LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lyondell chimie France exerce dans un établissement situé à Fos-sur-Mer une activité de production et vente de glycols, oxyde de propylène, et autres produits chimiques dans un site classé type "Seveso II (seuil haut)" ; que par délibération du 14 juin 2010, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a mandaté un cabinet d'expertise pour réaliser une expertise en risques technologiques sur le fondement des articles L. 4523-5 et R. 4523-3 du code du travail ; que la société Lyondell Chimie France a saisi le président du tribunal de grande instance aux fins d'annulation de cette décision au motif qu'il n'existait pas de danger grave constaté au sein de son établissement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le CHSCT fait grief à l'arrêt d'annuler la délibération du 14 juin 2010, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes des articles L. 523-5 et R. 4523-3 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à l'expert en risques technologiques en cas de danger grave en rapport avec l'installation classée ; que le danger grave justifiant le recours à cette expertise, qui ne s'entend pas d'un risque actuel et identifié, peut découler de la nature même, par définition dangereuse, de l'activité exercée par l'établissement ; qu'en décidant, en l'espèce, que le CHSCT ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un danger grave pour l'installation classée, au prétexte que les différents risques menaçant la sécurité de celle-ci ne sont que d'éventuels dangers, quand, par nature, cette dernière, classée SEVESO II, seuil haut, exerçait une activité par nature dangereuse de fabrication de produits chimiques l'amenant à utiliser de nombreuses substances toxiques, peu important l'absence de risque actuel et identifié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;
2°/ que le recours accru à la sous-traitance par un établissement classé SEVESO II, seuil haut, implique nécessairement l'existence d'un danger grave pour l'installation classée ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait le CHSCT, si le recours à l'expertise en risques technologiques n'était pas justifié par ce fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que la possibilité reconnue au CHSCT d'avoir recours à un expert en risques technologiques ne pouvait résulter de la seule activité soumise à la législation sur les installations classées ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable dans sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le CHSCT de sa demande tendant à ce que les honoraires d'avocat exposés à l'occasion de la procédure soient mis à la charge de la société Lyondell Chimie France, l'arrêt retient que cette demande n'étant pas chiffrée, elle ne pourra qu'être écartée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait exactement énoncé que le CHSCT n'ayant commis aucun abus, les honoraires d'avocat exposés à l'occasion de la procédure devaient être supportés par l'employeur et qu'il lui appartenait d'inviter le CHSCT à en préciser le montant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le CHSCT de la société Lyondell Chimie France de sa demande tendant à ce que les honoraires d'avocat exposés à l'occasion de la procédure en annulation de la délibération du 14 juin 2010 soient mis à la charge de la société, l'arrêt rendu le 6 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Lyondell Chimie France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au CHSCT de la société Lyondell Chimie France la comme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour le Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de la société Lyondell Chimie France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la délibération du CHSCT de la société LYONDELL CHIMIE FRANCE du 14 juin 2010 ayant désigné le cabinet SECAFI pour procéder à une expertise en risques technologiques ;
Aux motifs propres que « L'appelant, pas plus qu'en première instance, ne rapporte la preuve qui lui incombe de l'existence « d'un danger grave en rapport avec une installation classée ;
L'expertise en risques technologiques demandée ne saurait être ordonnée pour l'établir ;
Les différents risques menaçant la sécurité de l'établissement ne sont que d'éventuels dangers ; ils ne peuvent conduire qu'à l'expertise prévue par l'article L. 4614-12-1° du code du travail laquelle porte sur les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail des salariés ; et ils ne peuvent ouvrir au CHSCT d'une installation à haut risque un droit permanent à une expertise spécifique des risques technologiques » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « l'usine implantée sur le site de Fos-sur-Mer classée SEVESO II (seuil haut) et dont l'objet est la fabrication de produits chimiques exerce une activité par nature dangereuse. Il ne saurait toutefois en être déduit que le comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail peut recourir en permanence à une expertise.
La volonté du législateur, suite à l'explosion de l'usine AZF était d'introduire le comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail comme acteur de l'examen des risques et de l'investir d'une mission de suivi et d'observation de la direction qui a la responsabilité de la réalisation de l'étude de danger. A cette fin il lui a permis de se faire assister par un expert lors de la réalisation des études de danger.
Il est clair en outre que cette expertise « danger grave en rapport avec une installation classée » est indépendante de la mise en place d'une quelconque réorganisation.
Il appartient toutefois au comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail de démontrer qu'il existe sur le site de Fos-Sur-Mer un danger grave en rapport avec l'installation classée.
Pour de faire, il invoque une augmentation du taux d'absentéisme de 2,43 % en 2008, 3,67 % en 2009, du taux de fréquence des accidents du travail de 1,55 % en 2008 et 0,23 % en 2009. Outre que ces augmentations ne sont pas à elles seules significatives, il n'est nullement établi que l'état de danger qui pourrait en découler est en rapport avec le classement du site. Au contraire, il résulte des rapports d'incidents que le plus grave résulte d'un chantier immobilier. En outre l'expert SECAFI a noté « l'absence d'accidentologie technologique » sur le site depuis trois ans.
Il en est de même du nombre important des saisines du Conseil de prud'hommes qui ont un objet sans rapport avec les risques technologiques du site.
De plus s'il est établi que ce n'est que grâce à l'insistance des membres du comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail que la direction a finalement accepté que la modification du plan d'organisation interne, qui résulte effectivement d'un échange de mail pendant la période d'avril à août 2010, soit portée à l'ordre du jour d'une prochaine réunion (mail du 8 avril 2010), ce défaut de consultation spontanée ne peut caractériser à lui seul l'existence d'un danger grave au sens du texte précité. Il appartient aux membres du comité après examen du plan d'organisation interne d'évaluer les modifications envisagées.
En outre il n'est pas établi qu'aucun salarié n'aurait été formé à la conduite d'un nouveau camion émulseur. Il ressort au contraire d'un document émanent de l'entreprise qu'un certain nombre de salariés ont suivi une formation à la conduite et au système GIMAEX qui a conduit à vérifier leur aptitude au maniement de ce nouvel engin puisque certains d'entre eux ont été déclarés inaptes.
Enfin le comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail invoque que la réduction des effectifs résultant du projet de réorganisation est de nature à créer un danger grave. Il s'agit d'une simple hypothèse avancé par le comité et qui n'est confirmée par aucun élément de preuve. L'expert SECAFI a noté au contraire dans son rapport que la future réorganisation (diminution des équipes de six à cinq) « devrait induire pour les personnels une meilleure connaissance de la zone de travail ».
Il résulte de ces considérations que l'existence invoquée par le comité d'un danger grave en rapport avec le classement n'est pas en l'état démontrée.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande et d'annuler la délibération du comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail du 14 juin 2010 ayant désigné l'expert SECAFI en application des dispositions de l'article L. 4523-5 du code du travail » ;
Alors que, aux termes des articles L. 4523-5 et R. 4523-3 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à l'expert en risques technologiques en cas de danger grave en rapport avec l'installation classée ; que le danger grave justifiant le recours à cette expertise, qui ne s'entend pas d'un risque actuel et identifié, peut découler de la nature même, par définition dangereuse, de l'activité exercée par l'établissement ; qu'en décidant, en l'espèce, que le CHSCT ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un danger grave pour l'installation classée, au prétexte que les différents risques menaçant la sécurité de celle-ci ne sont que d'éventuels dangers, quand, par nature, cette dernière, classée SEVESO II, seuil haut, exerçait une activité par nature dangereuse de fabrication de produits chimiques l'amenant à utiliser de nombreuses substances toxiques, peu important l'absence de risque actuel et identifié, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;
Alors, en tout état de cause, que le recours accru à la sous-traitance par un établissement classé SEVESO II, seuil haut, implique nécessairement l'existence d'un danger grave pour l'installation classée ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait le CHSCT, si le recours à l'expertise en risques technologiques n'était pas justifié par ce fait, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le CHSCT de la société LYONDELL CHIMIE FRANCE de sa demande tendant à ce que les honoraires d'avocat exposés à l'occasion de la procédure en annulation de la délibération du 14 juin 2010 soient mis à la charge de la société LYONDELL CHIMIE FRANCE ;
Aux motifs que « l'appelant fait valoir que les comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail sont des personnes qui, à la différence des comités d'entreprise, ne disposent d'aucun budget de fonctionnement ni d'aucun fonds propres ; si aucune disposition légale n'est prévue pour les frais de justice en cas de contestation judiciaire de l'expertise par l'employeur, il a été admis par la chambre sociale de la Cour de cassation qu'en l'absence d'abus du droit d'ester en justice l'employeur même s'il ne succombait pas devait supporter les frais de procédure de la contestation de l'expertise ;
L'intimée n'a fait aucune réplique sur ce point ; il y a lieu de faire droit à la demande de prise en charge des frais de la procédure de contestation exposés en cause d'appel par le CHSCT ; en revanche la demande en paiement des honoraires d'avocat n'étant pas chiffrée ne pourra qu'être écartée » ;
Alors qu'en application de l'article L. 4614-13 du code du travail, les frais d'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle en l'absence d'abus du CHSCT sont à la charge de l'employeur ; qu'en retenant, pour débouter le CHSCT de sa demande tendant à ce que les honoraires d'avocat exposés à l'occasion de la procédure en annulation de la délibération du 14 juin 2010 soient mis à la charge de l'employeur, que cette demande n'était pas chiffrée, quand, en l'absence d'abus constaté, elle devait inviter le CHSCT à préciser sa demande, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.