LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1115 du code général des impôts ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SNC Médica foncière la Celle 78 (la SNC Médica) a acquis le 21 décembre 2007 l'intégralité des parts de la SCI Les Cèdres (la SCI), en précisant que, pour la perception des droits d'enregistrement, elle agissait en qualité de marchand de biens et s'engageait à revendre les parts dans le délai de quatre ans prévu par l'article 1115 du code général des impôts ; que par délibération de son assemblée générale du 15 octobre 2008, la SCI a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation entraînant la transmission universelle de son patrimoine au profit de son associée unique, la SNC Médica ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a adressé à cette dernière une proposition de rectification contenant un rappel des droits d'enregistrement pour déchéance du régime de faveur, aux motifs que la transmission universelle du patrimoine sans liquidation n'équivaut pas à une revente au sens de ce texte et qu'en procédant, dans le cadre de ce transfert universel de patrimoine, à l'annulation des titres de la SCI dont elle était l'unique associée, elle avait définitivement rendu impossible toute revente des titres et doit donc être considérée comme ayant méconnu l'engagement de revente qu'elle avait pris ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation, la SNC Médica a saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant annulé la décision de rejet du directeur des services fiscaux ainsi que l'avis de mise en recouvrement des droits d'enregistrement du 7 octobre 2009, l'arrêt retient que les parts sociales de la SCI étaient représentatives d'un bien immobilier unique et qu'elles sont demeurées représentatives du même patrimoine immobilier lorsque la SNC, en acquérant l'intégralité des parts sociales de cette SCI, en est devenue l'associée unique, puis lorsque ces parts ont été annulées en raison de la dissolution de la SCI entraînant la transmission universelle à la SNC de son patrimoine comprenant ce bien immobilier ; qu'il en déduit qu'un engagement de revente de l'immeuble s'est substitué à celui pris sur les parts sociales, de sorte que l'administration ne peut opposer les dispositions de l'article 1840 G ter du code général des impôts dès lors que l'exonération, qui s'attache à la nature immobilière de l'opération d'achat-revente, suppose que l'immeuble ou les parts le représentant soient revendus dans les quatre ans et qu'elle ne pouvait, avant l'expiration du délai de revente, invoquer la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts et procéder au rappel des droits d'enregistrement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement de revente avait été pris non par la SCI mais par la SNC et portait non sur l'immeuble appartenant à la SCI mais sur la totalité de ses parts sociales et que, par suite de la dissolution sans liquidation de cette dernière, ces parts n'existaient plus, de sorte que l'engagement pris par la SNC ne pouvait plus être tenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SNC Médica foncière la Celle 78 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris ayant annulé l'avis de mise en recouvrement du 7 octobre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE c'est par la transmission universelle du patrimoine de la SCI que la SNC, qui en était l'unique associée, a recueilli l'intégralité du patrimoine de la SCI, qui s'est confondu au sien et s'est substituée à celle-ci dans tous ses biens, droits et obligations ; que la transmission ainsi opérée ne peut être assimilée à une revente au sens de l'article 1115 du CGI ; en outre, qu'en l'espèce, l'engagement de revente des parts de la SCI a été pris, non par la SCI, mais directement par la SNC lors de l'acquisition des parts de la SCI en décembre 2007 ; que, cependant, l'appelant ne conteste ni que les parts sociales de la SCI étaient représentatives d'un bien immobilier unique, ni qu'elles sont demeurées représentatives du même patrimoine immobilier lorsque la SNC, en acquérant le 21 décembre 2007 l'intégralité des parts sociales de cette SCI, en est devenue l'associé unique, puis lorsque ces parts ont été annulées en raison de la dissolution de la SCI entraînant la transmission universelle du patrimoine de la SCI à la SNC sans qu'il y ait lieu à liquidation et donc la confusion au sein du patrimoine de la SNC de celui de la SCI constitué du bien immobilier que représentait les parts sociales de la SCI ; qu'il doit, dans ces circonstances, être considéré qu'un engagement de revente de l'immeuble s'est substitué à celui pris sur les parts sociales ; que l'administration ne peut opposer à l'intimée les dispositions de l'article 1840 G ter du CGI dès lors que l'exonération qui, quelque soit son montant, s'attache à la nature immobilière de l'opération d'achat-revente, suppose que l'immeuble ou les parts le représentant soient revendues dans les quatre ans ; que c'est donc à tort que l'administration a, avant l'expiration du délai de revente, invoqué la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du CGI et procédé au rappel d'un droit d'enregistrement ;
ALORS QUE , D'UNE PART, aux termes de l'article 1115 du code général des impôts, les acquisitions d'immeubles de fonds de commerce et d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par les marchands de biens sont exonérées de droits et taxes de mutation si un engagement de revendre dans un certain délai est pris ; qu'aux termes de l'article 1840 G ter du CGI, le non-respect de cet engagement par le marchand de biens entraîne le paiement des droits dont il avait été précédemment exonéré ; que dès lors qu'il est constaté que le respect de l'engagement est rendu définitivement impossible avant même la fin du délai de revente l'administration peut sans délai remettre en cause le régime de faveur; que, par conséquent, dès lors que l'engagement porte sur des biens qui disparaissent avant la revente et avant l'expiration du délai de revente, le régime de faveur peut être remis en cause sans délai ; que les titres de la SCI Les cèdres ont fait l'objet d'un engagement de revente puis ont été annulés à la suite de la dissolution de cette société permettant ainsi la remise en cause du régime de faveur ; qu'en jugeant néanmoins que c'est à tort que l'administration a, avant l'expiration du l'engagement du délai de revente, invoqué la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du CGI et procédé au rappel d'un droit d'enregistrement, la cour d'appel de Paris a violé ensemble les articles 1115 et 1840 G ter du CGI.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, aux termes de l'article 1115 du code général des impôts, les acquisitions d'immeubles de fonds de commerce et d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées - par les marchands de biens sont exonérées de droits et taxes de mutation si un engagement de revendre dans un certain délai est pris ; que le non-respect de cet engagement par le marchand de biens entraîne le paiement des droits dont il avait été précédemment exonéré ; que la remise en cause de l'exonération est encourue du seul fait de l'absence de revente dans le délai prescrit; que dès lors que le bien sur lequel porte l'engagement est détruit ou disparaît du fait du marchand de biens pendant le délai de revente, celle-ci devient définitivement impossible ; qu'en jugeant néanmoins que l'engagement pris par la S.N.C. Medica Foncière La Celle 78 sur les parts de la S.C.I. Les Cèdres avait pu valablement se reporter sur l'immeuble détenu par la même S.C.I. alors même que les parts de la S.C.I. sur lesquelles portaient l'engagement de revente avaient été annulées du fait de la dissolution de la société, la cour d'appel de Paris a ajouté à la loi et partant a violé l'article 1115 précité.