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11/09/2013 | FRANCE | N°12-26180

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 septembre 2013, 12-26180


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par acte sous seing privé du 2 septembre 2008, la société Compagnie européenne portuaire et d'aménagement (CEPA) s'est engagée à céder à la société CF Partners la totalité des actions qu'elle détenait composant le capital social de la société du Yacht club international Marina Baie des Anges, à un prix fixé, et susceptible de révision en fonction de la situation nette comptable au jour de la cession définitive ; que la vente a été signée le 6 mars

2009, que les parties n'ayant pu se mettre d'accord sur cette situation à la da...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par acte sous seing privé du 2 septembre 2008, la société Compagnie européenne portuaire et d'aménagement (CEPA) s'est engagée à céder à la société CF Partners la totalité des actions qu'elle détenait composant le capital social de la société du Yacht club international Marina Baie des Anges, à un prix fixé, et susceptible de révision en fonction de la situation nette comptable au jour de la cession définitive ; que la vente a été signée le 6 mars 2009, que les parties n'ayant pu se mettre d'accord sur cette situation à la date prévue contractuellement, la société CF Partners a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage stipulée dans l'acte de cession ; que l'arbitre unique, qui a accepté sa mission le 26 octobre 2009, a rendu sa sentence le 30 juin 2010, aux termes de laquelle il a décidé que le prix de cession devait être diminué d'une certaine somme ; que la société CEPA a formé un recours en annulation de la sentence arbitrale ; que le premier arrêt a rejeté le recours et condamné la société CF Partners à régler à la société CEPA la somme de 393 343,54 euros, majorée du taux contractuel de 8 % l'an, à compter du 30 juin 2010 ; que le second a rectifié les erreurs matérielles l'affectant en ce qu'il intervertissait les noms des parties ;
Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :
Attendu que la société CEPA fait grief aux arrêts de la débouter de son recours en annulation de la sentence arbitrale ;
Attendu qu'ayant constaté qu'au-delà du délai légal de six mois du jour où l'arbitre unique avait accepté sa mission, la société CEPA avait adressé à celui-ci plusieurs lettres d'observations sur le projet de sentence qu'il lui avait soumis, sans invoquer l'expiration du délai, la cour d'appel a retenu à bon droit que la société CEPA avait manifesté sa volonté de participer à l'arbitrage jusqu'au prononcé de la sentence, de sorte qu'elle n'était pas recevable à se prévaloir d'une quelconque irrégularité du chef de la prorogation du délai ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1487, alinéa 1er, et 1498, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir conféré l'exequatur à la sentence arbitrale, l'arrêt a condamné la société CEPA à régler à la société CF Partners la somme que lui avait allouée l'arbitre, en l'assortissant des intérêts au taux contractuel de 8 % l'an, à compter du 30 juin 2010, date de la sentence ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel saisie d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale ne peut modifier la décision rendue par l'arbitre en y ajoutant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont condamné la société CEPA à régler à la société CF Partners la somme de 393 343,54 euros, majorée du taux contractuel de 8 % l'an, à compter du 30 juin 2010, les arrêts rendus les 21 juin 2012 et 5 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société CF Partners aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CF Partners à payer à la société CEPA la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne portuaire et d'aménagement
Le premier moyen de cassation fait grief aux arrêts attaqués (arrêt du 21 juin 2012 rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2012) d'avoir débouté la société CEPA de son recours en nullité de la sentence arbitrale rendue par Monsieur X... le 30 juin 2010,
Aux motifs qu'« aux termes de l'article 1484 du code de procédure civile dans ses dispositions en vigueur au 30 juin 2010, lorsque les parties ont renoncé à l'appel un recours en annulation de la sentence arbitrale peut néanmoins être formé malgré toute stipulation contraire dans six cas limitativement énumérés, le premier étant lorsque l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ; qu'en l'absence de fixation de délai, la mission de l'arbitre ne dure que six mois à compter du jour où l'arbitre a accepté sa mission ; que ce délai peut être tacitement prorogé par les parties ; qu'en l'espèce Monsieur X... avait jusqu'au 26 avril 2011 inclus pour rendre sa sentence arbitrale ; mais que la société CEPA arrêt rectificatif , qui a confié sa défense à un autre conseil, a adressé les 4 mai et 20 mai 2010 à Monsieur X... ses observations sur le contenu du projet de sentence arbitrale du 18 avril 2010, qu'elle développait dans un mémoire détaillé de 10 pages ; qu'elle contestait l'existence des trois provisions figurant au bilan de cession soutenant qu'il lui était dû un complément de prix et sollicitait de l'arbitre qu'il prononce une décision de sursis à statuer jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la cour sur l'appel du jugement du tribunal de commerce d'ANTIBES du 5 février 2010 ; qu'en discutant de la sorte, après l'expiration du délai de six mois, le projet de sentence arbitrale soumis aux parties, sans ne faire aucune remarque directe ou indirecte sur le dépassement de ce délai et l'éventuelle cessation des fonctions d'arbitre en résultant, et en sollicitant en outre de Monsieur X... qu'il prenne une décision de sursis à statuer, ce qui ne pouvait que suspendre le délai d'arbitrage, la société CEPA arrêt rectificatif a tacitement accepté de proroger ledit délai ; que la mention, dans le mémoire du 4 mai, de l'article 1484, après rappel que la sentence serait sans appel et devrait respecter le principe du contradictoire, et encore dans son mémoire du 20 mai dans lequel elle soutient que ce changement de conseil était son droit absolu et nullement un moyen dilatoire, et fait valoir que son conseil, au regard de l'appel sur le contentieux opposant la société SYCIM à la société ADAMA BEACH, s'était permis de suggérer un sursis à statuer « pour éviter éventuellement toute difficulté qui pourrait entraîner l'application de l'article 1484 du CPC », ne constitue pas une opposition, ni même une réserve, à la prorogation du délai et n'entache pas d'équivoque ladite acceptation ; qu'il s'ensuit que la société CEPA arrêt rectificatif sera déboutée de son recours en annulation de la sentence arbitrale du 30 juin 2010 fondé sur l'intervention d'une sentence après l'expiration du délai de 6 mois » ;
Alors que, d'une part, si une clause compromissoire ne stipule aucun délai, la sentence arbitrale doit intervenir dans les six mois de la constitution du tribunal arbitral ou de l'acceptation de sa mission par l'arbitre, sauf prorogation conventionnelle ou judiciaire ; qu'une sentence arbitrale rendue hors délai est entachée de nullité et ouvre la voie à un recours en annulation ; qu'en rejetant le recours en annulation formé par la société CEPA tout en constatant que l'arbitre n'avait pas rendu sa décision dans le délai de six mois, sans constater l'accord des parties pour proroger ce délai, la cour d'appel a violé l'article 1456 du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, le silence ne vaut pas acceptation ; qu'en se fondant sur le fait que la société CEPA n'aurait pas invoqué dans ses échanges avec l'arbitre le dépassement du délai imparti pour rendre sa décision pour en déduire l'accord de la société CEPA pour proroger ce délai, la cour d'appel a violé l'article 1456 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, on ne peut renoncer par avance à un droit qui n'est pas encore né ; qu'en l'espèce, l'arbitre Monsieur X... devait rendre sa sentence avant le 26 avril 2011 mais ne l'a rendue que le 30 juin 2010 ; qu'en se fondant, pour décider que la société CEPA ne pouvait invoquer la nullité de cette sentence, sur des actes antérieurs à celle-ci tirés du fait que la société n'aurait pas, lors de ses échanges avec l'arbitre, opposé à ce dernier la méconnaissance des délais, la cour d'appel a violé l'article 1484 du code de procédure civile.
Le second moyen de cassation, subsidiaire, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en application de l'article 1490 du code de procédure civile, le rejet du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence arbitrale du 30 juin 2010, et d'avoir condamné en conséquence la société CEPA à régler à la société SNC CF PARTNERS la somme de 393.343,54 ¿, majorée du taux contractuel de 8 % l'an, à compter du 30 juin 2010,
Aux motifs qu'« en application de l'article 1490 du code de procédure civile, le rejet du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence arbitrale du 30 juin 2010 ; que la société CEPA arrêt rectificatif sera en conséquence condamnée à régler à la société SNC CF PARTNERS arrêt rectificatif la somme de 393.343,54 euros, majorée du taux contractuel de 8 % l'an, à compter du 30 juin 2010 date de la sentence arbitrale en application de l'article 5.1.3 du protocole de cession » ;
Alors que, d'une part, le juge de l'exequatur d'une sentence arbitrale ne peut modifier la décision rendue par les arbitres et, notamment, ajouter une condamnation ; qu'en l'espèce, l'arbitre a décidé, dans sa sentence, que le prix de cession devait être diminué d'un montant total de 393.343,54 ¿ ; qu'en jugeant que la société CEPA devait être condamnée à régler à la société CF PARTNERS la somme de 393.343,54 ¿, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à conférer l'exequatur à la sentence arbitrale mais y a ajouté, a violé les articles 1477, 1478 et 1490 du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, le juge de l'exequatur d'une sentence arbitrale ne peut modifier la décision rendue par les arbitres et, notamment, ajouter une condamnation ; qu'en l'espèce, l'arbitre a décidé, dans sa sentence, que le prix de cession devait être diminué d'un montant total de 393.343,54 ¿ ; qu'en jugeant que la société CEPA devait être condamnée à régler à la société CF PARTNERS la somme de 393.343,54 ¿, majorée du taux contractuel de 8 % l'an à compter de cette sentence, la cour d'appel a derechef violé les articles 1477, 1478 et 1490 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-26180
Date de la décision : 11/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARBITRAGE - Sentence - Exequatur - Pouvoirs du juge - Modification d'une sentence arbitrale - Impossibilité - Cas - Fixation d'intérêts contractuels

Il résulte des articles 1487, alinéa 1er, et 1498, alinéa 2, du code de procédure civile que le juge de l'exequatur d'une sentence arbitrale ne peut modifier celle-ci, de sorte qu'il ne peut notamment pas condamner une partie à verser la somme fixée par l'arbitre en l'assortissant des intérêts contractuels


Références :

article 1487, alinéa 1er, du code de procédure civile

article 1498, alinéa 2, du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 juin 2012

Sur la reconnaissance du principe que le juge de l'exequatur ne peut modifier une sentence arbitrale en y ajoutant une condamnation, à rapprocher de :1re Civ., 9 juin 1982, pourvoi n° 80-10798, Bull. 1982, I, n° 215 (cassation) ;

1re Civ., 14 décembre 1983, pourvoi n° 82-14089, Bull. 1983, I, n° 295 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 sep. 2013, pourvoi n°12-26180, Bull. civ. 2013, I, n° 160
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 160

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: M. Matet
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26180
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