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04/12/2012 | FRANCE | N°11-14592

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 décembre 2012, 11-14592


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 janvier 2011), que M. et Mme X... ont été condamnés à payer certaines sommes à l'administration des douanes ; que celle-ci les a fait assigner, à l'effet d'obtenir, par la voie oblique, leur retrait de la société Gedinvest et de pouvoir ainsi saisir dans leur patrimoine le montant du remboursement de la valeur de leurs parts sociales ;
Attendu que l'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, a

lors, selon le moyen :
1°/ que les créanciers peuvent exercer tous les d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 janvier 2011), que M. et Mme X... ont été condamnés à payer certaines sommes à l'administration des douanes ; que celle-ci les a fait assigner, à l'effet d'obtenir, par la voie oblique, leur retrait de la société Gedinvest et de pouvoir ainsi saisir dans leur patrimoine le montant du remboursement de la valeur de leurs parts sociales ;
Attendu que l'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les créanciers peuvent exercer tous les droits de leur débiteur, à la seule exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la société Gedinvest aux motifs qu'il ne s'agirait que d'une simple faculté pour l'associé débiteur et que ses créanciers ne pourraient l'obliger à s'exclure d'une société de personnes, quand le retrait d'une société civile revêt la nature d'une prérogative consacrée par la loi et ne crée pas de droits ou d'obligations à la charge de son bénéficiaire, de sorte qu'elle constitue un véritable " droit " pouvant être exercé obliquement par les créanciers, la cour d'appel a violé les articles 1166 et 1869 du code civil ;
2°/ que les droits exclusivement attachés à la personne qui ne peuvent être exercés par la voie oblique par les créanciers sont ceux dont l'exercice est exclusivement subordonné à des considérations d'ordre moral ou familial ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la société Gedinvest au motif que ce droit serait strictement personnel, quand le droit de retrait d'une société civile, droit attaché à la qualité d'associé et lui permettant de ne pas rester indéfiniment prisonnier de la société, ne se fonde pas sur l'existence de liens d'ordre moral ou familial, n'a pas trait à l'intimité de l'associé et peut être exercé pour des raisons d'ordre purement économique, ce dont il résulte qu'il ne peut être qualifié de droit " exclusivement attaché à la personne ", la cour d'appel a violé les articles 1166 et 1869 du code civil ;
3°/ que l'action oblique ne présente pas un caractère subsidiaire et peut être exercée alors même que le créancier dispose d'une voie d'exécution directe à l'encontre du débiteur ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la société Gedinvest au motif qu'elle pouvait exercer toute mesure d'exécution forcée sur les parts détenues par les époux X... dans cette société, la cour d'appel a violé l'article 1166 du code civil ;
4°/ que l'administration des douanes avait fait valoir dans ses conclusions que " l'échéancier mis en place avec le trésor public concerne une dette d'un montant de 30 090, 00 euros " correspondant " au montant de l'amende délictuelle mise à la charge de chacun des époux ", de sorte qu'" il n'y a pas eu de transaction concernant (les) condamnations " dues à l'administration des douanes, que les affirmations des époux X... selon lesquelles ils bénéficieraient d'un échéancier scrupuleusement respecté étaient " parfaitement mensongères " et qu'il n'y avait " aucun échéancier opposable à la concluante à ce jour " (conclusions récapitulatives n° 2 déposées le 9 juin 2010, p. 6, pénultième §, p. 7, § 1 et 7 et p. 12, § 3) ; qu'en affirmant, dès lors, que l'administration des douanes ne contestait pas que les époux X... respectaient le plan d'apurement mis en place, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'administration douanière et a, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ qu'en toute hypothèse, l'action oblique peut être exercée par le créancier dès lors que l'inaction du débiteur lui cause un préjudice ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la société Gedinvest au motif qu'elle aurait accepté un plan de règlement échelonné et qu'elle ne contesterait pas que ce plan serait respecté, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les quelques versements opérés par les époux X... laissaient impayée la grande majorité de leur dette, ce qui causait un préjudice à l'administration des douanes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1166 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant exactement retenu que le droit de retrait prévu par les statuts de la société Gedinvest, de même que par l'article 1869 du code civil, est strictement personnel, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit qu'il ne pouvait être exercé par l'administration des douanes aux lieu et place de M. et Mme X... ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt se trouvant légalement justifié par le motif vainement critiqué par les deux premières branches, les trois dernières branches s'attaquent à des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'administration des douanes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'administration des douanes et droits indirects de ses demandes tendant à l'exercice, aux lieu et place de Monsieur Georges X... et de son épouse, Madame Eliane Y..., de leur droit de retrait de la SCP GEDINVEST ;
AUX MOTIFS QUE par conclusions du 8 septembre 2009, l'administrateur des douanes et droits indirects demande l'infirmation du jugement rendu le 10 mars 2009 par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE et reprend les prétentions qu'il avait vainement fait valoir devant les premiers juges ; qu'à l'appui de son appel, l'administration des douanes explique, comme elle l'avait déjà fait devant le Tribunal, que la saisie, dans le patrimoine des époux X..., de parts d'une société civile particulière constituée entre les membres d'une même famille ne lui assurerait pas le recouvrement de sa créance, de telles parts étant impossibles à négocier par un tiers, en dehors du cercle familial, qu'elle préfère donc agir par la voie oblique, de façon à pouvoir percevoir la valeur de rachat de ces titres par la société elle-même, qu'en effet, l'article 14 des statuts de la société GEDINVEST permet à un associé de se retirer totalement ou partiellement de la société « après autorisation donnée par la collectivité des associés, statuant comme en matière ordinaire » ; que toujours d'après elle, les dispositions des articles 1166 et 1869 lui permettraient d'exercer ce droit de retrait à la place des époux X... qui, volontairement, s'abstiennent d'user de cette possibilité ;
ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en rejetant les demandes de l'administration des douanes au visa des conclusions qu'elle avait déposées le 8 septembre 2009, quand cette administration avait déposé le 9 juin 2010 des « conclusions récapitulatives n° 2 » complétant sa précédente argumentation, la Cour d'appel, qui n'a pas pris ainsi en considération dans sa motivation les dernières conclusions déposées par l'administration des douanes, a violé les articles 455, al. 1er et 954, al. 2 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'administration des douanes et droits indirects de ses demandes tendant à l'exercice, aux lieu et place de Monsieur Georges X... et de son épouse, Madame Eliane Y..., de leur droit de retrait de la SCP GEDINVEST ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le Tribunal a refusé de suivre l'analyse de l'administration des douanes, en observant que l'inaction des époux X... « … ne compromet nullement les droits de la demanderesse, dès lors qu'elle peut exercer toutes mesures d'exécution forcée sur les parts détenues par … » eux ; qu'il ajoute que l'administration des douanes aurait accepté des règlements échelonnés (ce qui est contesté), ce qui s'opposerait également à l'exercice de l'action oblique ; que, ceci exposé, si l'article 1166 du Code civil permet au créancier « d'exercer tous les droits et action de … son débiteur », il ne lui offre pas pour autant la possibilité d'obliger celui-ci à s'exclure d'une société de personnes, ni encore moins d'obliger ses associés à accepter ce retrait ; que le droit de retrait prévu par les statuts de ladite société, de même que par l'article 1869 du Code civil est en effet strictement personnel et ne peut donc être exercé, par la voie oblique, à la place de l'associé ; qu'il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel, dont la Cour adopte par ailleurs les motifs ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 1166 du Code civil dispose : « Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne » ; qu'il est constant que l'exercice de l'action oblique suppose l'inaction du débiteur compromettant les droits des créanciers ; que ces derniers ne peuvent pour autant se substituer au débiteur dans ses pouvoirs de gestion et d'administration ; qu'enfin, ils ne peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur dont l'exercice est subordonné à des considérations personnelles d'ordre moral ou familial ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l'administration des douanes et droits indirects dispose contre Monsieur Georges X... et Madame Eliane Y..., épouse X..., d'une créance certaine, liquide et exigible ; que l'article 14 des statuts de la société GEDINVEST prévoit : « Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, après autorisation donnée par la collectivité des associés statuant comme en matière extraordinaire. A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9, alinéa 9 du Code civil, l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du Code civil » ; qu'ainsi, Monsieur Georges X... et son épouse, Madame Eliane Y..., qui détiennent chacun 7. 500 parts sociales, ont la faculté de se retirer à tout moment de la société précitée et se verront dès lors rembourser la valeur de leurs parts ; qu'ils n'ont pas exercé cette faculté ; que pour autant cette inaction ne compromet nullement les droits de la demanderesse dès lors qu'elle peut exercer toute mesure d'exécution forcée sur les parts détenues par les époux X..., qu'elle a accepté le 16 décembre 2005 la proposition faite par ces derniers de régler de manière échelonnée leur dette et qu'elle ne conteste pas que les défendeurs respectent le plan d'apurement mis en place ; qu'ainsi, entre janvier 2006 et novembre 2007, Monsieur Georges X... a réglé une somme de euros et son épouse la somme de 7. 250 euros ; qu'enfin, il convient de souligner que si le plan de règlement accepté par la demanderesse prévoyait le paiement de mensualités de 250 euros, les époux X... versent très régulièrement une somme bien supérieure (de 500 à 1000 euros) de manière à solder leur dette plus rapidement ; que, dès lors, les conditions d'exercice de l'action oblique n'étant pas réunies, il convient de débouter l'administration des douanes et droits indirects de ses demandes ;
1°) ALORS QUE les créanciers peuvent exercer tous les droits de leur débiteur, à la seule exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la SCP GEDINVEST aux motifs qu'il ne s'agirait que d'une simple faculté pour l'associé débiteur et que ses créanciers ne pourraient l'obliger à s'exclure d'une société de personnes, quand le retrait d'une société civile revêt la nature d'une prérogative consacrée par la loi et ne crée pas de droits ou d'obligations à la charge de son bénéficiaire, de sorte qu'elle constitue un véritable « droit » pouvant être exercé obliquement par les créanciers, la Cour d'appel a violé les articles 1166 et 1869 du Code civil ;
2°) ALORS QUE les droits exclusivement attachés à la personne qui ne peuvent être exercés par la voie oblique par les créanciers sont ceux dont l'exercice est exclusivement subordonné à des considérations d'ordre moral ou familial ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la SCP GEDINVEST au motif que ce droit serait strictement personnel, quand le droit de retrait d'une société civile, droit attaché à la qualité d'associé et lui permettant de ne pas rester indéfiniment prisonnier de la société, ne se fonde pas sur l'existence de liens d'ordre moral ou familial, n'a pas trait à l'intimité de l'associé et peut être exercé pour des raisons d'ordre purement économique, ce dont il résulte qu'il ne peut être qualifié de droit « exclusivement attaché à la personne », la Cour d'appel a violé les articles 1166 et 1869 du Code civil ;
3°) ALORS QUE l'action oblique ne présente pas un caractère subsidiaire et peut être exercée alors même que le créancier dispose d'une voie d'exécution directe à l'encontre du débiteur ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la SCP GEDINVEST au motif qu'elle pouvait exercer toute mesure d'exécution forcée sur les parts détenues par les époux X... dans cette société, la Cour d'appel a violé l'article 1166 du Code civil ;
4°) ALORS QUE l'administration des douanes avait fait valoir dans ses conclusions que « l'échéancier mis en place avec le TRESOR PUBLIC concerne une dette d'un montant de 30. 090, 00 € » correspondant « au montant de l'amende délictuelle mise à la charge de chacun des époux », de sorte qu'« il n'y a pas eu de transaction concernant (les) condamnations » dues à l'administration des douanes, que les affirmations des époux X... selon lesquelles ils bénéficieraient d'un échéancier scrupuleusement respecté étaient « parfaitement mensongères » et qu'il n'y avait « aucun échéancier opposable à la concluante à ce jour » (conclusions récapitulatives n° 2 déposées le 9 juin 2010, p. 6, pénultième §, p. 7, § 1 et 7 et p. 12, § 3) ; qu'en affirmant, dès lors, que l'administration des douanes ne contestait pas que les époux X... respectaient le plan d'apurement mis en place, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'administration douanière et a, ainsi, violé l'article 1134 du Code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'action oblique peut être exercée par le créancier dès lors que l'inaction du débiteur lui cause un préjudice ; qu'en refusant à l'administration des douanes le droit d'exercer par la voie oblique le droit de retrait des époux X... de la SCP GEDINVEST au motif qu'elle aurait accepté un plan de règlement échelonné et qu'elle ne contesterait pas que ce plan serait respecté, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les quelques versements opérés par les époux X... laissaient impayée la grande majorité de leur dette, ce qui causait un préjudice à l'administration des douanes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1166 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-14592
Date de la décision : 04/12/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Associés - Retrait - Qualification - Droit exclusivement attaché à la personne de l'associé - Effets - Droit non susceptible d'être exercé par un créancier de cet associé

ACTION OBLIQUE - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Droits et actions exclusivement attachés à la personne du débiteur - Applications diverses

Le droit de retrait prévu par l'article 1869 du code civil est exclusivement attaché à la personne de l'associé, de sorte que ce droit ne peut être exercé par l'administration des douanes aux lieu et place de son titulaire


Références :

articles 1166 et 1869 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 déc. 2012, pourvoi n°11-14592, Bull. civ. 2012, IV, n° 222
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 222

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: M. Grass
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14592
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