LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2011), que Mme X... a été victime de 1971 à1999 de la part de son père, décédé en 1999, de viols et sévices sexuels ; que l'épouse de ce dernier, Mme Y..., a été déclarée, par un arrêt du 18 avril 2008, coupable du délit d'abstention volontaire d'empêcher les crimes et délits commis par Raymond X... sur sa fille pour la période de temps non couverte par la prescription soit entre le 10 août 1998 et le 19 novembre 1999 ; que, statuant sur l'action civile, la cour d'appel a condamné Mme Y... à payer à titre de dommages- intérêts la somme de 6 000 euros à Mme X... ; que celle-ci a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins de réparation du préjudice moral résultant de l'infraction commise par Mme Y... ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucun texte n'exclut l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime du champ d'application de l'article 796-3 du code de procédure pénale, lequel vise tout fait volontaire ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 796-3 du code de procédure pénale ;
2°/ que lorsque la requête de la victime contient tout renseignement utile et est accompagnée d'éléments médicaux justificatifs de'une incapacité permanente partielle résultant de l'infraction, il appartient au juge qui estime l'incapacité insuffisamment établie de procéder à des auditions, investigations et au besoin d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'en l'espèce, Mme X..., produisait notamment le rapport d'expertise psychologique de Mme Z... qui faisait état de graves séquelles psychologiques et de la nécessité d'une prise en charge thérapeutique « car Mme X... restera marquée à vie par ces stigmates douloureuses », outre l'attestation de Mme A..., thérapeute familiale et de Mme B..., psychologue clinicienne du Centre des Buttes-Chaumont et le certificat médical du docteur psychiatre A. Seguin-Sabouraud du Centre de Psychotrauma ; qu'en déclarant néanmoins sa requête irrecevable pour insuffisance de preuve de son incapacité temporaire totale et de son incapacité permanente partielle, la cour d'appel a méconnu son office et son obligation d'instruire ; que ce faisant, elle a violé les articles R. 50-9, R. 50-13 et 706-6 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que Mme X... n'établit pas avoir subi une incapacité temporaire totale de travail supérieure à un mois ou être en état d'incapacité permanente partielle résultant de l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne commise par Mme Y... ;
Que par ce seul motif, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu que le moyen unique, pris en sa troisième branche, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré Mme Lydia X... irrecevable en sa requête sur le fondement de l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... a été condamnée par le Tribunal de grande instance de Meaux pour avoir commis à l'encontre de Mme X... des faits matériels constitutifs d'une infraction prévue par l'article 223-6 alinéa 1 du Code pénal et réprimée par les articles 223-6 alinéa 1 et 223-16 du Code pénal ; que l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne n'entre pas dans le champ des infractions prévues par les dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale ; qu'en outre, Mme X... n'établit pas avoir subi une incapacité temporaire totale de travail supérieure à un mois ou être en état d'incapacité permanente partielle résultant de l'infraction d'abstention volontaire visée par le texte ; qu'en conséquence, que Mme X... est irrecevable en sa requête ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aucun texte n'exclut l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime du champ d'application de l'article 796-3 du Code de procédure pénale, lequel vise tout fait volontaire ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 796-3 du Code de procédure pénale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque la requête de la victime contient tout renseignement utile et est accompagnée d'éléments médicaux justificatifs de l'incapacité permanente partielle résultant de l'infraction, il appartient au juge qui estime l'incapacité insuffisamment établie de procéder à des auditions, investigations et au besoin d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'en l'espèce, Mme X..., produisait notamment le rapport d'expertise psychologique de Mme Z... qui faisait état de graves séquelles psychologiques et de la nécessité d'une prise en charge thérapeutique « car Mme X... restera marquée à vie par ces stigmates douloureuses », outre l'attestation de Mme A..., thérapeute familiale et de Mme B..., psychologue clinicienne du Centre des butteschaumont et le certificat médical du docteur psychiatre A. Seguin-Sabouraud du Centre de Psychotrauma ; qu'en déclarant néanmoins sa requête irrecevable pour insuffisance de preuve de son incapacité temporaire totale et de son incapacité permanente partielle, la Cour d'appel a méconnu son office et son obligation d'instruire ; que ce faisant, elle a violé les articles R.50-9, R.50-13 et 706-6 du Code de procédure pénale ;
ALORS, ENFIN, QUE lorsque la demande de réparation concerne l'infraction de ne pas avoir empêché un crime prévu et réprimé aux articles 222-22 à 222-30, 225-4-1 à 225-4-5 ou 227-25 à 227-27 du Code pénal, le préjudice à réparer et celui du crime qui n'a pas été empêché se confondent et il n'est, par conséquent, pas nécessaire de soutenir que les faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois pour bénéficier des dispositions de l'article 706-3 ; que dès lors, en déclarant Mme X... irrecevable au motif qu'elle n'établissait pas remplir la condition d'incapacité prévu par la loi, quand son préjudice résultait de celui d'un viol qui l'exemptait d'une telle preuve, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 706-3 du Code de procédure pénale, ensemble 223-6 du Code pénal.