La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2012 | FRANCE | N°11-28088

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 décembre 2012, 11-28088


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président de cour d'appel (Paris, 29 novembre 2011, n° 109), que le juge des libertés et de la détention a autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances occupés par M. X... et Mme Y..., son épouse, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de huit sociétés au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. et Mme X... on

t formé un recours contre le déroulement de ces opérations ;

Attendu que M. e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président de cour d'appel (Paris, 29 novembre 2011, n° 109), que le juge des libertés et de la détention a autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances occupés par M. X... et Mme Y..., son épouse, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de huit sociétés au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. et Mme X... ont formé un recours contre le déroulement de ces opérations ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance d'avoir rejeté leur demande d'annulation des opérations de visite et saisies alors, selon le moyen, qu'en l'absence de toute information des occupants des lieux, dans le cadre desquels se déroulent les opérations de visites et saisies domiciliaires, sur la possibilité qui leur est offerte de recourir au juge des libertés pour qu'il exerce son contrôle sur la régularité des mesures en cours, et sur les modalités pratiques de la saisine de celui-ci, le respect du droit à un procès équitable et à l'égalité des armes n'était pas assuré de manière effective, si bien que le délégataire du premier président n'a pu refuser d'annuler les opérations de visite et saisies sans méconnaître les dispositions des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'aucune disposition de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne prévoit que les occupants des lieux doivent recevoir l'information objet du moyen ; qu'en leur permettant de contester le déroulement des opérations, ce texte leur garantit un contrôle juridictionnel effectif ; qu'ainsi ses dispositions ne contreviennent pas à celles des articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR refusé de déclarer irrégulières les opérations de visites et saisies domiciliaires du 21 octobre 2010 faites par des agents habilités par le directeur général des impôts ou par le directeur général des finances publiques dans des locaux et dépendances sis ..., 75009 PARIS susceptibles d'être occupés par Nicolas X... et/ ou Diane X... née Y... ;

ALORS QUE lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt, elle peut autoriser les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques à effectuer des visites domiciliaires et procéder à des saisies ; qu'il résulte des termes de l'ordonnance du 18 octobre 2010 que le juge des libertés avait autorisé des agents « habilités par le directeur général des impôts ou par le directeur général des finances publiques » ; que le décret n° 98-978 du 2 novembre 1998 relatif à la Direction générale des impôts a été abrogé par le décret n° 2008-310 du 3 avril 2008, si bien que les fonctions de « directeur général des impôts » sont devenues caduques à compter du 4 avril 2008, ce qui a privé de tout fondement juridique les habilitations précédemment données aux agents de l'administration des impôts ; qu'ainsi, à défaut de toute justification d'une habilitation donnée par le directeur général des finances publiques aux agents qui ont été autorisés par celui-ci à effectuer les opérations de visites et saisies domiciliaires en cause, la nullité de ces opérations est encourue par application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et de l'article 6 du décret n° 2008-310 du 3 avril 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR refusé de déclarer irrégulières les opérations de visites et saisies domiciliaires du 21 octobre 2010 faites par des agents habilités par le directeur général des impôts ou par le directeur général des finances publiques dans des locaux et dépendances sis ..., 75009 PARIS susceptibles d'être occupés par Nicolas X... et/ ou Diane X... née Y..., et d'AVOIR rejeté le recours aux fins d'annulation des opérations de visites domiciliaires et de saisies autorisées par l'ordonnance du 18 octobre 2010 du Président du Tribunal de grande instance de PARIS et effectuées le 21 octobre 2010 ;

AUX MOTIFS QUE sur la prétendue absence d'information sur le droit de faire intervenir le juge, que, contrairement à ce qui est soutenu, même si l'article L. 16 B, II d, alinéa 5 du LPF dispose que les opérations de visite et de saisie se déroulent « sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées », ni les agents des impôts présents ni les officiers de police judiciaire présents n'étaient tenus, pour autant, d'informer les personnes dont les locaux ont fait l'objet de la visite et saisie de leur faculté de soumettre toute difficulté au juge des libertés et de la détention ; que son ordonnance, qui mentionne que le contribuable a la faculté de faire appel à un conseil de son choix, sans que cette faculté entraîne la suspension des opérations de visite et de saisie, n'avait pas à énoncer que tout intéressé a le droit de solliciter auprès de lui la suspension ou l'arrêt des opérations autorisées en cas de contestation de leur irrégularité ; qu'il est vrai que le droit d'accès aux tribunaux, garanti par les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme « implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié » (CEDH, 21 février 2008, 3e sect. n° 18497/ 03, Ravon et autres c/ France, § 28) ; que, cependant, les opérations de visite et saisie autorisées par l'ordonnance du JLD satisfont aux exigences de l'article 6 § 1 de la CESDH, dès lors que la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ayant mis en place un recours permettant de contester les ordonnances des juges des libertés et de la détention devant le Premier Président de la Cour d'appel compétent, avant de pouvoir saisir la Cour de cassation, la Cour européenne des droits de l'homme a décidé qu'il n'y avait plus lieu, dans le cas examiné d'une procédure pendante devant la cour d'appel qui jouit en la matière d'une plénitude de juridiction, d'examiner le grief de la requérante tiré du défaut d'accès à un tribunal (CEDH 31/ 08/ 2010 5ème section req. n° 33088/ 08 SAS Arcalin contre la France) ; que concernant l'information sur la faculté de saisir le juge ayant autorisé les opérations pendant le déroulement de celle-ci, il convient de constater que les garanties prévues par la loi et par suite des droits des sociétés faisant l'objet des opérations ont été respectés par les termes de l'ordonnance ainsi que lors de la réalisation des opérations, dès lors :

- que le juge a désigné l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations et de le tenir informé de leur déroulement et qu'il a donné pour instruction particulière aux agents qui participaient à ces opérations de porter à sa connaissance toute difficulté d'exécution, garanties dont le procès-verbal dressé à l'issue des opérations atteste le respect ;

- que les agents ont notifié l'ordonnance en vertu de laquelle ils intervenaient à M. et Mme X..., et qu'ils leur en ont remis copie ainsi que du texte de l'article L. 16 B du LPF, portant ainsi à leur connaissance les garanties prévues par la loi ;

- qu'ils les ont avisés de la faculté d'être assistés d'un conseil, faculté effectivement exercée par les occupants des lieux qui sont entrés en contact téléphonique avec leurs avocats qui se sont présentés à 9 h 45 ;

- qu'aucune mention du procès-verbal clos à 10 h 45 et signé sans observations par le représentant de la société, les agents de l'administration fiscale et l'officier de police judiciaire, n'atteste une quelconque difficulté dans le déroulement des opérations appelant l'intervention du juge ;

qu'enfin, les appelants sollicitent vainement la restitution des documents et des fichiers électroniques saisis le 21 octobre 2010 alors que la lecture du procès-verbal permet de constater qu'il a seulement été procédé à la copie par gravage d'un fichier électronique, et que ce document a été restitué le 25 février 2011, dans le délai de la loi, de sorte que la demande de restitution présentée est sans objet ; que les conclusions déposées le 19 septembre 2011 au nom de M. et Mme X... et de la Société ALPHA ASSOCIES CONSEIL, qui ont pour objet l'annulation de l'ordonnance d'autorisation qui fait, par ailleurs, l'objet d'une instance distincte et alors que la Société ALPHA ASSOCIES CONSEIL a, de son côté, formé un recours distinct contre les opérations de visite et saisie, doivent être rejetées ;

ALORS QU'en l'absence de toute information des occupants des lieux, dans le cadre desquels se déroulent les opérations de visites et saisies domiciliaires, sur la possibilité qui leur est offerte de recourir au juge des libertés pour qu'il exerce son contrôle sur la régularité des mesures en cours, et sur les modalités pratiques de la saisine de celui-ci, le respect du droit à un procès équitable et à l'égalité des armes n'était pas assuré de manière effective, si bien que le délégataire du Premier Président n'a pu refuser d'annuler les opérations de visite et saisies sans méconnaître les dispositions des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-28088
Date de la décision : 04/12/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Déroulement des opérations - Contrôle par le juge des libertés - Modalités de la saisine du juge - Obligation d'en informer les occupants des lieux (non)

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Déroulement des opérations - Faculté de contestation - Convention européenne des droits de l'homme - Compatibilité

Aucune disposition de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne prévoit que les occupants des lieux doivent recevoir une information sur la possibilité qui leur est offerte de recourir au juge des libertés pour qu'il exerce son contrôle sur la régularité des mesures en cours et sur les modalités pratiques de la saisine de celui-ci, la faculté de contester le déroulement des opérations prévue par ce texte leur garantissant un contrôle juridictionnel effectif au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales


Références :

article L. 16 B du livre des procédures fiscales

articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 déc. 2012, pourvoi n°11-28088, Bull. civ. 2012, IV, n° 220
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 220

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.28088
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award