LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 octobre 2011), que l'enfant B..., née le 4 avril 2005 en Haïti, a fait l'objet, le 25 novembre 2009, d'une décision haïtienne d'adoption simple par les époux X... ; que, suite au séisme du 12 janvier 2010, l'enfant a bénéficié d'un sauf-conduit délivré par le Gouvernement français pour entrer sur le territoire ; que ses parents ont comparu une seconde fois, le 12 avril 2010, devant un notaire et ont consenti à ce que leur enfant puisse faire l'objet d'une adoption plénière ; que ce dernier document n'est pas légalisé ; que les époux X... ont déposé, le 7 octobre 2010, une requête aux fins d'adoption plénière ;
Attendu qu'ils font grief à l'arrêt de la rejeter, alors, selon le moyen :
1°/ que si la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France est obligatoire, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, une telle exigence de légalisation ne saurait concerner le consentement spécifique donné par les parents biologiques en vue de l'adoption plénière d'un enfant faisant déjà l'objet d'une adoption simple, dès lors que ce consentement spécifique à l'adoption plénière, constaté par acte notarié, ne constitue pas un acte d'état civil ; qu'en rejetant en l'espèce la demande d'adoption plénière de l'enfant B... par les époux X..., qui produisaient pourtant le consentement spécifique, libre et éclairé à l'adoption plénière de l'enfant, reçu en la forme notariée, émanant des parents biologiques de B..., au seul constat que « la gravité des conséquences de cet acte public est telle qu'elle impose de le considérer comme soumis aux règles de la légalisation des actes de l'état civil » cependant que le consentement à l'adoption plénière d'un enfant n'est pas un acte de l'état civil soumis à l'exigence de légalisation, la cour d'appel a violé les articles 370-3 et 370-5 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que la preuve du consentement à l'adoption plénière donné par les parents biologiques d'un enfant peut être apportée par tous moyens ; que si l'adoption plénière requiert le consentement libre et éclairé du représentant légal de l'enfant sur les conséquences de cette adoption-et notamment sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant-la loi française ne prescrit aucune exigence de forme quant à la matérialité de ce consentement ; qu'il faut ainsi, mais il suffit, pour faire produire son plein effet à un consentement donné en toute connaissance de cause, dont l'existence est relatée dans un acte authentique, que la volonté libre et éclairée du représentant légal de l'enfant de rompre tout lien de filiation préétabli en résulte sans équivoque ; qu'en soumettant en l'espèce la demande d'adoption plénière formée par les époux X... à la formalité de la légalisation du consentement spécifique et éclairé à l'adoption plénière donné en toute connaissance de cause par les parents biologiques de l'enfant et contenu dans un acte authentique, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et a violé les articles 370-3 et 370-5 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en rejetant en l'espèce la demande de conversion de l'adoption simple en adoption plénière formée par les époux X... sans rechercher si l'intérêt supérieur de l'enfant B...- qui n'a jamais eu de contacts avec ses parents biologiques, lesquels l'avaient confiée à un foyer d'accueil en Haïti et avaient donné leur consentement exprès et éclairé à la rupture de tout lien de filiation préexistant-et dont il est justifié qu'elle a trouvé au sein de son nouveau foyer les conditions nécessaires à son développement harmonieux, ne commandait pas la conversion de l'adoption simple en une adoption plénière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 directement applicable ;
Mais attendu que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits devant les juridictions françaises doivent au préalable, selon la coutume internationale et sauf Convention internationale contraire, être légalisés pour y produire effet ; que la cour d'appel, s'agissant d'un acte public soumis à légalisation a, à bon droit, en l'absence de Convention internationale contraire, rejeté la requête en adoption plénière des époux X... faute de légalisation de l'acte litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour les époux X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande d'adoption plénière de B...
Y..., fille de Wilner Y... et Angeline Z..., présentée par les époux Bruno X... et Valérie née C... ;
AUX MOTIFS QU'« l'enfant B... a fait l'objet d'une adoption simple en Haïti le 25 novembre 2009 à la suite d'un premier consentement ad hoc donné par ses parents biologiques. Après transcription en Haïti et en France de cette adoption simple, ils désirent à présent une adoption plénière ; que le raisonnement tenu par les époux Bruno et Valérie X... ne convainc pas la Cour, quelle que soit par ailleurs sa qualité, tant en la forme qu'au fond ; qu'en effet ils indiquent qu'un nouveau consentement, cette fois en vue d'une adoption plénière, a été donné le 12 avril 2010 par les parents biologiques devant Maître A..., notaire à Pétion-Ville (Haïti) et que ce notaire a vérifié la réalité et la sincérité de ce consentement qu'ils prennent pour ainsi établi ; que cette personne présentée comme notaire aurait rédigé un acte authentique constatant un accord ayant pour but d'interférer directement sur l'état de la personne concernée, l'enfant dont la filiation antérieure serait effacée de l'état civil ; que la Cour considère que la gravité des circonstances de cet acte public est telle qu'elle impose de le considérer comme soumis aux règles de la légalisation des actes de l'état civil ; qu'elle se range de la sorte à l'avis rendu le 4 avril 2011 par la Cour de cassation estimant avoir déjà répondu à la question de la nécessité d'une telle légalisation dans l'hypothèse d'un consentement notarié à adoption ; or, en l'espèce, non seulement cette légalisation n'existe pas, ôtant toute force probante à l'acte en question, mais encore ce consentement contient intrinsèquement une cause de doute. En effet, il a été recueilli dans un pays où un tel effacement des mentions d'état civil n'est pas légal, si bien que les parents biologiques et le notaire vivent dans un environnement judiciaire contraire à leurs écritures ; que la nécessité de la vérification s'impose davantage que dans un système judiciaire accoutumé à pareille notion ; que par ailleurs, ce consentement contredit le précédent, du 12 avril 2009, effectué en justice et limité à l'adoption simple ; que cela implique ou bien un changement d'avis des parents biologiques d'abord désireux de ne pas couler les liens de filiation, puis désireux de le faire ; ou bien leur volonté de frauder la loi locale en faisant d'abord croire à leur consentement limité afin d'obtenir une adoption simple, qui serait ensuite élargie grâce au nouveau consentement ; qu'en toute hypothèse, la Cour considère comme essentielle la vérification de la réalité et de la portée du second consentement ; que l'absence de légalisation n'en est que plus dommageable et cet écrit ne présente pas les garanties probatoires suffisantes ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, il ne s'agit pas de faire passer la loi française sous la férule de la loi haïtienne mais de constater que la condition exigée par la loi française relative au consentement des parents biologiques n'est pas remplie ; qu'il n'existe aucune discrimination entre enfants, ni selon la date d'engagement de la procédure d'adoption ni selon leur ressort géographique, parce qu'il n'y a, pour toute la République, qu'une Cour de cassation veillant à l'application et au respect de la loi ; que la décision déférée sera en conséquence infirmée et la requête en adoption plénière rejetée » ;
1°/ ALORS QUE si la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France est obligatoire, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, une telle exigence de légalisation ne saurait concerner le consentement spécifique donné par les parents biologiques en vue de l'adoption plénière d'un enfant faisant déjà l'objet d'une adoption simple, dès lors que ce consentement spécifique à l'adoption plénière, constaté par acte notarié, ne constitue pas un acte d'état civil ; qu'en rejetant en l'espèce la demande d'adoption plénière de l'enfant B... par les époux X..., qui produisaient pourtant le consentement spécifique, libre et éclairé à l'adoption plénière de l'enfant, reçu en la forme notariée, émanant des parents biologiques de B..., au seul constat que « la gravité des conséquences de cet acte public est telle qu'elle impose de le considérer comme soumis aux règles de la légalisation des actes de l'état civil » cependant que le consentement à l'adoption plénière d'un enfant n'est pas un acte de l'état civil soumis à l'exigence de légalisation, la Cour d'appel a violé les articles 370-3 et 370-5 du Code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ ALORS QUE la preuve du consentement à l'adoption plénière donné par les parents biologiques d'un enfant peut être apportée par tous moyens ; que si l'adoption plénière requiert le consentement libre et éclairé du représentant légal de l'enfant sur les conséquences de cette adoption-et notamment sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant-la loi française ne prescrit aucune exigence de forme quant à la matérialité de ce consentement ; qu'il faut ainsi, mais il suffit, pour faire produire son plein effet à un consentement donné en toute connaissance de cause, dont l'existence est relatée dans un acte authentique, que la volonté libre et éclairée du représentant légal de l'enfant de rompre tout lien de filiation préétabli en résulte sans équivoque ; qu'en soumettant en l'espèce la demande d'adoption plénière formée par les époux X... à la formalité de la légalisation du consentement spécifique et éclairé à l'adoption plénière donné en toute connaissance de cause par les parents biologiques de l'enfant et contenu dans un acte authentique, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et a violé les articles 370-3 et 370-5 du Code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3°/ ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en rejetant en l'espèce la demande de conversion de l'adoption simple en adoption plénière formée par les époux X... sans rechercher si l'intérêt supérieur de l'enfant B... – qui n'a jamais eu de contacts avec ses parents biologiques, lesquels l'avaient confiée à un foyer d'accueil en Haïti et avaient donné leur consentement exprès et éclairé à la rupture de tout lien de filiation préexistant – et dont il est justifié qu'elle a trouvé au sein de son nouveau foyer les conditions nécessaires à son développement harmonieux, ne commandait pas la conversion de l'adoption simple en une adoption plénière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 directement applicable.