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10/04/2013 | FRANCE | N°12-14837

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 avril 2013, 12-14837


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 411-62 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-58 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er décembre 2011) que les époux X... ont donné à bail aux époux Y... des parcelles de terres pour une durée de dix-huit années commençant à courir le 29 septembre 1993 ; que le 8 mars 2010, M. X..., devenu propriétaire en cours de bail d'une partie des parcelles louées, a donné un congé aux preneurs pour reprise de ces parc

elles à effet au 29 septembre 2011 ; que les époux Y... ont alors agi en nu...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 411-62 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-58 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er décembre 2011) que les époux X... ont donné à bail aux époux Y... des parcelles de terres pour une durée de dix-huit années commençant à courir le 29 septembre 1993 ; que le 8 mars 2010, M. X..., devenu propriétaire en cours de bail d'une partie des parcelles louées, a donné un congé aux preneurs pour reprise de ces parcelles à effet au 29 septembre 2011 ; que les époux Y... ont alors agi en nullité de ce congé ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'à la date d'effet du congé, à laquelle il faut se placer pour en apprécier la régularité, le bail de dix-huit ans ne s'était pas renouvelé dans la mesure où le congé était précisément donné pour sa date d'échéance ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'indivisibilité du bail cesse à son expiration, la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait délivré congé pour la totalité des terres données à bail dont il était devenu propriétaire, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé le congé délivré le 8 mars 2010 par Monsieur Hervé X... à Monsieur Joseph Y... et à Madame Carole Z... épouse Y... portant sur les parcelles situées à MONTREUIL LE GAST pour une contenance de 16 ha 61 a 45 ca ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... prétend que les dispositions de l'article L 411-62 du code rural sur lesquelles Monsieur et Madame Y... fondent leur contestation ne seraient plus applicables en l'espèce dès lors que la reprise pour laquelle le congé a été donné ne serait plus partielle mais totale puisque portant sur la totalité des biens dont il est devenu propriétaire dans la mesure où le bail se serait fractionné au moment de son renouvellement ; que si Monsieur X... est bien devenu en 2009 propriétaire des 16 ha 61 a et 45 ca sur lesquels porte le congé, le bail du 1er octobre 1993 n'a jamais été fractionné puisqu'à la date d'effet du congé, à laquelle il faut se placer pour en apprécier la régularité, le bail de 18 ans ne s'était pas renouvelé dans la mesure où le congé était précisément donné pour sa date d'échéance ; que l'article L 411-62 du code rural dispose que le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu'il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur ; qu'en application de ce texte, l'atteinte à l'équilibre économique invoquée doit être appréciée au regard de l'ensemble de l'exploitation à laquelle participe le preneur c'est à dire en l'espèce du GAEC Y...
A... dont fait partie le preneur ; que ce GAEC exploite une surface de 70 hectares, qu'il dispose d'une référence laitière de 407 000 litres, de 69 DPU et d'un plan d'épandage de 67 hectares, que la reprise de 16ha 61a et 45 ca a pour conséquence, au vu du rapport du CER produit aux débats, la perte d'une référence laitière de 118617 litres, soit plus de 25 % des références attachées aux terres exploitées par le GAEC, qu'il n'est pas contestable que la reprise entraînerait la non activation de DPU, la révision du plan d'épandage et la perte de production de fourrages et de culture de vente ; que le rapport du CER produit aux débats fixe les conséquences de la reprise partielle à la somme de 32 774 € de perte d'excédent brut d'exploitation par an, ce qui représente un peu plus de 29 % de l'excédent brut d'exploitation annuel qui s'élève, en moyenne sur une durée de cinq ans, à la somme de 111 000 € ce qui aurait pour conséquence de le réduire à la somme de 78 226 €, qu'il apparaît dès lors que l'EBE qui serait réduit à la somme de 78 226 € serait insuffisant pour couvrir les dépenses du GAEC, comprenant notamment ses remboursements d'emprunt, qui sont évaluées à la somme de 100 950 € ; que ces chiffres qui ne sont pas théoriques puisqu'établis à partir des résultats du GAEC et de ses charges connues démontrent qu'il résulterait de cette situation une insuffisance de trésorerie annuelle de 21 350 €, ce qui ne permettrait plus les prélèvements des associés et ce qui ne peut que mettre en cause la survie du GAEC ; que les parcelles dont la reprise est envisagée sont situées sur les communes de Vignoc et de Montreuil le Gast c'est à dire en zone de forte pression foncière et que les documents produits par Monsieur X... sont insuffisants pour établir que les preneurs seraient en mesure de retrouver des terres, à proximité de celles du GAEC, susceptibles de palier sans délai aux pertes subies, qu'il apparaît que la reprise partielle est de nature à compromettre gravement l'équilibre de l'exploitation assurée par le preneur au sens des dispositions de l'article 4 11-62 du code rural qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler le congé délivré par Monsieur Hervé X... à Monsieur et Madame Joseph Y... le 08 mars 2010 ;

ALORS QUE le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu'il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur ; que la reprise est totale si le bailleur reprend l'ensemble des biens donnés à bail alors même que l'opération constitue pour le preneur une reprise partielle ; que par ailleurs l'indivisibilité du bail cesse à son expiration et les conditions d'une reprise doivent être appréciées à la date d'effet du congé délivré à cette fin, de sorte que M. X... étant devenu seul propriétaire de la superficie de 16 ha 61 a 45 ca mise en valeur par M. et Mme Y... depuis le 20 juin 2009, avait qualité pour donner congé le 8 mars 2010 pour le 29 septembre 2011 en vue d'une reprise totale des parcelles lui appartenant en pleine propriété ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-62 du Code rural et de la pêche maritime ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu d'écarter des débats l'étude concernant l'estimation des préjudices et d'avoir en conséquence, annulé le congé délivré le 8 mars 2010 par M. X... à M. et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QU'il n'y a pas lieu d'écarter des débats l'étude concernant l'estimation des préjudices qui ne constitue pour l'essentiel qu'une actualisation de l'étude produite devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de RENNES, qui a été analysée par celui-ci dans sa décision et dont M. X... a eu connaissance puisqu'elle figure dans ses pièces ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'en application de ce texte, l'atteinte à l'équilibre économique invoquée doit être appréciée au regard de l'ensemble de l'exploitation à laquelle participe le preneur c'est-àdire en l'espèce du GAEC Y...
A... dont fait partie le preneur ; que ce GAEC exploite une surface de 70 hectares, qu'il dispose d'une référence laitière de 407 000 litres, de 69 DPU et d'un plan d'épandage de 67 hectares, que la reprise de 16 ha, 61 a et 45 ca a pour conséquence, au vu du rapport du CER produit aux débats, la perte d'une référence laitière de 118 617 litres, soit plus de 25 % des références attachées aux terres exploitées par le GAEC, qu'il n'est pas contestable que la reprise entraînerait la non-activation de DPU, la révision du plan d'épandage et la perte de production de fourrages et de culture de vente ; que le rapport du CER produit aux débats fixe les conséquences de la reprise partielle à la somme de 32 774 € de perte d'excédent brut d'exploitation par an, ce qui représente un peu plus de 29 % de l'excédent brut d'exploitation annuel qui s'élève, en moyenne, sur une durée de cinq ans, à la somme de 111 000 €, ce qui aurait pour conséquence de le réduire à la somme de 78 226 €, qu'il apparaît dès lors que l'EBE qui serait réduit à la somme de 78 226 € serait insuffisant pour couvrir les dépenses du GAEC, comprenant notamment ses remboursements d'emprunt, qui sont évaluées à la somme de 100 950 € ; que ces chiffres qui ne sont pas théoriques puisqu'établis à partir des résultats du GAEC et de ses charges connues démontrent qu'il résulterait de cette situation une insuffisance de trésorerie annuelle de 21 350 €, ce qui ne permettrait plus les prélèvements des associés et ce qui ne peut que mettre en cause la survie du GAEC ; qu'alors que les parcelles dont la reprise est envisagées sont situées sur les communes de VIGNOC et de MONTREUIL LE GAST c'est-à-dire en zone de forte pression foncière et que les documents produits par M. X... sont insuffisants pour établir que les preneurs seraient en mesure de retrouver des terres, à proximité de celles du GAEC, susceptibles de palier sans délai aux pertes subies, il apparaît que la reprise partielle est de nature à compromettre gravement l'équilibre de l'exploitation assurée par le preneur au sens des dispositions de l'article 411-62 du Code rural ;
ALORS QUE le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que dès lors, en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur une étude économique concernant l'estimation des préjudices, réalisée par le CER, communiquée au conseil du bailleur par télécopie et courrier électronique, le mercredi 5 octobre 2011 à 19H16, soit la veille au soir de l'audience fixée au jeudi 6 octobre 2011 à 9H, excluant toute possibilité pour ce dernier d'en prendre connaissance en temps utile et de la communiquer à son client, et de présenter des observations avant les débats, la Cour a procédé d'une violation de l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-14837
Date de la décision : 10/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Reprise - Congé - Délai - Date d'expiration du bail

BAIL RURAL - Bail à ferme - Indivisibilité - Cessation - Date - Expiration du bail - Effets - Validité d'un congé pour reprise donné pour la date d'expiration du bail et portant sur la totalité des parcelles dont le bailleur est devenu propriétaire

L'indivisibilité du bail cesse à son expiration. Dès lors, viole, par fausse application, l'article L. 411-62 du code rural, une cour d'appel qui annule un congé pour reprise délivré par un bailleur devenu en cours de bail propriétaire d'une partie des parcelles louées alors qu'elle relève que ce congé est donné pour la date d'expiration du bail et porte sur la totalité des parcelles dont ce bailleur est devenu propriétaire


Références :

articles L. 411-58 et L. 411-62 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 01 décembre 2011

A rapprocher :Sur l'indivisibilité du bail cessant à son expiration :3e civ., 4 décembre 1979, pourvoi n° 78-13615, Bull. 1979, III, n° 217 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 avr. 2013, pourvoi n°12-14837, Bull. civ.Bull. 2013, III, n° 49
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2013, III, n° 49

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Pic
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.14837
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