LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 757 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que la découverte d'un don manuel à l'occasion d'une procédure de vérification de comptabilité ne saurait constituer la révélation volontaire de celui-ci à l'administration ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'administration fiscale a notifié à Mme X... un redressement au titre de droits afférents à des dons manuels consentis par son père pour les années 2004, 2005 et 2006 puis un avis de mise en recouvrement ; qu'après rejet de sa réclamation, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir la décharge des droits et pénalités réclamés ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la vérification de la comptabilité a fait apparaître les dons manuels litigieux et que la mise à disposition de sa comptabilité par Mme X..., lors d'un contrôle fiscal, est assimilable à une révélation, au sens de l'alinéa 2 du texte précité, dès lors que celui-ci n'exige pas l'aveu spontané du don de la part du donataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... n'avait rien révélé volontairement à l'administration et que seule la vérification de sa comptabilité, par les contrôleurs, avait fait apparaître les dons manuels litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de l'exposante tendant à la décharge des droits de mutation à titre gratuit mis à sa charge pour un montant de 40.890 euros ;
AUX MOTIFS QUE « dans sa proposition de rectification n° 2120 du 19 février 2007, les Services Fiscaux ont considéré que ces apports constituaient des donations, dans la mesure où Monsieur X... s'était dessaisi de manière irrévocable de ces montants au profit de sa fille, Mademoiselle X..., exploitante à titre individuel, laquelle avait accepté ces fonds pour en disposer librement ; Attendu que ce redressement fiscal est fondé sur les dispositions de l'article 757 du Code Général des Impôts qui, dans sa rédaction alors applicable, dispose : « Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel, sont sujets au droit de donation. La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale... » ; Attendu que le Directeur des Services Fiscaux invoque plus précisément l'alinéa 2 de ce texte, dans la mesure où la mise à disposition de la comptabilité par Mademoiselle X... aux vérificateurs, lors d'un contrôle fiscal, est assimilable à une révélation ; Attendu effectivement qu'il est de jurisprudence que la présentation par une association de sa comptabilité lors d'une vérification de comptabilité régulièrement menée par l'administration fiscale, fut-elle la mise en oeuvre de l'obligation légale d'établissement et de présentation des documents comptables, vaut révélation au sens de l'article 757 alinéa 2 du Code Général des Impôts, dès lors que ce texte n'exige pas l'aveu spontané du don de la part du donataire (Cass.Com. 5 octobre 2004 /Association les Témoins de Jéhovah); Attendu qu'à l'audience, l'appelante a dû admettre que les montants versés par Monsieur X... (par quatre chèques d'un montant total de 265.370 Euros) avaient été enregistrés en comptabilité, ainsi que cela avait d'ailleurs été constaté par le service vérificateur dans la proposition de rectification du 19 février 2007, sous une ligne comptable 108 intitulée « Compte de l'exploitant » ; Attendu qu'il s'agit-là d'un compte où figurent tous les apports ou les retraits personnels de l'exploitant à titre individuel ; Attendu en tout état de cause que Mademoiselle X..., qui n'a jamais contesté l'authenticité des constatations matérielles faites par les agents vérificateurs, et en particulier la nature de l'inscription des versements litigieux en comptabilité, n'apporte aucun élément d'information permettant d'établir que le montant de 265.370 Euros aurait été enregistré dans sa comptabilité sur une autre ligne comptable que celle du « Compte de l'exploitant », en particulier sur un « compte de passif » comme elle l'indiquait dans ses écrits ; Attendu qu'il faut donc considérer, avec l'Administration Fiscale, qu'il y a eu révélation par Mademoiselle X... d'un don manuel à travers ces apports non inscrits en un compte de passif, par la communication de sa comptabilité faite aux agents vérificateurs à l'occasion du contrôle fiscal, peu important qu'il n'y ait pas eu aveu spontané du don de la part de l'intéressée ; Attendu ainsi que, le Directeur des Services Fiscaux s'étant placé sur un terrain qui est celui de la révélation d'un don manuel, et non sur celui de la fictivité d'une opération ou d'une opération passée dans le but d'éluder l'impôt, laquelle relèverait des dispositions de l'article L.64 du Livre des Procédures Fiscales relatif à la répression de l'abus de droit, les premiers juges ont retenu à bon droit que les apports de 265.370 Euros effectués par Monsieur X... au bénéfice de Mademoiselle X... constituaient des dons manuels et devaient être soumis aux droits de mutation à titre gratuit ; Attendu que tout le surplus de l'argumentation longuement développée par les parties se trouve dénué d'intérêt, puisqu'en l'occurrence la dette fiscale de l'appelante repose exclusivement sur la révélation du don manuel intervenue à l'occasion de la communication de sa comptabilité dans le cadre du contrôle fiscal, telle que visée à l'alinéa 2 de l'article 757 du Code Général des Impôts ; Attendu que les autres motifs, avancés par l'Administration Fiscale et repris par le tribunal, ne viennent que conforter, mais de manière superfétatoire, que l'on se trouve bien en présence d'un don manuel ; qu'ils viennent par contre réfuter les arguments de Mademoiselle X..., qui voudrait voir les versements requalifiés en prêts ; qu'en effet, l'inscription desdits apports au crédit du compte de l'exploitant et non dans un compte de passif rend totalement insoutenable son argumentation ; que les tentatives de l'appelante, qui voudrait introduire une distinction entre son activité professionnelle et la sphère de sa vie privée sont dénuées de tout fondement, puisque Mademoiselle X... dispose d'un seul patrimoine dans le cadre d'une exploitation commerciale individuelle ; que c'est donc l'ensemble des entrées et sorties d'argent qui sont retracées en comptabilité ; qu'en tout état de cause, si l'appelante avait effectivement considéré que son père lui avait prêté de l'argent, elle devait nécessairement inscrire les versements sur un compte de passif au regard des remboursements qui auraient dû intervenir ».
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article 757 du Code général des impôts dans sa version en vigueur à l'époque des faits « Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel, sont sujets au droit de donation. La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale » ; que, la révélation ne saurait résulter de la présentation par le contribuable de sa comptabilité à l'administration fiscale au cours du contrôle dès lors qu'une telle interprétation va au-delà de la loi et fait dépendre la réalisation du fait générateur de l'impôt d'un événement aléatoire portant ainsi atteinte au principe de prévisibilité de la loi fiscale ; que, par suite, en statuant comme elle l'a fait, la Cour a violé le texte susvisé par fausse application ainsi que le principe de sécurité juridique et d'égalité devant l'impôt.
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu de la liberté de gestion une personne physique qui exploite une entreprise individuelle peut décider de ne pas porter au passif de ladite entreprise l'emprunt qu'elle a souscrit auprès d'un tiers, ledit emprunt ayant alors un caractère personnel et non professionnel ;qu'ainsi, l'inscription de sommes prêtées par un tiers au crédit de l'exploitant en lieu et place du passif de l'exploitation ne permet pas en soi de déqualifier le prêt souscrit en don manuel ; qu'ainsi en jugeant le contraire, la Cour s'est prononcée par un motif inopérant entachant sa décision de défaut de base légale au regard de l'article 757 du Code général des impôts.