LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Z...
Y... se sont mariés le 5 avril 1985 ; que, par jugement du 1er avril 2008, un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des époux par consentement mutuel et homologué la convention de divorce prévoyant notamment le versement par M. X... d'une prestation compensatoire en capital de 272 000 euros sous la forme, d'une part, du règlement de la somme de 200 000 euros lors de la vente d'une maison lui appartenant et au plus tard le 30 septembre 2008, sans intérêts jusqu'à cette date et avec intérêts au taux légal au-delà, d'autre part, de versements périodiques du solde en 120 mensualités, dès le premier mois suivant le prononcé du divorce, avec indexation ; que, par requête du 23 novembre 2010, M. X... a saisi un juge aux affaires familiales aux fins de voir réviser les modalités de paiement du capital de la prestation compensatoire et que Mme Z...
Y... a reconventionnellement demandé qu'il soit condamné, sous astreinte, à souscrire un contrat garantissant le montant de la prestation compensatoire en application de l'article 277 du code civil ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 275, 2e alinéa, et 279, 3e alinéa, du code civil ;
Attendu que, pour condamner, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, M. X... à souscrire un contrat garantissant le paiement du capital restant dû, l'arrêt retient que le débiteur ne s'est pas acquitté en totalité, dans les délais impartis par la convention de divorce, du versement du capital en numéraire de la prestation compensatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf nouvelle convention modifiant la convention de divorce homologuée lors de son prononcé, seule la révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire en capital peut être ordonnée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à souscrire un contrat garantissant le paiement du capital restant dû à Mme Z...
Y..., au titre de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 15 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de modification des modalités de paiement de la prestation compensatoire présentée par Monsieur X...,
AUX MOTIFS QUE « les parties sont convenues d'une prestation compensatoire au bénéfice de Madame Z...
Y... sous la forme d'un capital de 272 000 euros payable en un versement de 200 000 euros suite à la vente de l'immeuble de Nantes de Monsieur X... et par 120 mensualités de 600 euros et sans prévoir de possibilité de révision de la prestation compensatoire. L'appelant sollicite donc en cause d'appel la modification des modalités de paiement de cette prestation compensatoire en précisant que suite à la vente de l'immeuble de Nantes, il a été réglé à Madame Z...
Y... une somme de 109 544, 09 euros et en souhaitant s'acquitter du reliquat sous la forme de versements mensuels durant vingt ans. A l'appui de ses prétentions, il fait valoir les dispositions de l'article 279 alinéa 3 qui prévoient notamment que l'article 275 alinéa 2 est applicable aux prestations prévues par convention. Ledit alinéa précise qu'en cas de changement important de sa situation, le débiteur peut demander la révision des modalités de paiement d'un capital, dont le versement a été prévu sous forme de versements périodiques, à titre exceptionnel, le juge pouvant alors par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans. Force est de constater que la demande de Monsieur X... ne tend pas à la simple modification des modalités de paiement de la prestation compensatoire mais constitue une révision du montant même du capital pour lequel des versements périodiques avaient été retenus par les parties ; sa demande doit donc être déclarée irrecevable. Le jugement déféré sera donc confirmé pour avoir déclaré irrecevables les demandes de Monsieur X... » (arrêt, p. 2 et 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article 1134 du Code civil dispose : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ". L'art. 279 du Code civil relatif à la convention de divorce par consentement mutuel dispose : " La convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice. Elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre des époux, également soumise à homologation. Les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire. Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 275 ainsi qu'aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital ou d'une rente temporaire ou viagère. Sauf disposition particulière de la convention, les articles 280 à 280-2 sont applicables. " En l'espèce, la convention de divorce par consentement mutuel datée du 21 décembre 2007, présentée par les époux demandeurs au divorce par requête du même jour, homologuée par le jugement de divorce en date du 1er avril 2008, ne prévoit dans aucune de ses dispositions la révision de la prestation compensatoire. L'article 276-3 du Code civil dispose enfin : " La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties. La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. " Il convient de constater à cet égard que la prestation compensatoire prévue par M. Pierre X... et Mme Ana Z...- Y... n'a aucunement été prévue sous forme de rente mais bien " sous la forme d'un capital " versé en un versement de 200. 000 euros d'une part, de 120 mensualités de 600 euros chacune d'autre part, ces mensualités prévues n'apparaissant pas pouvoir s'analyser comme une rente mais bien comme des versements périodiques à hauteur de 72. 000 euros pour atteindre la totalité du capital conventionnellement fixé. En conséquence il y a lieu de constater l'irrecevabilité de la demande de révision de la prestation compensatoire conventionnellement fixée » (jugement, p. 3 et 4),
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ;
Que Monsieur X... devait verser à Madame Z...
Y... une prestation compensatoire d'un montant de 272 000 euros ; qu'en raison d'une importante modification de sa situation professionnelle et familiale, et d'une évolution à la baisse du marché de l'immobilier qui avait engendré une diminution du prix de vente d'un immeuble devant servir à financer la prestation compensatoire, Monsieur X... sollicitait « la modification des modalités de paiement de la prestation compensatoire », en application de l'article 275, alinéa 2, du code civil ;
Qu'en décidant cependant, pour déclarer sa demande irrecevable, que Monsieur X... solliciterait « une révision du montant même du capital » de la prestation compensatoire, lorsqu'il se bornait à solliciter une révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;
Que Monsieur X... sollicitait, en application de l'article 275, alinéa 2, du code civil, une modification des modalités de paiement de la prestation compensatoire ; qu'il faisait notamment valoir que la maison d'habitation de Nantes avait été vendue à une valeur inférieure à celle envisagée par les époux lors de la fixation de la prestation compensatoire et que ses revenus avaient très sensiblement diminué depuis le prononcé du divorce ;
Qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs, pourtant péremptoires, des conclusions de Monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... devra souscrire un contrat garantissant le paiement du capital restant dû à Madame Z...- Y... au titre de la prestation compensatoire, et ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt,
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... a initié la procédure relative au paiement de la prestation compensatoire mise à sa charge, et que Madame Z...- Y... est bien fondée à titre reconventionnel à former une demande afin d'en garantir le paiement effectif. Qu'il doit être rappelé qu'aux termes de l'article 277 du code civil, le juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. Que le divorce par consentement mutuel des parties, homologuant la convention prévoyant cette prestation, a été prononcé le 1er avril 2008. Que le versement de 200 000 euros devant être opéré à la suite de la vente de l'immeuble de Nantes et au plus tard le 30 septembre 2008 s'est limité à la somme de 109 544, 09 euros en fin 2009 et puisque Monsieur X... avait notamment contracté le 3 juin 2009 un prêt professionnel dont le montant a été déduit du prix de vente. Dans ces circonstances, la constitution par le débiteur d'une garantie pour le paiement de la prestation s'impose ; le premier juge a fait une parfaite analyse de la situation, prévoyant la souscription par Monsieur X... d'un contrat garantissant ledit paiement ; cette disposition assortie d'une astreinte sera donc confirmée » (arrêt, p. 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 277 du Code civil dispose : " Indépendamment de l'hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital ". La créancière justifie de manoeuvres du débiteur pour se soustraire à l'exécution de son obligation de versement du capital conventionnellement fixé s'imposant aux parties et, en particulier, de la souscription d'un prêt le 3 juin 2009 dont le montant a été déduit du montant du prix de vente de l'immeuble qui devait être en tout affecté au versement de la prestation compensatoire à concurrence de la somme due fixée dans la convention judiciairement homologuée ;- d'un protocole d'accord en date du 11 septembre 2009 qui n'a pas été appliqué par le débiteur, celui-ci cessant tout versement dès le début de l'année suivante. Nonobstant la demande subsidiaire du demandeur de versement du capital en 240 mensualités (20 ans), il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de la défenderesse demanderesse reconventionnelle, selon les modalités figurant au dispositif du présent jugement » (jugement, p. 4),
1°) ALORS QUE la demande de modification des garanties imposées au conjoint assurant le paiement d'une prestation compensatoire constitue une demande de révision de la prestation compensatoire ;
Que le divorce par consentement mutuel des époux X... a été prononcé par jugement du 1er avril 2008 homologuant leur convention de divorce ; que cette convention de divorce prévoyait que Monsieur X... verserait à Madame Z...- Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 272 000 euros sans constitution de garantie ;
Qu'en décidant cependant de modifier les termes de cette convention et de condamner Monsieur X... à souscrire un contrat garantissant le paiement de la prestation compensatoire sous astreinte, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 277 du code civil ;
2°) ALORS QUE la convention de divorce homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice et elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux, également soumise à homologation ;
Que la convention de divorce des époux X..., homologuée par jugement du 1er avril 2008, ne prévoyait pas de constitution de garantie par Monsieur X... au profit de Madame Z...- Y... ;
Qu'en décidant cependant de modifier les termes de la convention de divorce et de condamner Monsieur X... à souscrire un contrat garantissant le paiement de la prestation compensatoire sous astreinte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 279 du code civil.