LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Eiffage construction Maine-et-Loire (la société), a été victime le 25 octobre 2005 d'un accident qui a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, devenue la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire (la caisse), puis a été reconnu comme étant dû à la faute inexcusable de l'employeur ; que l'intéressé a demandé l'indemnisation des préjudices résultant de cet accident ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 431-1, 1°, et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes, figurant au chapitre I du titre III du livre IV du code de la sécurité sociale, qu'en cas d'accident du travail, les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ; que si le second, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable la victime peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux qui y sont énumérés, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour condamner la société à payer à l'intéressé la somme de 35 452,29 euros au titre des frais divers consécutifs à son accident, notamment, ceux relatifs aux frais de changes et d'alèses, de frais de table de lit et de fauteuil, l'arrêt retient que l'expert indique que la table de lit, le fauteuil électrique complémentaire ou de repos, les changes, les alèses et le savon n'ont pas été pris en charge au titre des prestations de sécurité sociale, ce jusqu'à la date de consolidation ; que les frais de changes, d'alèses et de savon sont de nature à devoir persister après la consolidation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces frais constituent des dépenses de santé et d'appareillage au sens de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, couverts par le livre IV et ne pouvant, dès lors, donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'article L. 452-3, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 452-3, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale ;
Attendu que, selon ce texte, la réparation des préjudices allouée à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement à la victime par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;
Attendu que l'arrêt énonce que la caisse n'aura pas à avancer les sommes allouées au titre des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, qui seront versées à la victime directement par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement, d'une part, en ce qu'il a condamné la société Eiffage construction Maine-et-Loire à payer à M. X... la somme de 35 452,29 euros, d'autre part, en ce qu'il a dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire n'aurait pas à avancer les sommes allouées à la victime au titre des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 21 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage construction Maine-et-Loire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage construction Maine-et-Loire.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société EIFFAGE CONSTRUCTION MAINE ET LOIRE à payer à Monsieur X... la somme de 35 452,29 euros au titre des frais divers, préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE l'expert indique que la table de lit, le fauteuil électrique complémentaire ou de repos, les changes, les alèses et le savon n'ont pas été pris en charge au titre des prestations de sécurité sociale, ce jusqu'à la date de consolidation ; que les frais de changes, d'alèses et de savon sont de nature à devoir persister après la consolidation ; que les frais de changes avant consolidation s'établissent à 150 euros x 4,5 = 675 euros et après consolidation, après application des barèmes de capitalisation, compte tenu de l'âge de Monsieur X..., à la somme de 150 x 12 x 18,756 = 33 760,80 euros ; que le coût de la table de lit est justifié pour 69 euros et celui du fauteuil pour 590 euros ; celui de sacs d'alèses pour 358,10 euros ;
ALORS QUE, D'UNE PART, les frais de changes et d'alèses constituent des dépenses de santé actuelles et futures au sens de l'article L. 431-1-1° du Code de la sécurité sociale, si bien que les dommages dont la victime réclamait réparation à ce titre étaient déjà couverts et indemnisés au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, en jugeant que les frais de changes et d'alèses pouvaient donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la Cour d'appel a violé le domaine de cette disposition ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les frais de table de lit et de fauteuil constituent des dépenses de santé et d'appareillage au sens de l'article L. 431-1-1° du Code de la sécurité sociale, si bien que les dommages dont la victime réclamait réparation à ce titre étaient déjà couverts et indemnisés au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, en jugeant que les frais de table de lit et de fauteuil pouvaient donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2010, la Cour d'appel a méconnu cette disposition.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la Caisse primaire d'assurance maladie d'ANGERS n'aura pas à avancer les sommes de 35 452,29 euros et de 7 672 euros non couvertes par le livre IV du Code de la sécurité sociale, qui seront versées directement par l'employeur à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE, en l'état actuel du droit, la Caisse primaire d'assurance maladie du Maine et Loire oppose à juste titre qu'elle n'a pas à faire l'avance des indemnités destinées à réparer des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE la réparation des préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale dans le cadre de l'application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel, reste soumise aux règles d'ensemble régissant le dispositif propre à la réparation des accidents du travail, et en particulier à l'obligation pour les organismes sociaux de préfinancer les postes de préjudice et de prendre en charge les indemnités correspondantes, sauf à en récupérer le montant auprès de l'employeur, si bien qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, dernier alinéa.