LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 11 juillet 2012), que M. X... ayant été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 18 janvier et 3 mai 2011, le liquidateur a saisi le juge-commissaire pour être autorisé à céder le droit au bail commercial que le débiteur avait précédemment acquis de la société Clavic ; que cette dernière, se prévalant d'une clause de réserve de propriété dans l'acte de cession, est intervenue pour s'opposer à la cession et subsidiairement en revendiquer le prix ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Clavic fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ; qu'il peut en solliciter la restitution sans avoir besoin de former une demande de revendication et sans être assujetti à aucun délai ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la société Clavic était forclose en sa demande, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat de cession de droits au bail que la société Clavic avait conclu avec M. X... n'avait pas fait l'objet d'une mesure de publication à l'occasion de son enregistrement auprès du service des impôts des entreprises le 18 juin 2009 et si, par voie de conséquence, il n'était pas exclu que sa demande puisse tomber sous le coup d'une quelconque forclusion, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 624-10, R. 624-14 et R. 624-15 du code de commerce ;
2°/ que le demandeur ne peut se voir opposer aucune forclusion lorsque son droit de propriété a été reconnu sans équivoque par le liquidateur ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acte notarié contenant la clause de réserve de propriété stipulée au profit de la société Clavic a été porté à la connaissance du mandataire liquidateur à l'occasion de la déclaration de créance en date du 3 mars 2011 ; que le liquidateur lui-même visait la clause de réserve de propriété dans la requête qu'il avait introduite devant le juge-commissaire à la procédure collective le 17 octobre 2011 ; que pour autant, il n'avait émis aucune objection quant à la propriété de la société Clavic, ni avant, ni pendant la procédure, et en particulier devant la cour d'appel ; qu'en décidant que la société Clavic était forclose en sa demande, quand il ressortait de ses propres constatations que son droit de propriété résultant de la clause de réserve de propriété stipulée dans le contrat du 12 juin 2009, avait été reconnue sans équivoque par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9, L. 624-10, L. 624-16, R. 624-13, R. 624-14 et R. 624-15 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que seul le propriétaire d'un bien faisant l'objet d'un contrat publié selon les modalités prévues à l'article R. 624-15 du code de commerce est dispensé d'agir en revendication ; que ne répond pas aux exigences de ce texte l'enregistrement du contrat de cession auprès des services des impôts ; qu'il en résulte que la cour d'appel n'était pas tenue de faire la recherche visée à la première branche ;
Attendu, d'autre part, que la reconnaissance par le liquidateur du droit de propriété ne dispense pas le propriétaire du bien détenu par le débiteur d'agir en revendication ;
D'ou il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Clavic fait grief à l'arrêt d'avoir dit que n'ayant pas, dans le délai de trois mois à compter de la parution au Bodacc du jugement de redressement judiciaire, fait valoir sa clause de réserve de propriété, son droit était donc éteint, alors, selon le moyen, que l'absence de revendication, comme la forclusion de l'action en revendication, ont pour seul effet de rendre le droit de propriété inopposable à la procédure collective mais n'entraînent pas extinction du droit de propriété ou transfert de celui-ci au débiteur ; qu'au cas d'espèce, en jugeant au contraire que la forclusion de « l'action en revendication » de la société Clavic avait pour conséquence que son droit de propriété était éteint, les juges du fond ont violé les articles L. 624-9, L. 624-16 et R. 624-13 du code de commerce, ensemble les articles 544 et 545 du code civil ;
Mais attendu que le juge-commissaire s'étant borné dans le dispositif de l'ordonnance à prendre acte de ce que " la SARL CLAVIC dans le délai de trois mois à compter de la parution au BODACC du jugement de redressement judiciaire n'a pas fait valoir sa clause de réserve de propriété, que son droit est donc éteint», il n'a pas jugé que le droit de propriété de la société Clavic était éteint ; que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Clavic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Clavic.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société Clavic irrecevable en sa demande en application des dispositions de l'article L. 624-13 du code de commerce, d'AVOIR, en conséquence, autorisé la vente à Mme Y... des droits au bail commercial des locaux situés ... et d'AVOIR dit que la société Clavic n'avait pas fait valoir sa clause de réserve de propriété dans le délai de trois mois à compter de la parution au Bodacc du jugement de redressement judiciaire et que son droit était donc éteint ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, la société Clavic indique avoir procédé à une déclaration de créance par lettre recommandée en date du 3 mars 2011 pour un montant de 40 293.03 euros auprès de Me Z... et avoir dénoncé à ce dernier l'acte de cession du 12 juin 2009 subordonnant le transfert de propriété des droits au bail au profit du cessionnaire au paiement intégral du prix ; qu'elle fait valoir que la clause de réserve de propriété emportant exercice d'un droit réel et non personnel, M. X... n'est jamais devenu propriétaire du droit au bail que Me Z... ès-qualités entend céder car l'intégralité du prix de cession n'a pas été réglé ; qu'elle en déduit que le mandataire judiciaire ne pouvait pas être autorisé à procéder à la vente d'un bien qui n'est jamais entré dans le patrimoine du débiteur ; que la SARL Clavic se prévaut des dispositions de l'article L. 624-16 du code du commerce lui permettant de revendiquer le bien vendu avec une clause de réserve de propriété, et à tout le moins des dispositions de l'article L.624-18 du code de commerce autorisant la revendication du prix ou d'une partie des biens faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété ; qu'elle reproche au juge commissaire d'avoir considéré que la déclaration de créance effectuée dans les trois mois du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne pouvait pas être assimilée à une demande de revendication ; qu'elle souligne au demeurant que la revendication du vendeur, bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété, n'est pas subordonnée à la déclaration de créance du prix de vente à la procédure collective ; qu'en prenant soin de déclarer sa créance en dénonçant l'acte du 12 juin 2009, elle indique avoir exprimé son désir de préserver ses droits dans la procédure ; que la société Clavic ajoute qu'au vu des dispositions de l'article L.624-10 du code de commerce elle était dispensé de faire reconnaître son droit de propriété, dès lors que le contrat portant sur le bien concerné avait fait l'objet d'une publicité ; qu'elle effet l'acte du 12 juin 2009 reçu sous la forme notariée, portant cession de droit au bail entre la société Clavic et M. Olivier X... avait été soumis à la formalité de l'enregistrement effectué au service des impôts des entreprises de Moulins le 18 juin 2009, suivant bordereau de 1009/774N°2 ; qu'elle en déduit que le formalisme de l'action en revendications ne lui serait pas opposable et que l'envoi de la déclaration de créance au mandataire liquidateur le 3 mars 2011 devait permettre la préservation de ses droits, d'autant qu'elle avait dénoncé l'acte de cession renfermant la clause de réserve de propriété ; qu'il est constant que Me Z... a eu connaissance de la clause de réserve de propriété figurant dans l'acte du 12 juin 2009, d'autant qu'il l'a lui-même visée dans la requête déposée le 17 octobre 2011 devant le juge commissaire ; que si la dénonciation de l'acte notarié contenant la clause de réserve de propriété en date du 12 juin 2009 par la société Clavic à l'occasion de sa déclaration de créance du 3 mars 2011 peut être assimilée à une revendication intervenue dans le délai de 3 mois suivant la publication de la procédure (publication du jugement de redressement judiciaire au Bodacc le 2 février 2011 et publication du jugement déclaratif de liquidation judiciaire au Bodacc du 24 mai 2011), elle n'était pas formalisée de façon suffisamment explicite pour permettre à la société Clavic de se prévaloir de l'existence d'un acquiescement tacite de la part de Me Z... èsqualités de mandataire judiciaire du débiteur ; qu'à défaut d'acquiescement du mandataire à la demande de revendication dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, il appartenait au juge-commissaire de statuer sur la revendication ; que la saisine du juge commissaire par la société Clavic devait intervenir au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse, et ce, sous peine de forclusion, conformément aux dispositions de l'article R.624-13 du code de commerce ; que ce recours n'ayant pas été exercé dans le délai imparti, la forclusion atteint le propriétaire dans le cadre de la revendication du bien concerné par la clause de réserve de propriété ; qu'elle joue également pour la revendication du prix ; qu'en conséquence, c'est par des motifs pertinents que le juge commissaire a déclaré la SARL Clavic irrecevable en ses demandes et a autorisé la cession des droits au bail sollicitée alors que les délais ouverts au vendeur pour l'exercice de la revendication étaient expirés sans mise en oeuvre des recours ; que la cession régularisée par l'acte du 12 juin 2009 était parfaite par l'effet de l'accord sur la chose et sur le prix intervenu entre les parties ; qu'elle ne constituait pas un contrat en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective ; que la clause de réserve de propriété au terme de laquelle les parties sont convenues d'un report volontaire du transfert de propriété jusqu'à complet paiement du prix s'analyse en un mécanisme de sûreté ouvrant au profit du vendeur une faculté de revendication du bien cédé en garantie du paiement du prix, sans entraîner la résolution du contrat de vente ; que les modalités d'exercice de la revendication par le vendeur, encadrées par la règlementation en matière de procédure collective, n'ayant pas été respectées en l'espèce, la société Clavic encourt la forclusion entraînant l'irrecevabilité des demandes présentées tardivement devant le juge commissaire ;
1) ALORS QUE le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ; qu'il peut en solliciter la restitution sans avoir besoin de former une demande de revendication et sans être assujetti à aucun délai ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la société Clavic était forclose en sa demande, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat de cession de droits au bail que la société Clavic avait conclu avec M. X... n'avait pas fait l'objet d'une mesure de publication à l'occasion de son enregistrement auprès du service des impôts des entreprises le 18 juin 2009 et si, par voie de conséquence, il n'était pas exclu que sa demande puisse tomber sous le coup d'une quelconque forclusion, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 624-10, R. 624-14 et R. 624-15 du code de commerce ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le demandeur ne peut se voir opposer aucune forclusion lorsque son droit de propriété a été reconnu sans équivoque par le liquidateur ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acte notarié contenant la clause de réserve de propriété stipulée au profit de la société Clavic a été porté à la connaissance du mandataire liquidateur à l'occasion de la déclaration de créance en date du 3 mars 2011 ; que Me Z... lui-même visait la clause de réserve de propriété dans la requête qu'il avait introduite devant le juge commissaire à la procédure collective le 17 octobre 2011 ; que pour autant, il n'avait émis aucune objection quant à la propriété de la société Clavic, ni avant, ni pendant la procédure, et en particulier devant la cour d'appel ; qu'en décidant que la société Clavic était forclose en sa demande, quand il ressortait de ses propres constatations que son droit de propriété résultant de la clause de réserve de propriété stipulée dans le contrat du 12 juin 2009, avait été reconnue sans équivoque par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9, L. 624-10, L. 624-16, R. 624-13, R. 624-14 et R. 624-15 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Clavic n'ayant pas, dans le délai de trois mois à compter de la parution au Bodacc du jugement de redressement judiciaire, fait valoir sa clause de réserve de propriété, son droit était donc éteint ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des dispositions des articles L.624-9 et L.624-13 du code de commerce que les demandes de revendication sont adressées dans un délai de 3 mois à compter du jugement d'ouverture de la procédure par LRAR au débiteur avec copie au Mandataire judiciaire désigné ; que si la société Clavic a procédé à une déclaration de créance auprès du Mandataire judiciaire dans un délai de 2 mois à compter de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure, c'est conformément aux dispositions de l'article 622-24 du code de commerce ; qu'en effet la demande en revendication est une procédure autonome puisque selon les dispositions applicables, il existe un formalisme différent tant en terme de délai qu'en terme de destinataires compétents pour recevoir les envois du créancier ou du revendiquant ; qu'ainsi il n'est pas justifié qu'une revendication ait été adressée au débiteur par la société Clavic, par LRAR ; qu'il n'est pas justifié qu'une copie de cette demande ait été adressée au Mandataire judiciaire par la société Clavic ; que l'envoi de la déclaration de créance produite auprès du mandataire judiciaire ne correspond pas à une revendication (qui aurait été adressée d'ailleurs à une personne incompétente), étant en outre précisé également que ladite déclaration de créance ne fait que mention de « l'acte notarié reçu par MeROUVET, notaire à Cusset, en date du 12 juin 2009) » joint au courrier et ne fait pas état d'une revendication quelconque ; qu'ainsi la déclaration de créance de la société Clavic faite auprès du mandataire judiciaire ne saurait constituer une action en revendication produite conformément aux dispositions du code de commerce ;
ALORS QUE l'absence de revendication, comme la forclusion de l'action en revendication, ont pour seul effet de rendre le droit de propriété inopposable à la procédure collective mais n'entraînent pas extinction du droit de propriété ou transfert de celui-ci au débiteur ; qu'au cas d'espèce, en jugeant au contraire que la forclusion de « l'action en revendication » de la société Clavic avait pour conséquence que son droit de propriété était éteint, les juges du fond ont violé les articles L. 624-9, L. 624-16 et R. 624-13 du code de commerce, ensemble les articles 544 et 545 du code civil.