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27/02/2013 | FRANCE | N°12-15017

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 février 2013, 12-15017


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article 333, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que du mariage de Mme Danièle X... et de M. Jean-Pierre Y... sont issus quatre enfants dont le dernier, Benjamin, est né le 16 décembre 1980 ; que le divorce des époux Y...- X... a été prononcé par jugement du 8 décembre 1989 ; que, par requête conjointe du 23 fÃ

©vrier 2007, Mme X..., MM. Benjamin et Jean-Pierre Y... et M. Z..., le conc...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article 333, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que du mariage de Mme Danièle X... et de M. Jean-Pierre Y... sont issus quatre enfants dont le dernier, Benjamin, est né le 16 décembre 1980 ; que le divorce des époux Y...- X... a été prononcé par jugement du 8 décembre 1989 ; que, par requête conjointe du 23 février 2007, Mme X..., MM. Benjamin et Jean-Pierre Y... et M. Z..., le concubin de Mme X..., ont demandé avant dire droit que soit ordonnée toute mesure d'instruction utile sur la filiation entre M. Benjamin Y..., d'une part, et MM. Jean-Pierre Y... et Z..., d'autre part, et qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils se réservaient le droit de formuler leurs demandes ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action en contestation de paternité formée par les demandeurs, l'arrêt retient que, lors de l'introduction de l'action, l'enfant avait une possession d'état conforme au titre de plus de cinq ans ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 était entrée en vigueur le 1er juillet 2006, de sorte que le délai de cinq ans prévu par l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil courait à compter de cette date, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes présentées par M. Benjamin Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les premiers juges ont dit les demandes irrecevables notamment au motif que M. Benjamin Y... avait eu une possession d'état conforme à son titre de naissance, y compris à ses propres yeux, jusqu'à l'âge de treize ans, et en tout cas pendant au moins cinq ans depuis sa naissance ; que selon l'article 333, alinéa 2, du code civil, nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement ; que M. Benjamin Y... n'apporte pas d'éléments probants à l'encontre du constat d'une possession d'état conforme au titre durant les cinq années suivant sa naissance ; qu'en effet, la séparation du couple Y...- X... dès 1983 n'est pas de nature à apporter cette preuve dès lors que ce n'est qu'après l'engagement de la procédure de divorce de 1986 que l'enfant est allé vivre avec sa mère et M. Z... et qu'il n'est pas soutenu qu'il ait eu auparavant la possession d'état d'enfant de M. Z... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE quel que soit le mode de saisine du tribunal statuant au contentieux, la recevabilité de l'action suppose un différend entre des parties qu'il est demandé au juge de trancher ; que force est de constater que la requête conjointe saisissant le tribunal, après avoir exposé que la filiation légitime de Benjamin Y... apparaissait douteuse aux requérants, ne visait qu'à obtenir du juge une expertise biologique et génétique sur la base de prélèvements opérés sur l'enfant majeur, d'une part, sur le mari de la mère et l'amant de celle-ci, d'autre part, et de décerner acte aux requérants de ce qu'en fonction des résultats, ils présenteraient au tribunal d'éventuelles demandes au fond ; qu'une telle action en justice qui ne vise qu'à obtenir du juge du fond une mesure d'expertise ou d'instruction in futurum, sans demande à trancher au fond est irrecevable ; qu'elle et en outre irrecevable spécialement en matière d'expertise génétique, puisque l'article 16-11 du code civil réserve l'identification par empreintes génétiques en matière civile à une action tendant soit à l'établissement, soit à la contestation d'un lien de filiation et exclut qu'une telle expertise ait pour finalité comme en l'espèce la vérification de l'exactitude biologique d'une paternité légitime puis, le cas échéant et en fonction des résultats, à l'action qu'il pourrait plaire à certains sinon à tous les requérants d'entreprendre ; qu'il n'apparaît pas possible de considérer que l'action des requérants se trouverait validée par les conclusions complémentaires qu'ils ont prises en fin de procédure ; que, d'une part, les requérants se sont mépris en prétendant répondre à de prétendues conclusions du ministère public ; qu'en effet, le ministère public n'est pas partie à la procédure et n'a fourni qu'un avis obligatoire en matière de filiation s'agissant d'actions devant être officiellement portées à la connaissance du parquet ; que cet avis est donné, s'il plait au ministère public, une fois le dossier de l'affaire complet lorsqu'il lui est communiqué par le tribunal ; qu'enfin, la recevabilité de l'action introduite devant une juridiction s'apprécie au vu de l'acte introductif d'instance et donc en l'espèce au vu de la requête conjointe ; que d'ailleurs, il ne suffirait pas d'ajouter dans les dernières conclusions la demande que les parties soient reçues en leur « action en contestation de filiation légitime » pour que la requête modifiée devienne recevable puisque les parties maintiennent toujours de réserver leurs demandes au fond, et que l'instance tend donc toujours à la vérification de l'exactitude biologique de cette paternité, avant toute demande au fond ; que les demandes apparaissent donc irrecevables ; qu'en tout état de cause, il résulte du jugement de divorce des époux Y...- X... rendu par le tribunal de Nantes le 8 décembre 1989 qu'il est tenu pour constant que le couple a eu quatre enfants, le dernier Benjamin né le 16 décembre 1980 ; que l'ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à résider séparément date du 15 janvier 1986 ; que l'exercice de l'autorité parentale sur les quatre enfants est exercée conjointement, les deux aînés résidant habituellement chez leur père et les deux plus jeunes chez leur mère avec droits d'hébergement croisés des parents sur tous les enfants ; qu'il est fixé une pension alimentaire pour l'entretien des trois enfants, dont Benjamin ; qu'aucune des dispositions de cette décision de justice intervenue neuf ans après la naissance de Benjamin et plus de cinq ans après l'autorisation donnée aux parents de résider séparément ne vient apporter le moindre indice d'une possession d'état d'enfant légitime altérée de Benjamin, l'ensemble des décisions prises étant au contraire toutes dans le sens d'une paternité légitime assumée et revendiquée de Jean-Pierre Y... sur Benjamin et non contestée par Mme X... ; que selon l'attestation de Jean-Daniel Y..., frère de Benjamin, en 1990, ses trois frères (dont Benjamin) sont revenus vivre avec lui et son père jusqu'en 1992, époque à laquelle Benjamin est retourné définitivement vivre au foyer de sa mère et de Marc Z... ; que Benjamin aurait eu treize ans lorsque Benjamin aurait reçu la confidence de sa mère selon laquelle c'était Marc Z... son vrai père ; que l'attestation de X... Nicolas n'établit pas de chronologie ni de faits différents ; que celle de A... Isabelle non plus ; qu'il en résulte que Benjamin a eu une possession d'état d'enfant légitime conforme à son titre de naissance, y compris à ses propres yeux, jusqu'à l'âge de treize ans, que cette possession d'état a survécu sans tâche pendant au moins six ans à la séparation de fait des parents et a été fortement réaffirmée pendant deux années après leur divorce, Benjamin retournant pendant cette période vivre chez son père ; que s'agissant enfin du traitement de Benjamin par Marc Z..., le fait que ce dernier ait, le cas échéant, élevé ensuite Benjamin comme son fils et développé à son égard des relations de père à fils ne confère pas à l'enfant une possession d'état paternelle différente, puisque l'enfant mineur était accueilli au foyer de sa mère et qu'il est fréquent et équivoque juridiquement que le nouveau compagnon de la mère noue des relations affectivement étroites avec l'enfant de celle-ci ; qu'à la section « Des actions en contestation de la filiation », l'article 332 du code civil énonce que la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que toutefois, l'article 333 du code civil précise que lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable et que l'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ; qu'en outre, nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance si elle a été faite ultérieurement ; que le délai de cinq ans constitue une fin de non-recevoir opposable à l'enfant lui-même et n'est pas un délai de prescription ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments ci-dessus réunis et examinés que Benjamin Y... a eu la possession d'état d'enfant né du mariage de ses parents et en particulier la possession d'état d'enfant de M. Jean-Pierre Y... pendant plus de cinq ans, conforme à son titre de naissance et l'action en contestation de paternité est fermée à tous ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, prétentions qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que toutefois, l'objet du litige peut être modifié par les demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en estimant, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 5 et 6), que les demandes de M. Benjamin Y... étaient irrecevables dès lors qu'elles ne visaient qu'à obtenir du juge qu'une mesure d'instruction sans que soit demandée une solution sur le fond du litige, cependant que, si la requête initiale ne sollicitait pas un jugement sur le fond, les conclusions ultérieures de M. Benjamin Y... demandaient au juge, avant dire droit d'ordonner une mesure d'expertise, puis ensuite de statuer au fond en annulant la filiation entre MM. Jean-Pierre et Benjamin Y... et en déclarant établie la filiation entre MM. Marc Z... et Benjamin Y..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant qu'il n'était pas soutenu que M. Benjamin Y... ait eu la possession d'état d'enfant de M. Z... (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 8), cependant que, dans ses conclusions d'appel signifiées le 27 janvier 2009 (p. 4 in fine et p. 5 in limine), M. Benjamin Y... faisait valoir que « Marc Z... s'est (...) toujours comporté à l'égard du concluant comme son père, comportement qui fait nécessairement obstacle à la possession d'état d'enfant légitime », que « les faits le démontrent aisément compte tenu de la très longue communauté de vie entre Benjamin Y... et Marc Z... les a amenés à nouer des relations père-fils et à une reconnaissance affective réciproque, la reconnaissance sociale, amicale et familiale de Benjamin Y... en tant que membre de la famille Z..., la contribution de Marc Z... à l'entretien et l'éducation de Benjamin Y... », la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de ces conclusions et violé par conséquent derechef l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, qui par son article 15 a introduit dans le code civil une disposition selon laquelle nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré cinq ans depuis la naissance (nouvel article 333), n'est entrée en vigueur que le 1er juillet 2006 ; que cette disposition ne peut donc trouver application pour les situations antérieures ; qu'en jugeant que ce délai de cinq ans était applicable immédiatement, et que dès lors M. Benjamin Y... ne pouvait contester sa filiation dès lors que la possession d'état conforme au titre avait duré pendant plus de cinq ans après sa naissance survenue le 16 décembre 1980 (motifs adoptés du jugement entrepris, p. 7 § 6), la cour d'appel a violé l'article 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 et l'article 2 du code civil, ensemble le nouvel article 333 du code civil par fausse application.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-15017
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Actions en contestation de la filiation - Possession d'état conforme au titre - Délai de cinq ans - Point de départ - Détermination

LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Domaine d'application - Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 - Date d'entrée en vigueur - Portée

L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 étant entrée en vigueur le 1er juillet 2006, le délai de cinq ans prévu par l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil, en cas de possession d'état conforme au titre, court à compter de cette date (arrêt n° 1, pourvois n° 12-13.326 et 12-13.329 ; arrêt n° 2, pourvoi n° 12-15.017)


Références :

article 2 du code civil

article 333, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 fév. 2013, pourvoi n°12-15017, Bull. civ. 2013, I, n° 24
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 24

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15017
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