa volonté ; qu'eux-mêmes avaient déclaré dans l'instance dirigée contre Mme F... devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne puis devant la cour d'appel de Lyon que Mme X... était parfaitement saine d'esprit lorsqu'elle avait testé en leur faveur le 25 novembre 1999 ; qu'en outre, lors de l'enquête effectuée en avril 2007 par le parquet de Saint-Etienne suite au dépôt de plainte pour abus de faiblesse contre les époux Y..., Me C..., qui avait précisé avoir connu Mme X... au début des années 1990, avait déclaré qu'il s'agissait certes « d'une personne qui faisait plaisir à toute personne qui s'occupait d'elle » mais que c'était une dame ayant toute sa tête et qui savait parfaitement ce qu'elle voulait ; que sa donation aux époux Y... puis son autre testament en faveur de Mme F... avaient été faits sans aucune contrainte ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les époux B... ne pouvaient qu'être déboutés de leur demande en nullité ;
Alors 1°) que les actes antérieurs au jugement d'ouverture de la tutelle peuvent être annulés si la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ; qu'à défaut d'avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'état de sénilité cérébrale de nature à altérer l'expression de la volonté de Mme X... ne résultait pas d'une lettre qu'elle avait écrite en 1995 à ses cousins, M. et Mme G..., dans laquelle elle se présentait comme une personne choisie pour distribuer un tract sur toute la terre indiquant que Dieu avait promis aux personnes âgées de leur donner la jeunesse éternelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 503 ancien du code civil ;
Alors 2°) que l'aveu fait au cours d'une instance précédente et n'opposant pas les mêmes parties n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets ; qu'en s'étant fondée sur une déclaration faite par les consorts Z... dans une instance les ayant opposés à Mme F... devant le tribunal de grande instance de Saint Etienne et devant la cour d'appel de Lyon, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;
Alors 3°) que le principe selon lequel une partie ne pas doit pas se contredire au détriment d'autrui doit concerner les actions opposant les mêmes parties et fondées sur les mêmes conventions ; qu'en s'étant fondée sur les déclarations faites par les consorts Z... lors du litige les ayant opposés à Mme F... concernant un testament fait en sa faveur, la cour d'appel a violé l'article 503 du code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action des consorts B...
A... en annulation des donations sur le fondement de l'article 901 du code civil ;
Aux motifs que cette action ne saurait davantage prospérer dès lors que la preuve n'était pas rapportée par les consorts B... que leur cousine était dans l'impossibilité d'agir en nullité du contrat d'assurance-vie du 28 décembre 1991 et de la donation du 28 juillet 1994 avant son placement sous tutelle le 15 mai 2000 ; que cette action était donc prescrite ;
Alors 1°) que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'insanité d'esprit de Mme X... l'ayant placée dans l'impossibilité d'agir jusqu'à la date de son placement sous tutelle n'était pas établie par la lettre qu'elle avait rédigée en 1995 et adressée à ses cousins, les époux G..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil ;
Alors 2°) que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque ; qu'à défaut d'avoir davantage recherché, comme elle y était aussi invitée, si les consorts B... n'avaient pas été dans l'impossibilité d'agir en annulation jusqu'au décès de Mme X... survenu en 2005, du fait de l'ignorance légitime dans laquelle ils se trouvaient des faits de manipulation dont avait été victime Mme X... établis par de nombreux témoignages versés aux débats (pièces 7 à 17, 22 et 24) émanant de proches ayant constaté que Mme Y... exploitait la faiblesse de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts A...
B... de leur demande en paiement de dommages et intérêts contre les époux Y... ;
Aux motifs qu'aucun fait de manipulation n'était démontré à l'encontre des époux Y..., les plaintes pour abus de faiblesse déposées en 1999 et en 2006 à l'encontre des époux Y... ayant été classées sans suite par le parquet de Saint-Etienne ;
Alors 1°) que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits de manipulation dont Mme X... avait été victime n'étaient pas établis par de nombreux témoignages versés aux débats (pièces n° 7 à 17, 22 et 24) par lesquels était attesté le comportement manipulateur de Mme Y... envers Mme X..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Alors 2°) que le classement sans suite d'une plainte est dépourvu de l'autorité de chose jugée ; qu'en s'étant fondée sur le classement sans suite des plaintes pour abus de faiblesse déposées par les consorts Z... en 1999 et en 2006 à l'encontre des époux Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-35341
Date de la décision : 29/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Nullité - Cas - Insanité d'esprit - Prescription - Délai - Point de départ - Décès du donateur

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 1304, alinéa 1er, du code civil - Donations entre vifs et testaments - Action en nullité - Point de départ - Détermination

La prescription de l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit engagée par les héritiers ne peut commencer à courir avant le décès du disposant


Références :

articles 901 et 1304 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 28 février 2012

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action des héritiers, dans le même sens que :1re Civ., 20 mars 2013, pourvoi n° 11-28318, Bull. 2013, I, n° 56 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jan. 2014, pourvoi n°12-35341, Bull. civ. 2014, I, n° 15
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 15

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Bernard De La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.35341
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