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11/06/2013 | FRANCE | N°12-12738

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juin 2013, 12-12738


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Monte Paschi banque en 1991, a été licencié pour faute grave le 6 février 1995 ; qu'une transaction a été conclue sur les conséquences du licenciement le 12 avril 1995 ; que le 4 février 2009, M. X... a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'annulation de la transaction et du licenciement et d'indemnisation, en invoquant la violation du statut protecteur lié au mandat d'administrateur de caisse d'allocation familiale dont il était titulair

e au moment de son licenciement.
Sur le premier moyen :
Attendu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Monte Paschi banque en 1991, a été licencié pour faute grave le 6 février 1995 ; qu'une transaction a été conclue sur les conséquences du licenciement le 12 avril 1995 ; que le 4 février 2009, M. X... a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'annulation de la transaction et du licenciement et d'indemnisation, en invoquant la violation du statut protecteur lié au mandat d'administrateur de caisse d'allocation familiale dont il était titulaire au moment de son licenciement.
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Monte Paschi banque fait grief à l'arrêt de dire nuls le licenciement et la transaction qui l'a suivi, alors, selon le moyen, qu'en ne répondant pas aux écritures de la Société Monte Paschi Banque faisant valoir que M. X..., assisté d'un conseil pendant l'intégralité de la négociation du protocole et au moment de sa signature, avait nécessairement connaissance des conséquences juridiques attachées à son statut protecteur, et s'était rendu coupable, dans la négociation, d'une fraude qui le privait du droit de revendiquer le bénéfice de ce statut, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que l'employeur avait connaissance du mandat exercé par l'intéressé notamment par les documents reçus de la Caisse d'allocations familiales au titre du remboursement relatif aux absences du salarié, n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen soulevé d'office après avis adressé aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 2411-18 du code du travail et L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour condamner la société à verser au salarié une somme équivalant à vingt-six mois de salaire au titre de la violation du statut protecteur, la cour d'appel énonce que le salarié qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu est en droit d'obtenir le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours ;
Attendu cependant que le salarié licencié en violation de son statut protecteur et qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection s'il présente sa demande d'indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixée par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu'il introduit sa demande après l'expiration de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le statut protecteur du salarié, licencié le 6 février 1995, avait pris fin en mars 1997, et qu'il avait introduit sa demande en février 2009, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Monte Paschi banque au paiement d'une somme de 136 286, 02 euros au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 30 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Monte Paschi banque
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du protocole transactionnel conclu le 12 avril 1995 à la suite du licenciement de M. Michel X... par la Société Monte Paschi Banque ;
AUX MOTIFS QUE " M. Michel X... était administrateur de la caisse d'allocations familiales de Lille lorsqu'il a été licencié ; que son mandat avait été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord et était opposable à l'employeur ; que la SA Monte Paschi Banque reconnaît d'ailleurs dans ses écritures qu'elle en connaissait l'existence ; qu'au demeurant, il résulte de l'attestation établie par le directeur adjoint et l'agent comptable de la caisse d'allocations familiales de Lille que l'employeur était dédommagé par la caisse d'allocations familiales au titre des salaires et charges décomptés pendant les absences de M. Michel X... pour l'exercice de son mandat d'administrateur ; que la SA Monte Paschi Banque indique qu'elle ignorait en toute bonne foi que les fonctions d'administrateur à la caisse d'allocations familiales de Lille conféraient à M. Michel X... un statut protecteur ; que ce statut résulte toutefois de l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;
QUE le licenciement de M. Michel X..., intervenu sans que la SA Monte Paschi Banque ait sollicité l'autorisation préalable de licenciement de l'inspecteur du travail, est nul de plein droit ;
QUE le principe selon lequel il n'est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public trouve à s'appliquer en l'espèce ; qu'il est jugé qu'est atteinte de nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut intervenir qu'après l'obtention de l'autorisation administrative ; qu'une transaction conclue avec un salarié protégé ne peut avoir ni pour objet ni même pour effet d'éluder le statut protecteur ;
QUE la SA Monte Paschi Banque ne démontre nullement que M. Michel X..., qui a attendu près de quatorze ans pour saisir la juridiction prud'homale, a transigé de mauvaise foi en ayant pleinement conscience de ce que la procédure de licenciement n'avait pas tenu compte de son mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales ; qu'elle ne démontre pas que M. Michel X... était plus informé qu'elle ne l'était elle-même sur la protection qui s'attachait au mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales ; qu'en conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a validé le protocole transactionnel ; qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement notifié le 6 février 1995 et celle de la transaction subséquente en date du 12 avril 1995 " ;
ALORS QU'en ne répondant pas aux écritures de la Société Monte Paschi Banque faisant valoir que M. X..., assisté d'un conseil pendant l'intégralité de la négociation du protocole et au moment de sa signature, avait nécessairement connaissance des conséquences juridiques attachées à son statut protecteur, et s'était rendu coupable, dans la négociation, d'une fraude qui le privait du droit de revendiquer le bénéfice de ce statut, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du protocole transactionnel conclu le 12 avril 1995 à la suite du licenciement de M. Michel X... par la Société Monte Paschi Banque ;
AUX MOTIFS QUE " M. Michel X... était administrateur de la caisse d'allocations familiales de Lille lorsqu'il a été licencié ; que son mandat avait été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord et était opposable à l'employeur ; que la SA Monte Paschi Banque reconnaît d'ailleurs dans ses écritures qu'elle en connaissait l'existence ; qu'au demeurant, il résulte de l'attestation établie par le directeur adjoint et l'agent comptable de la caisse d'allocations familiales de Lille que l'employeur était dédommagé par la caisse d'allocations familiales au titre des salaires et charges décomptés pendant les absences de M. Michel X... pour l'exercice de son mandat d'administrateur ; que la SA Monte Paschi Banque indique qu'elle ignorait en toute bonne foi que les fonctions d'administrateur à la caisse d'allocations familiales de Lille conféraient à M. Michel X... un statut protecteur ; que ce statut résulte toutefois de l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;
QUE le licenciement de M. Michel X..., intervenu sans que la SA Monte Paschi Banque ait sollicité l'autorisation préalable de licenciement de l'inspecteur du travail, est nul de plein droit ;
QUE le principe selon lequel il n'est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public trouve à s'appliquer en l'espèce ; qu'il est jugé qu'est atteinte de nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut intervenir qu'après l'obtention de l'autorisation administrative ; qu'une transaction conclue avec un salarié protégé ne peut avoir ni pour objet ni même pour effet d'éluder le statut protecteur ;
QUE la SA Monte Paschi Banque ne démontre nullement que M. Michel X..., qui a attendu près de quatorze ans pour saisir la juridiction prud'homale, a transigé de mauvaise foi en ayant pleinement conscience de ce que la procédure de licenciement n'avait pas tenu compte de son mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales ; qu'elle ne démontre pas que M. Michel X... était plus informé qu'elle ne l'était elle-même sur la protection qui s'attachait au mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales ; qu'en conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a validé le protocole transactionnel ; qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement notifié le 6 février 1995 et celle de la transaction subséquente en date du 12 avril 1995 " ;
ET AUX MOTIFS QU'il est de principe que le salarié protégé qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu est en droit d'obtenir, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs du licenciement, d'une part au titre de la violation du statut protecteur le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours, sans que puisse lui être opposé le fait que son licenciement n'a pas mis fin à son mandat, à savoir jusqu'à six mois après la date d'expiration du mandat en cours, d'autre part les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ;
QU'au vu des éléments de la cause et sur la base d'un salaire mensuel de 5 241, 77 euros pour une durée de 26 mois (février 1995 à mars 1997), l'indemnité pour violation du statut protecteur s'établit à 136 286, 02 euros " ;
1°) ALORS QU'en ne répondant pas aux écritures de la Société Monte Paschi Banque faisant valoir que M. X..., assisté d'un conseil pendant l'intégralité de la négociation du protocole et au moment de sa signature, avait nécessairement connaissance des conséquences juridiques attachées à son statut protecteur, et s'était rendu coupable, dans la négociation, d'un manquement à son obligation de loyauté de nature à le priver de toute indemnisation pour violation de ce statut, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'indemnité allouée pour violation du statut protecteur a pour objet d'indemniser le salarié protégé irrégulièrement licencié du préjudice lié à la perte de son mandat ; qu'elle n'est pas due au salarié dont le mandat s'est poursuivi sans interruption en dépit de son licenciement ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que M. Michel X... pouvait prétendre " … au titre de la violation du statut protecteur (au) montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours, sans que puisse lui être opposé le fait que son licenciement n'a pas mis fin à son mandat ", la cour d'appel a violé les articles L. 2411-18 du code du travail et L. 231-11 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12738
Date de la décision : 11/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Montant - Fixation - Expiration du statut protecteur - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Evaluation

Si le salarié licencié en violation de son statut protecteur qui forme sa demande avant l'expiration de la période de protection peut prétendre à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de cette période, l'indemnisation qui lui est due, lorsqu'il introduit sa demande après l'expiration de son statut protecteur sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables, est fixée par le juge en fonction du préjudice subi. Viole par fausse application l'article L. 2411-18 du code du travail la cour d'appel qui condamne un employeur à payer au salarié, licencié en violation de son statut protecteur, une indemnisation égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de ce statut protecteur, alors qu'elle avait constaté que le statut protecteur du salarié, licencié le 6 février 1995, avait pris fin en mars 1997, et qu'il avait introduit sa demande en février 2009


Références :

Sur le numéro 2 : article L. 2411-18 du code du travail

article L. 231-11 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2011

Sur le n° 1 : Sur les conditions d'opposabilité du statut protecteur, à rapprocher :Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-28269, Bull. 2013, V, n° 84 (rejet), et les arrêts cités. Sur le n° 2 : Sur le droit à indemnisation du salarié licencié en méconnaissance du statut protecteur, à rapprocher : Soc., 26 mars 2002, pourvoi n° 01-42397, Bull. 2002, V, n° 101 (2) (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité ;Soc., 8 juin 2011, pourvois n° 10-11.933 et 10-13.663, Bull. 2011, V, n° 143 (2) (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jui. 2013, pourvoi n°12-12738, Bull. civ. 2013, V, n° 150
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 150

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: Mme Pécaut-Rivolier
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12738
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