LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... exerçait les fonctions salariées de directeur de l'un des établissements de la société anonyme d'expertise comptable et de commissariat aux comptes Comptafrance, filiale de la société Comptafrance Holding ; qu'un plan d'épargne d'entreprise a été établi en 1998 dans les sociétés du groupe ; que M. X... y a adhéré et est devenu titulaire de onze mille deux cent soixante-quatorze actions de la société Comptafrance Holding ; qu'en sa qualité d'actionnaire, il s'est engagé, en signant la " charte des associés du groupe Comptafrance ", en cas de départ de la société, à céder, par une promesse de vente irrévocable prenant effet le jour suivant la cessation des fonctions salariées, toutes les actions qu'il détenait, au profit des membres du conseil d'administration de la société Comptafrance Holding ou de toute autre personne, physique ou morale s'y substituant ; que la charte prévoyait une méthode de calcul du prix de cession de l'action ; que le 30 décembre 2002, M. X... a donné sa démission de ses fonctions salariées, avec prise d'effet au 30 juin 2003 ; que M. X... a refusé le prix de cession qui lui était proposé ; que, par acte du 20 décembre 2004, les sociétés Comptafrance, Comptafrance Holding et Foncière du Val-d'Auron, Mmes Y..., Z..., A..., B...et C...et MM. D..., E..., F..., G..., H..., I...et J... ont fait assigner M. X... aux fins d'obtenir la cession de ses titres pour la somme de 193 385, 59 euros ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de fixer à 191 545, 26 euros la somme due au titre de l'acquisition des onze mille deux cent soixante-quatorze actions de la société Comptafrance Holding et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 n'étaient pas conformes aux dispositions d'ordre public de l'article L. 443-5 ancien du code du travail (devenu l'article L. 3332-20), qui précisent, en leur alinéa premier, que « lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » ; qu'en réponse, la société Comptafrance Holding et ses associés se bornaient à faire valoir que dispositions de ce texte étaient sans application aux cessions de titres conclues entre associés et n'étaient pas d'ordre public, de sorte qu'il aurait été permis aux associés d'y déroger dans le cadre de la charte des associés sus-mentionnée ; qu'en relevant dès lors d'office le moyen tiré de ce que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 auraient été conformes aux dispositions de l'article L. 443-5 ancien du code du travail, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que les critères de détermination du prix de cession des actions de sociétés non-cotées fixés par l'article L. 443-5 ancien du code du travail (devenu l'article L. 3332-20), dans sa rédaction issue de la loi du 19 février 2001, sont hiérarchisés ; qu'ainsi, ce n'est qu'« à défaut » de pouvoir fixer le prix de cession de ces actions « conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » qu'il est, par dérogation, permis de déterminer ce prix d'après le montant de l'actif net réévalué divisé par le nombre de titres ; qu'en jugeant au contraire que ce texte aurait ouvert une option entre les deux critères d'évaluation successivement énoncés, pour en déduire que la clause de la charte des associés du groupe Comptafrance prescrivant l'évaluation des actions de la société d'après la valeur nette comptable de la société divisé par le nombre de titres aurait été conforme au texte susvisé, la cour d'appel l'a violé par fausse interprétation ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 443-5 du code du travail, devenu l'article L. 3332-20 du même code, dans sa version alors applicable, ne concernant pas la cession par le salarié, des actions qu'il détient au sein d'un plan d'épargne d'entreprise, le moyen tiré de la violation de ce texte est inopérant ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1843-4 du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que M. X... invoque à tort les dispositions de l'article 1843-4 du code civil puisque les parties n'ont aucunement convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties, le 1er avril 2010 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Comptafrance, Comptafrance Holding et Foncière du Val-d'Auron, Mmes Y..., Z..., A..., B...et C...et MM. D..., E...
F..., G..., H..., I...et J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. Bruno X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à 191. 545, 26 € la somme due à Monsieur X... au titre de l'acquisition des 11. 274 actions de la société COMPTAFRANCE HOLDING dont il était détenteur et d'AVOIR en conséquence débouté M. X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que les appelants demandent à la Cour de dire que c'est à tort que le jugement du 13 janvier 2009 a retenu la valorisation des 11. 274 actions détenues par Monsieur X... à 400. 000 euros, montant retenu par l'expert judiciaire alors qu'il convient d'en fixer le prix définitif à 191. 545, 26 euros, en application des conventions régulièrement conclues entre les parties ; que, ce prix ayant été réglé le 20 juin 2006, Monsieur X... doit être condamné à restituer toutes sommes supplémentaires perçues en exécution du jugement déféré ; que les appelants soutiennent que la valorisation du prix de cession doit être effectuée, conformément aux stipulations contractuelles prévues dans la chartre des associés du 25 septembre 2000 et dans son avenant du 19 décembre 2002 ; que l'expert a appliqué à tort la méthode de valorisation prévue à l'article L. 443-5 alinéa 3 du Code du travail (devenu article L. 332-20) alors que cette législation qui n'est pas d'ordre public ne doit pas conduire à écarter les stipulations conventionnelles ; qu'il est par ailleurs licite d'appliquer une méthode de calcul du prix de cession de droits sociaux détenus à travers un plan d'épargne d'entreprise différente de la méthode de calcul du prix de souscription ; Considérant que Monsieur X... demande à la Cour de confirmer le jugement déféré ; qu'il considère que l'expert a parfaitement rempli sa mission en appliquant les dispositions de l'article L. 443-5 du Code du travail (devenu article L. 3332-20) relatives au fonctionnement du PEE et qui préconisent des méthodes d'évaluation objectives ; Mais considérant que la chartre des associés du groupe COMPTAFRANCE datée du 25 septembre 2000 et signée par Monsieur X..., comporte un chapitre 6 B) relatif au « Prix des actions et parts objets des transactions éventuelles et des promesses de vente » ; qu'il y est spécifié que : le prix de l'action de la société COMPTAFRANCE HOLDING est égal à la valeur de la société COMPTAFRANCE HOLDING obtenue comme définie ci-après divisée par le nombre d'actions de la société COMPTAFRANCE HOLDING. *Actif net de la société COMPTAFRANCE HOLDING tel qu'il figure au dernier bilan clos avant la date de cession. *Augmenté de la plus-value latente égale à la différence entre la valeur d'acquisition des actions de la société COMPTAFRANCE HOLDING sert également de base pour la détermination de la prime d'émission lors d'une augmentation de capital réservée aux « Associés COMPTAFRANCE » et « Partenaires COMPTAFRANCE », actuels ou futurs, sauf accord particulier de l'assemblée après avis du comité de Direction et sur proposition du Conseil d'Administration. Les prix déterminées comme définis ci-dessus sont les prix conventionnels des transactions et promesses de cession évoquées dans le chapitre 2, ces prix étant fixés conformément à la réglementation régissant le fonctionnement du Plan d'Epargne d'Entreprise mis en place dans le groupe COMPTAFRANCE-COMPTAFRANCE HOLDING ; Que selon l'avenant du 19 décembre 2002 : le prix de l'action de la société COMPTAFRANCE HOLDING est égal à la valeur de la société COMPTAFRANCE HOLDING obtenue comme définie ci-après divisée par le nombre d'actions de la société COMPTAFRANCE HOLDING émises après l'affectation du résultat du dernier exercice clos avant la date de cession. *Actif net de la société COMPTAFRANCE HOLDING tel qu'il figure au dernier bilan clos avant la date de cession, corrigé de l'affectation du résultat du dernier exercice clos avant la date de cession … *Augmenté de la plus value latente égale à la différence entre la valeur d'acquisition des actions de la société COMPTAFRANCE ou des autres filiales et la valeur déterminée comme précisé ci-dessus ; Considérant que les dispositions de l'article L. 443-5 devenu L. 3332-20 du Code du travail, applicables aux augmentations de capital réservées aux adhérents du plan d'épargne d'entreprise, donnent une méthode de valorisation du prix de cession et précisent « qu'à défaut, le prix de cession est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l'actif net réévalué d'après le bilan le plus récent » ; que ces dernières dispositions correspondent précisément à al méthode contractuelle de valorisation qui n'est dès lors pas contraire à la loi ; qu'il s'ensuit que l'expert, dont la mission ne portait pas sur l'évaluation des titres au sens de l'ancien article R. 442-8 du Code du Travail, mais sur un avis technique relatif à la valeur des actions détenues par Monsieur X..., n'avait pas à écarter les stipulations contractuelles au profit de la première méthode d'évaluation prévue par l'article L. 443-5 devenu L. 333-20 du Code du travail ; Considérant que Monsieur X... invoque également à tort les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil puisque les parties n'ont aucunement convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions ; Considérant que les appelantes sont dés lors bien fondées à réclamer l'infirmation du jugement et la fixation à 191. 545, 26 euros de la somme due à Monsieur X... au titre de l'acquisition des 11. 274 actions COMPTAFRANCE HOLDING dont il était détenteur, la somme ainsi chiffrée correspondant à la valorisation des titres en application de la chartre des associés du 25 septembre 2000 modifiée par l'avenant du 19 décembre 2002 ; que cette somme a déjà été versée) Monsieur X... en exécution du jugement prononcé le 26 mars 2006 par le Tribunal de commerce de PARIS ».
1. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la Charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 n'étaient pas conformes aux dispositions d'ordre public de l'article L. 443-5 ancien du Code du travail (devenu l'article L. 3332-20), qui précisent, en leur alinéa premier, que « lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » ; qu'en réponse, la société Comptafrance holding et ses associés se bornaient à faire valoir que dispositions de ce texte étaient sans application aux cessions de titres conclues entre associés et n'étaient pas d'ordre public, de sorte qu'il aurait été permis aux associés d'y déroger dans le cadre de la Charte des associés sus-mentionnée ; qu'en relevant dès lors d'office le moyen tiré de ce que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la Charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 auraient été conformes aux dispositions de l'article L. 443-5 ancien du Code du travail, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les critères de détermination du prix de cession des actions de sociétés non-cotées fixés par l'article L. 443-5 ancien du Code du travail (devenu l'article L. 3332-20), dans sa rédaction issue de la loi du 19 février 2001, sont hiérarchisés ; qu'ainsi, ce n'est qu'« à défaut » de pouvoir fixer le prix de cession de ces actions « conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » qu'il est, par dérogation, permis de déterminer ce prix d'après le montant de l'actif net réévalué divisé par le nombre de titres ; qu'en jugeant au contraire que ce texte aurait ouvert une option entre les deux critères d'évaluation successivement énoncés, pour en déduire que la clause de la Charte des associés du groupe Comptafrance prescrivant l'évaluation des actions de la société d'après la valeur nette comptable de la société divisé par le nombre de titres aurait été conforme au texte susvisé, la Cour d'appel l'a violé par fausse interprétation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à 191. 545, 26 € la somme due à Monsieur X... au titre de l'acquisition des 11. 274 actions de la société COMPTAFRANCE HOLDING dont il était détenteur et d'AVOIR en conséquence débouté M. X... de ses demandes ;
AU MOTIF QUE M. X... invoque également à tort les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil puisque les parties n'ont aucunement convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions ;
ALORS QUE dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou leur rachat par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit, à défaut d'accord entre elles, par le juge des référés, l'expert étant alors libre déterminer les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits ; qu'en l'espèce, M. X... rappelait dans ses conclusions qu'aux termes de la « Charte des associés du groupe Comptafrance », convention assimilable à un acte statutaire dès lors qu'il avait été convenu que la charte « s'imposerait à tous les associés et aux futurs associés » et qu'elle serait « modifiable à la majorité des voix des deux tiers par le Comité de Direction », il avait été stipulé que tout associé dont le contrat de travail avec la société viendrait à être rompu pour quelque cause que ce soit serait tenu de céder ses actions au profit des membres du Conseil d'administration de la société ou de toute personne que ceux-ci se substitueraient ; qu'en déniant néanmoins à M. X... le droit de faire trancher la contestation relative au prix de rachat de ses actions selon la procédure prévue par l'article 1843-4 du Code civil, au motif inopérant que les parties n'avaient aucunement convenu, en cas de désaccord, de faire désigner un expert pour la détermination de ce prix, la Cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application.