LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La chambre de commerce France-Israël,- Le bureau national de vigilance contre l'antisémitisme,- L'association France-Israël,- L'association avocats sans frontières, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 24 mai 2012, qui, pour provocation à la discrimination raciale, a condamné Mme Jocelyne Y..., épouse X... à 1 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Monfort, Buisson, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur les pourvois formés par le bureau national de vigilance contre l'antisémitisme, l'association France-Israël et l'association avocats sans frontières :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi formé par la chambre de commerce France-Israël :
Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique, et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 24 et 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association chambre de commerce France Israël ;
" aux motifs que les dispositions de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 constituant un dispositif dérogatoire au droit commun, et donc d'interprétation restrictive, c'est à bon droit que les premiers juges, constatant que la CCFI avait pour objet social d'« entreprendre toutes les actions, notamment en justice, pour lutter contre toute forme de discrimination commerciale ou boycott », ont déclaré l'action de cette association irrecevable en sa constitution, l'article 48-1 de la loi sur la presse réservant l'action civile des groupements en ce qui concerne le délit prévu par l'article 24 alinéa 8 aux seules associations qui se proposent, par leurs statuts, de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique ou raciale, ce que ne prévoient pas les statuts de la « chambre de commerce France Israël », ce qui sera confirmé par la cour ;
" alors que l'association chambre de commerce France Israël dont les statuts l'autorisent à engager toute action pour lutter contre toute forme de discrimination commerciale ou boycott est recevable à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les incitations à boycotter tous les produits venant d'Israël qui constituent le délit de provocation à la discrimination à la haine ou à la violence, à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 8 juillet 2009 a été mise en ligne sur le site internet " europalestine. com " une vidéo montrant les images d'une manifestation organisée au magasin Carrefour d'Evry par des militants appelant au boycott des produits en provenance d'Israël, scandant des slogans et portant des vêtements dénonçant l'importation de ces produits ; que, sur cette vidéo, un homme tenait des propos en langue anglaise traduits en français dans les termes écrits suivants : " En achetant ces produits vous soutenez l'armée israélienne à tuer les enfants des Palestiniens ; donc vous devez boycotter Israël. Si vous soutenez la paix et la justice, vous devez boycotter ces produits ; vous devez arrêter d'acheter les produits israéliens chacun équivaut à une balle qui va tuer un enfant de Palestine donc boycotter Israël, boycotter Israël, boycotter Israël " ;
Attendu que Mme X..., directeur de publication du site, poursuivie du chef de provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à la nation israélienne, a été relaxée par le tribunal ; que, sur les appels des parties civiles et du procureur de la République, les juges du second degré ont infirmé partiellement le jugement entrepris et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la chambre de commerce France-Israël en énonçant que celle-ci a pour seul objet social d'entreprendre toutes les actions, notamment en justice, pour lutter contre toute forme de discrimination commerciale ou boycott et non de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discriminations fondées sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse comme l'exige l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Que la constitution de partie civile ayant été, à bon droit, déclarée irrecevable, le pourvoi l'est également ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé :
I-Sur les pourvois du bureau national de vigilance contre l'antisémitisme, de l'association France-Israël et de l'association avocats sans frontières :
Les REJETTE ;
II-Sur le pourvoi de la chambre de commerce France-Israël :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mme X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.