LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 781-1. 2°, du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que si le mandataire gérant remplissant les conditions prévues par ce texte peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, il ne peut, en l'absence de lien de subordination, être assimilé à un cadre salarié et ne peut en conséquence prétendre à la qualification conventionnelle correspondante ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 juillet 2008, n° 06-45.417), que la société Rogaray Val de Loire a conclu le 7 août 1995 un contrat d'engagement confiant à M. X... le mandat de gérer un magasin de vente situé à Cholet ; qu'il a été licencié avec préavis le 19 février 1999 ; que contestant son licenciement, soutenant ne pas avoir perçu toutes les sommes auxquelles il pouvait prétendre au titre de l'exécution de son contrat, et revendiquant notamment l'application de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 14 juin 1988 ainsi que le bénéfice du statut de cadre et le paiement du rappel de salaire et d'indemnités de rupture découlant de ce statut, le gérant a saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits ; que par arrêt du 8 septembre 2006, la cour d'appel d'Angers l'a débouté de l'ensemble de ses demandes aux motifs, d'une part, que la convention collective des commerces de détail non alimentaires n'était pas applicable, d'autre part, que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse ; que cette décision a été cassée par l'arrêt précité, mais seulement en ce qu'elle a dit que la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires n'était pas applicable aux relations de travail entre les parties ;
Attendu que pour dire que le gérant pouvait prétendre à la qualification de cadre niveau VII de la convention collective précitée et aux droits subséquents, la cour d'appel, après avoir relevé que cette convention était applicable en l'espèce et que le contrat de l'intéressé n'était pas, en l'absence de lien de subordination suffisamment caractérisé, un contrat de travail mais un contrat de gérance de succursale en application de l'article L. 781-1 du code du travail, a retenu, d'abord, que les travailleurs visés par ce texte devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 du même code, bénéficient des dispositions de celui-ci, notamment celles du titre V livre II relatif aux conventions collectives, et donc de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie, ensuite, que compte tenu de ses fonctions et de son expérience, le gérant revendiquait à bon droit un salaire équivalent au minimum conventionnel du statut cadre niveau VII ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de lien de subordination existant entre les parties, le gérant du magasin ne pouvait être assimilé à un cadre salarié et donc prétendre au bénéfice de la qualification conventionnelle correspondante, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. X... avait le statut de cadre, niveau VII de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires, ordonne une mesure d'expertise pour déterminer le montant du salaire auquel il pouvait prétendre en conséquence de cette requalification et condamne la société Rogaray Val de Loire au paiement de 1 981,84 euros, outre 198,18 euros de congés payés afférents, à titre de provision à valoir sur le troisième mois de préavis résultant du statut de cadre ainsi reconnu et au paiement de 3 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par le gérant pour refus d'application de ce même statut de cadre, l'arrêt rendu le 25 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef des dispositions cassées ;
Dit n'y avoir lieu à expertise ;
Déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes liées à l'obtention du statut de cadre niveau VII de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires, à savoir provision sur troisième mois de préavis et congés payés afférents, rappel de salaires conventionnels, complément d'indemnité de licenciement correspondant, et dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel ;
Condamne M. X... aux dépens de l'instance de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Rogaray Val de Loire
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Christian X..., gérant de succursale contractuellement soumis aux dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du Travail, avait le statut de « cadre, niveau VII » de la société ROGARAY VAL DE LOIRE, d'avoir ordonné une mesure d'expertise pour déterminer le montant du salaire auquel il pouvait prétendre en conséquence de cette requalification et d'avoir condamné son employeur au paiement de 1.981,84 €, outre 198,18 € de congés payés afférents, à titre de provision à valoir sur le troisième mois de préavis résultant du statut de cadre ainsi reconnu et au paiement de 3.000,00 € de dommagesintérêts au titre du préjudice moral subi par le gérant pour refus d'application de ce même statut de cadre ;
Aux motifs que « Sur la nature du contrat liant les parties.
Aux termes du contrat du 7 août 1995 conclu entre la SARL ROGARAY et Monsieur X..., ce dernier devait assurer la vente de marchandises en dépôt, approvisionnées de manière exclusive par la société ROGARAY qui en demeurait propriétaire, dans une succursale dont cette société était propriétaire.
La SARL ROGARAY qui s'était réservée le suivi de l'activité de la succursale par le biais d'inventaires à intervalles réguliers fixés par elle, et par l'établissement chaque fin de mois de la situation du compte du gérant, et qui imposait les conditions de vente (article III 6° du contrat), reconnaît que les marchandises étaient livrées par elle et que leurs prix étaient imposés à Monsieur X....
Le contrat de gérance prévoyait une rémunération de 3 % sur les ventes encaissées et un fixe de 8000 fr soit 1219,59 euros, avec un minimum garanti mensuel de 13 000 fr soit 1981,83 euros.
Il est ainsi établi que Monsieur X... exerçait à titre personnel et principal une activité de vente de biens exclusivement ou quasi exclusivement fournis par la SARL ROGARAY dans un local dont elle était propriétaire, avec des conditions de vente et de prix imposées par elle.
Cependant, le contrat reconnaissait sous réserve des stipulations ci-dessus énoncées, une indépendance de gestion au gérant lequel fixait les conditions de travail d'hygiène et de sécurité dans son établissement et disposait du droit d'embaucher ou de licencier du personnel avec l'ensemble des obligations incombant aux employeurs à l'égard de ce personnel.
De même il pouvait être autorisé à se faire remplacer provisoirement par une personne de son choix en cas d'incapacité provisoire ou pour convenances personnelles notamment congés, sous son entière responsabilité.
Une note de service versée par Monsieur X... démontre que l'entreprise imposait la fixation des périodes de congés en dehors des mois où les chiffres d'affaires du magasin étaient les plus élevés.
Mais, outre que cette note est manifestement antérieure à 1977, à supposer qu'elle ait été applicable pour la période d'emploi de Monsieur X..., cette note laissait au gérant de succursale la possibilité de fixer ses congés lors des périodes où les chiffres d'affaires n'étaient pas les plus élevés. Ainsi, il n'est pas démontré que la société ROGARAY imposait à ce dernier au-delà de l'obligation précitée, ses dates de congés annuels, celles-ci ne pouvant être confondues avec les consignes d'ouverture ou de fermeture du magasin lors de jours fériés tels que le 1er et 8 mai.
Dès lors, en raison des éléments d'autonomie dont bénéficiait Monsieur X..., qui disposait de la liberté d'embaucher sous sa responsabilité, qui fixait les conditions de travail dans son établissement ainsi que ses propres congés, et qui pouvait être autorisé à se faire remplacer pour convenances personnelles, le contrat litigieux doit être qualifié non pas en un contrat de travail exécuté dans le cadre d'un lien de subordination insuffisamment caractérisé en l'espèce, mais en contrat de gérance salariée de succursale en application des dispositions de l'article L 781-1 devenu l'article L. 7321-1 et suivants du Code du Travail, texte permettant à ce gérant de bénéficier des dispositions du code du travail sans même que soit établie la réalité d'un lien de subordination.
Les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du Code du Travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V Livre II relatif aux conventions collectives et en conséquence bénéficient de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie.
Monsieur X... revendique donc à bon droit la convention collective du commerce de détail non alimentaire applicable à la société ROGARAY.
Le niveau VII de la classification des emplois de cadres suppose une délégation de responsabilité particulière permanente émanant du chef d'entreprise et la possession d'un diplôme particulier ou d'une solide expérience.
Est visée à titre d'exemple la responsabilité totale d'un service ou la responsabilité d'un magasin limitée à des fonctions particulières (mise en oeuvre des moyens et contrôle des résultats).
Or, tel est le cas en l'espèce.
En effet, le gérant de succursale assume sous le contrôle de l'entreprise la responsabilité de la gestion de son établissement dont il fixe les horaires d'ouverture en fonction de ceux de son environnement commercial ; il assure la gestion et la vente des marchandises qui lui sont confiées et qui restent la propriété de l'entreprise, est responsable des inventaires et de la tenue de la comptabilité et a pour objectif le développement du chiffre d'affaires de son magasin.
Monsieur X... a donc bien en charge la responsabilité d'un magasin limitée à des fonctions particulières tenant à la mise en oeuvre des moyens et au contrôle des résultats, dans le cadre d'une délégation de responsabilité particulière permanente.
Au surplus, Monsieur X... justifie d'une expérience depuis le 20 octobre 1989 dans la gérance de succursales vendant au détail des articles de papiers peints et de droguerie.
C'est donc à bon droit qu'il revendique un salaire équivalent au minimum conventionnel du statut cadre niveau VII.
Le jugement qui a ordonné une expertise pour déterminer le salaire conventionnel correspondant à ce statut, à compter de l'embauche soit le 7 août 1995, sera confirmé sur ce point, aucune des parties ne présentant d'éléments de calcul, sauf à elles à les établir par elles mêmes.
Il sera cependant désigné un nouvel expert inscrit sur la liste de la cour d'appel.
L'expertise contribuera à déterminer le montant du troisième mois de préavis qui doit revenir à Monsieur X... au titre de la qualification de cadre, (sauf à lui allouer dès à présent une provision de 1981,84 ¿ et les congés payés afférents, correspondant au salaire mensuel minimum garanti) ainsi que le complément d'indemnité de licenciement découlant aux termes des conclusions de l'intimé du salaire afférent au statut cadre.
L'avance des frais d'expertise sera mise à la charge de Monsieur X... afin de garantir l'effectivité de cette mesure et en raison du fait que celui-ci ne présente strictement aucun décompte permettant d'établir les sommes qu'il a perçues et les minimums conventionnels qu'il aurait pu percevoir, la société ROGARAY soutenant même qu'il aurait perçu davantage que les minimums conventionnels auquel il peut prétendre.
Sur le préjudice moral.
Monsieur X... sollicite la réparation d'un préjudice moral fixé à 30 489,90 euros page 19 de ses écritures, 30 000 € page 34 et 45 000 € page 2 et dans son dispositif.
Alors que les éléments qu'il verse aux débats sont insuffisants pour imputer à l'employeur un préjudice résultant de son déplacement de Rennes à Cholet pour y prendre la gérance de la succursale, ou encore de la signature du contrat de gérance, et de l'attitude de la société ROGARAY au cours de l'exécution du contrat, qui s'est terminé par son licenciement justifié, Monsieur X... justifie du refus de lui reconnaître le statut cadre et de lui appliquer la convention collective du commerce de détail non alimentaire.
Cette méconnaissance des dispositions conventionnelles caractérise un préjudice dont la réparation sera fixée à 3 000 € » ;
Alors que en l'absence de lien de subordination juridique à l'égard de l'employeur, la circonstance tirée du fait qu'une convention collective serait jugée applicable au contrat, soumis aux dispositions de l'article L. 781-1 ancien, recodifié aux articles L. 7321-1 et suivants nouveaux du Code du Travail, liant le gérant d'une succursale à cet employeur ne saurait entraîner la requalification de ce gérant en cadre salarié ; qu'en l'espèce, en jugeant que M. X... avait la qualité de cadre salarié, niveau VII de la Convention Collective Nationale du Commerce de Détail Non Alimentaire, la Cour d'appel, qui a expressément constaté que ce gérant de succursale n'était pas dans un rapport de subordination avec la société ROGARAY VAL DE LOIRE, à laquelle il était lié par un contrat conclu conformément aux termes de l'article L. 781-1 précité mais à l'égard de qui il conservait toute son autonomie et son indépendance, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé le texte susvisé.