LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X... et à l'association des locataires du 118 rue La Fayette du désistement de leur pourvoi formé contre Mme Y... ;
Sur le moyen unique :
Vu les dispositions des accords collectifs du 9 juin 1998 rendus obligatoires par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 et notamment ses articles 1.1 et 2.2, ensemble l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2011), que la Société immobilière de Paris Poissonnière (la SIPP), propriétaire d'un immeuble qu'elle souhaitait vendre par lots, après avoir tenu une réunion d'information le 22 mars 2005, a notifié à M. et Mme X..., locataires d'un appartement dans cet immeuble, une offre de vente au visa de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 ; que M. et Mme X... ont assigné la SIPP en nullité de cette offre au motif que la bailleresse n'avait pas satisfait à l'obligation d'information prescrite par l'accord collectif du 9 juin 1998 ;
Attendu que pour rejeter cette demande et dire que la SIPP a satisfait à son obligation d'information, l'arrêt retient que le 11 mars 2005, date à laquelle le propriétaire a fait part aux locataires de son intention de procéder à la mise en vente de l'immeuble, et le 22 mars 2005, date de la réunion générale d'information, l'association des locataires n'était pas constituée et que cette situation excluait sa participation aux modalités de réalisation du diagnostic technique ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la SIPP avait été informée dès le 7 avril 2005 de la constitution d'une association de locataires, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la bailleresse était en mesure d'examiner avec cette association les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société immobilière de Paris Poissonnière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société immobilière de Paris Poissonnière à payer à M. et Mme X... et l'association des locataires du 118 rue La Fayette la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la Société immobilière de Paris Poissonnière ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et l'association Des Locataires du 118 rue La Fayette.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté des locataires (dont M. et Mme X..., exposants) constitués en association (celle des locataires du 118 rue Lafayette, également exposante) de leur demande tendant à voir déclarer nulle les offres de vente notifiées par le propriétaire de l'immeuble (la SIPP) dans le cadre d'une opération de vente à la découpe, et de les avoir validées ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'examen des modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques, avec ou sans l'association de locataires, et sur l'information des locataires au sujet de l'état de l'immeuble : l'article 2.2 de l'accord collectif imposait au bailleur d'informer les locataires sur l'état de l'immeuble et sur les travaux qu'il serait souhaitable de réaliser à court et moyen terme ; que s'il existait des associations de locataires représentatives, les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques à réaliser par le propriétaire devaient être organisées de concert, et, à défaut d'association de locataires représentative, un état de l'immeuble devait être établi ; qu'après avoir constaté que, les 11 mars 2005 (date à laquelle le propriétaire avait fait part aux locataires de son intention de procéder à la mise en vente de l'immeuble) et 22 mars 2005 (date de la réunion d'information générale d'information), l'association des locataires n'était pas constituée et se trouvait donc dépourvue de la personnalité juridique, le premier juge en avait justement déduit que cette situation de fait excluait sa participation à la réalisation de tout diagnostic et bilan technique ; que dès lors il ne pouvait être reproché à la SIPP une absence de concertation avec l'association des locataires ; que ce moyen serait rejeté et le jugement confirmé sur ce point ; que si, en l'absence d'associations de locataires représentatives, l'accord collectif ne mentionnait que l'établissement d'un état de l'immeuble, il n'en demeurait pas moins que l'obligation d'information des locataires, destinée à permettre de prendre une décision éclairée, ne pouvait en ce cas être réduite par rapport à celle prévue en présence d'association de locataires, précisément plus averties ; qu'il devait en outre être relevé que le troisième alinéa du point 2.2 prévoyant la mise à la disposition des locataires des "diagnostics et bilans techniques dès que possible" ne distinguait pas selon qu'il existait ou non une association de locataires ; qu'il en résultait que, si l'établissement de "l'état de l'immeuble" se faisait à la seule initiative du bailleur et suivant les modalités fixées unilatéralement, son contenu devait en revanche être identique à celui prévu par l'accord pour les diagnostics et bilans techniques, c'est-à-dire porter sur les éléments essentiels du bâti et les équipements communs et de sécurité susceptibles d'entraîner des dépenses importantes pour les copropriétaires dans les années qui suivraient la vente ; qu'en l'espèce, c'était après un examen minutieux du "dossier de diagnostics techniques" établi le 31 janvier 2005 par la SIPP, au vu du livret d'information locataire qui récapitulait les travaux effectués dans l'immeuble au cours des cinq dernières années et qui précisait les travaux d'accompagnement à la vente pris en charge par le propriétaire dans le cadre de cette opération (202.000 €), ainsi qu'au vu de la liste des travaux qu'il serait souhaitable d'entreprendre à court et à moyen terme (liste communiquée et faisant état d'un coût évalué à 40.000 €), que le premier juge avait, par des motifs pertinents que la cour adoptait, justement estimé que les locataires avaient reçu une information claire et exhaustive leur permettant de nourrir leur réflexion et d'arrêter leur choix et qu'il en avait déduit qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'aucun manquement du propriétaire à son obligation d'information ; que, sur le règlement de copropriété : selon l'article 2.4, la possibilité de consulter le futur règlement de copropriété était annoncée dès qu'elle était matériellement possible ; que le livret remis aux locataires lors de la réunion du 22 mars 2005 contenait un exposé des règles générales de la copropriété et leur précisait, outre les coordonnées du syndic, que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division étaient à leur disposition dans l'espace vente ; que la fiche d'information individuelle du 7 avril 2005 mentionnait, pour chaque appartement, son numéro de lot de copropriété, le nombre des tantièmes et la superficie loi Carrez ; que le règlement de copropriété ayant été établi par acte notarié du 12 août 2005, il ne pouvait être considéré, comme le soutenaient les locataires, qu'ils n'auraient pas disposé suffisamment tôt des renseignements leur permettant de décider en « toute connaissance matérielle et juridique » de l'opportunité de devenir ou non copropriétaires ;
ALORS QUE l'accord collectif du 9 juin 1998, dont l'objectif est de renforcer la protection des locataires en leur donnant des garanties sur une éventuelle acquisition de leur logement, prévoit la réalisation de diagnostics et bilans techniques sur l'état de l'immeuble en concertation avec le bailleur ; qu'en déclarant que le bailleur n'avait pas failli à son obligation de concertation avec l'association des locataires pour l'unique raison qu'à la date de la réunion générale d'information du 22 mars 2005, l'association n'était pas constituée, quand il incombait au bailleur, dès la création de celle-ci le 7 avril suivant, d'examiner de concert avec elle les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques, la cour d'appel a violé l'article 2.2 dudit accord ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques doivent faire l'objet d'une concertation entre le bailleur et les locataires ; qu'en se bornant à relever qu'après un examen minutieux du dossier de diagnostic technique, au vu du livret d'information locataire ainsi que de la liste des travaux à entreprendre à court et moyen terme, les locataires avaient reçu une information complète autorisant une décision éclairée quand, en l'état de la mise à disposition des diagnostics et bilans techniques qu'elle estimait nécessaire nonobstant l'absence d'association constituée, il lui incombait de rechercher si les modalités de réalisation de ces documents avaient été examinées de concert entre les intéressés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2.2 de l'accord collectif du 9 juin 1998 ;
ALORS QUE, en outre, le document intitulé "diagnostic technique" portant constat de l'état apparent de l'immeuble conformément aux dispositions de l'article L. 111-6-2 du code de la construction et de l'habitation établi le 31 janvier 2005 ne constitue pas le diagnostic technique au sens de l'accord collectif du 9 juin 1998 ; qu'en s'appuyant notamment sur ce document pour déclarer que le bailleur avait satisfait à son obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article 2.2 dudit accord ;
ALORS QUE, de surcroît, l'accord collectif du 9 juin 1998 prévoit une obligation générale d'information pesant sur le bailleul et le contraignant à vérifier de façon scrupuleuse que les locataires reçoivent dans des délais suffisants une information claire et exhaustive pour arrêter leur décision ; qu'en déclarant qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'aucun manquement du bailleur à son obligation d'information quand, la liste des travaux et leur coût ne leur ayant été communiquée que le 22 novembre 2005, les intéressés n'avaient pas disposé des informations financières dans un délai suffisant pour faire leur choix en connaissance de cause, la cour d'appel a violé derechef l'article 2.2 de l'accord collectif ;
ALORS QUE, enfin, le règlement de copropriété figure au nombre des pièces devant être présentées aux locataires pour décider d'une éventuelle acquisition de leur logement ; qu'en affirmant que les locataires ne pouvaient reprocher au bailleur d'avoir disposé de renseignements suffisants leur permettant de décider en toute connaissance matérielle et juridique, tout en constatant que le règlement de copropriété avait été établi le 12 août 2005, ce dont il résultait qu'ils ne disposaient en réalité que d'un délai extrêmement bref pour se décider, la cour d'appel a violé l'article 2.4 de l'accord collectif du 9 juin 1998.