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24/10/2012 | FRANCE | N°11-18885

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11-18885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 2324-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que lors des élections des membres du comité d'entreprise qui se sont déroulées au sein de la société TDA armements en janvier 2011, le syndicat CGT de la société TDA armements, a obtenu 23,19% des suffrages tous collèges confondus, et un seul élu au comité d'entreprise ; qu'il a désigné le 19 janvier 20

11 Mme X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 2324-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que lors des élections des membres du comité d'entreprise qui se sont déroulées au sein de la société TDA armements en janvier 2011, le syndicat CGT de la société TDA armements, a obtenu 23,19% des suffrages tous collèges confondus, et un seul élu au comité d'entreprise ; qu'il a désigné le 19 janvier 2011 Mme X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise ; que l'employeur a saisi le tribunal d'instance en annulation de la désignation ;
Attendu que pour dire valide la désignation par le syndicat CGT d'un représentant syndical au comité d'entreprise et écarter l'application de l'article L. 2324-2 du code du travail en ce qu'il impose aux syndicats représentatifs de disposer de deux élus pour désigner un représentant syndical au comité d'entreprise, le tribunal d'instance relève que l'application du texte de l'article L. 2324-2 du code du travail instaure une inégalité de traitement des syndicats représentatifs au sein des entreprises de plus de trois cents salariés dans le cadre de la négociation collective, et qu'en fixant un critère de légitimité différent de ceux relatifs à la représentativité des syndicats au sein de l'entreprise, la loi instaure une discordance entre les règles de représentativité permettant de participer à la négociation collective et la règle de représentativité conditionnant la faculté des syndicats de désigner un représentant au comité d'entreprise, ce qui a pour effet de désavantager de manière déraisonnable dans le déroulement de la négociation collective les syndicats représentatifs qui ne disposeraient pas d'élus suffisants ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales laissent les Etats libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial à certains syndicats en fonction de la nature des prérogatives qui leur sont reconnues et qu'il en résulte que le choix du législateur de réserver aux seules organisations syndicales ayant des élus, la possibilité de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ne méconnaît pas les exigences des articles susvisés de la Convention, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 mai 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit nulle la désignation du 19 janvier 2011 de Mme X... en qualité de représentante syndicale au comité d'entreprise par le syndicat CGT de la société TDA armements ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société TDA armements
Le pourvoi fait grief au jugement attaqué d'AVOIR écarté l'application de l'article L.2324-2 du code du travail dont les dispositions seraient contraire aux articles 11 et 14 combinés de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'AVOIR dit que la désignation de Mme Armelle X... en qualité de représentante syndicale du syndicat CGT-TDA Armements au comité d'entreprise de la société T.D.A. Armement est valable, et d'AVOIR rejeté les demandes formées par la société TDA Armements ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L.2324-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la Loi 2008-789 du 20 août 2008 dispose que sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L.2143-22, chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant ; que celui-ci assiste aux séances avec voix consultative et est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L.2324-15 ; que l'article L.2143-22 du code du travail dispose que dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement ; que le syndicat CGT-TDA Armements et Mme Armelle X... invoquent la non conformité de l'article L.2324-2 du code du travail à plusieurs normes internationales ; qu'au regard de la rédaction de ces normes en termes plus ou moins généraux, de leur lien plus ou moins direct avec le présent litige, et de la latitude laissée aux gouvernements pour respecter les droits énoncés, il apparaît que la disposition nationale litigieuse doit être nécessairement examinée au regard des dispositions de la C.E.S.D.H, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à la lumière d'autres instruments internationaux relatifs aux droits fondamentaux ; qu'il convient de rappeler que le juge judiciaire a le pouvoir de contrôler la conformité d'une disposition nationale au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et d'écarter son application en cas de non conformité ; que l'article 11 de la CESDH dispose : 1- toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'anticipation, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ; 2- L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat ; que l'article 11 de la C.E.S.D.H. présente la liberté syndicale comme une forme particulière de la liberté d'association et ne garantit pas aux syndicats ni à leurs membres un traitement précis de l'Etat (arrêt CEDH, 06/02/1976, Schmidt et Dahlstrom c. Suède, 5589/72, § 34 ; Que la liberté syndicale comprend le droit pour les membres d'un syndicat à ce qu'il soit entendu, en vue de la défense de leurs intérêts, notamment par l'action collective (arrêt C.E.D.H., 06/02/1976, Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c. Suède, 5614/72, § 40) ; Que cette disposition laisse à l'Etat contractant la liberté des moyens à mettre en oeuvre pour garantir l'exercice de la liberté syndicale selon des modalités non contraires à l'article 11 (arrêt CEDH, 27/10/1975, Syndicat national de la police belge c. Belgique, 4464/70) ; que le texte national critiqué pose une condition à la possibilité pour un syndicat de désigner un représentant au comité d'entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés ; que l'article 11 de la C.E.S.D.H. n'interdit nullement à un Etat de prévoir des modalités précises d'exercice du droit syndical ; Qu'en droit interne, le législateur peut ainsi soumettre l'exercice de certaines prérogatives syndicales à une condition de représentativité sans méconnaître le principe de la liberté syndicale, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel (Cons. Const. 14/12/2006, n° 2006-544 DC) ; que la restriction po sée par l'article L.2324-2 du code du travail à la possibilité pour un syndicat de désigner un représentant au comité d'entreprise repose sur une condition objective dépendant du résultat des élections au comité d'entreprise, et donc d'une certaine forme de représentativité ; que ce texte n'interdit nullement au syndicat empêché de désigner un représentant, d'exercer la défense des intérêts de ses membres par d'autres moyens d'actions au sein de l'entreprise ; qu'il résulte de ces éléments que l'article L.2324-2 du code du travail ne constitue pas une atteinte directe au principe de la liberté syndicale, l'article 11 de la C.ES.D.H. ne prescrivant pas que tous les syndicats devraient avoir la possibilité de désigner un représentant au comité d'entreprise sans condition d'accès ; que même si la disposition nationale critiquée ne porte pas atteinte à l'article 11 de la C.E.S.D.H., il y a lieu d'examiner s'il n'existe pas une violation aux articles 11 et 14 combinés de la C.E.S.D.H ; que l'article 14 de la C.E.S.D.H, pose le principe de l'interdiction de la discrimination en ces termes : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en utilisant l'adverbe "notamment", la rédaction de l'article 14 permet de dégager un principe d'égalité de traitement des personnes quant au respect des droits garantis par la C.E.S.D.H., sans que le fondement de la discrimination ne soit limitée aux cas énumérés à cet article (en ce sens : arrêt C.E.D.H., Engel et autres c. Pays-Bas, 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, § 72) ; Qu'ainsi, Une disposition nationale conforme au principe de liberté syndicale peut enfreindre l'article 11 combiné avec l'article 14 de la CESDH si elle revêt un caractère discriminatoire ; qu'il y aura donc lieu d'examiner de manière objective si l'article L.2324-2. du code du travail instaure une différence de traitement (B) puis de vérifier si la différence de traitement est justifiée (C) ; Sur l'existence d'une différence de traitement ; que les syndicats présents dans les entreprises de moins de 300 salariés et de plus de 300 salariés ne sont pas placés dans une situation identique de sorte que le législateur peut prévoir des règles différentes sans que les dispositions puissent être considérées comme discriminatoires ; qu'il n'existe donc pas d'atteinte au principe d'égalité de traitement sur ce point ; qu'il y a lieu d'examiner la seconde discrimination alléguée, portant sur l'inégalité des syndicats au sein des entreprises de plus de 300 salariés ; que l'article L.2323-1 du code du travail dispose que le comité d'entreprise à pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ; qu'il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'Article L911-4 du code de la sécurité sociale ; Que le comité d'entreprise est donc un organe essentiel de coopération entre l'employeur et les salariés quant aux décisions importantes portant sur le fonctionnement de l'entreprise et les conditions de travail, mais également un organe de participation des salariés à la gestion de l'entreprise et de contrôle de la gestion effectuée par le chef d'entreprise ; que le comité d'entreprise dispose d'attributions étendues ; qu'ainsi, il doit être informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle (L.2323-6 c.tr.) ; Qu'afin de rendre des avis éclairés, le comité dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employer (L.2323-4 c. tr.) ; que le comité d'entreprise doit notamment obtenir communication, dans les sociétés commerciales de l'ensemble des documents transmis annuellement à l'assemblée générale des actionnaires ou des associés, avant leur présentation aux assemblées (L.2323-8 c. tr.), dans les sociétés de plus de 300 salariés du rapport d'ensemble sur la situation économique et les perspectives de l'entreprise pour l'année à venir comprenant un document écrit sur l'évolution de la rémunération au sein de l'entreprise (L.2323-55 c. tr.), d'informations trimestrielles sur la situation de l'emploi (L.2323-52 c. tr.), sur l'évolution générale des commandes et la situation financière (L.2323-50 c. tr.), sur les mesures envisagées en matière de modification des méthodes de production et d'exploitation et de leurs incidences sur les conditions de travail et d'emploi (L.2323-51 c. tr.), etc ; Que le comité d'entreprise dispose d'un droit d'alerte permettant de solliciter des explications à l'employeur lorsqu'il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise (L.2323-78 c. tr.) ; Qu'enfin, le respect des attributions du comité d'entreprise est assuré de manière efficace par l'existence d'un délit pénal puni d'un an d'emprisonnement en cas d'entrave à la constitution d'un comité d'entreprise, à la libre désignation de ses membres ou à son fonctionnement régulier (L.2328-1 c. tr.) ; que le comité d'entreprise comprend des élus du personnel et des représentants désignés par les syndicats s'ils le souhaitent ; que les membres élus du comité d'entreprise tirent leur légitimité de l'élection et ont vocation à représenter la collectivité des salariés votants qu'ils soient syndiqués ou non ; Qu'en revanche, les attributions d'un représentant syndical auprès du comité d'entreprise sont, par définition, inséparables de sa mission syndicale, même si son rôle ne se confond pas avec celui du délégué syndical, ainsi que la Cour de cassation l'a d'ailleurs rappelé (Crim, 25/05/1982, 81.93443) ; qu'il s'ensuit qu'à la différence du membre élu au Comité d'entreprise, le représentant syndical porte et défend les positions de son syndicat et peut informer celui-ci du contenu des délibérations ; Que l'expression collective des salariés au comité d'entreprise revêt donc tout son sens grâce au dualisme de représentation assurant la présence de représentants syndicaux au côté de la délégation du personnel élue ; Qu'en conséquence, la présence d'un élu au comité d'entreprise émanant d'un syndicat ne pallie pas l'absence de représentant syndical à ce comité ; que si le représentant syndical au comité d'entreprise a seulement voix consultative, il assiste aux réunions et a accès aux informations détaillées transmises par l'employeur ; qu'ainsi, un syndicat aura accès à des informations sur les projets du chef d'entreprise intéressant la vie de l'entreprise et les conditions de travail, et à des informations écrites auxquelles il n'aurait pas accès sans sa présence au comité d'entreprise ;Que si les délégués syndicaux ont droit à la communication de certains documents dans le cadre de la négociation obligatoire, le champ d'application de ce droit est beaucoup plus restreint que celui du comité d'entreprise ; qu'ainsi, à titre d'exemple, les délégués syndicaux n'ont pas accès aux informations trimestrielles prévues aux articles L.2353-50 à L.4323-54 du code du travail pour les entreprises de plus de 300 salariés, ni à l'intégralité du rapport annuel sur la situation économique de l'entreprise et les perspectives d'avenir prévu à l'article L.2323-55 ou encore aux documents présentés aux assemblées générales d'associés ou d'actionnaires et le rapport des commissaires aux comptes (L.2323-8 c, tr) ; Qu'outre l'accès à l'information auquel le comité d'entreprise a droit, le représentant syndical même avec voix consultative peut, en portant la position du syndicat, influer sur les avis et voeux du comité d'entreprise et partant conduire le chef d'entreprise à modifier ses projets de décisions ; que les droits du représentant syndical au comité d'entreprise doivent être examinés au regard des règles relatives à la négociation collective ; que la négociation collective est réservée aux organisations syndicales représentatives des salariés dans le champ d'application de la convention ou de l'accord aux termes de l'article L.2231-1 du code du travail ; que parmi les critères de représentativité définis â l'article L.2121-1 du code du travail, figure le critère essentiel de l'audience électorale des syndicats au premier tour des dernières élections professionnelles, qui doit être de 10 % des suffrages exprimés pour la représentativité au sein de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'au regard des modalités de vote aux élections professionnelles ; un syndicat peut ne pas atteindre 10 % des suffrages exprimés et obtenir plusieurs élus au sein du comité d'entreprise, de même qu'un syndicat dépassant 10 % des suffrages exprimés peut ne pas avoir d'élus ou un seul (cas en l'espèce du syndicat CGT-TDA Armements) ; Qu'ainsi, un syndicat peut être privé de la faculté de désigner un représentant au comité d'entreprise en application de l'article L.2324-2 du code du travail s'il ne dispose pas d'au moins deux élus au comité, alors même qu'il est représentatif au niveau de l'entreprise et un syndicat non représentatif pourrait en revanche avoir la possibilité de désigner un représentant syndical et bénéficier des droits précédemment exposés ; Qu'en outre, le comité d'entreprise assure l'expression collective des salariés et ne donne pas l'avis des organisations syndicales des membres qui le composent, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Soc, 05/12/2006, 05-21641) ; qu'en l'absence de représentation syndicale des organisations représentatives au comité d'entreprise, il pourrait cependant être tentant, pour leurs membres élus, d'exprimer la position de leur syndicat au détriment de celle des salariés ; que dans le cadre de la négociation collective, le syndicat disposant d'un représentant syndical au comité d'entreprise jouit d'un avantage d'initié sur le syndicat empêché d'en désigner un, au regard de l'ensemble des informations précises et régulières dont iI bénéficie au sein du comité d'entreprise ; que l'obligation de loyauté de l'employeur ne peut suppléer l'existence de règles légales garantissant un égal accès aux informations pour les syndicats représentatifs ; Qu'il s'ensuit que des syndicats également représentatifs en application de l'article L.2121-1 du code du travail et participant à ce titre à la négociation collective au sein d'entreprises de plus de 300 salariés, ne bénéficieront pas de l'égal accès aux informations communiquées au comité d'entreprise et partant de la même influence et force de proposition et d'action, selon qu'ils disposent de la faculté de désigner un représentant au comité d'entreprise ou non ; que l'effectivité du droit de savoir des représentants syndicaux conditionne pourtant l'efficacité de la négociation collective à laquelle ils participent ; Qu'en conséquence, des syndicats placés dans une situation identique de par leur représentativité, ne peuvent exercer leurs prérogatives de défense des intérêts de leurs membres selon les mêmes conditions et modalités lorsque certains d'entre eux bénéficient d'un avantage d'initié de par la présence d'un représentant au comité d'entreprise ; Que cette inégalité a des incidences sur l'influence des syndicats au sein de l'entreprise et la défense des intérêts de leurs membres et n'est pas sans effet sur le choix d'adhésion des salariés aux syndicats représentatifs dans l'entreprise dès lors que la défense de leurs intérêts est d'autant mieux assurée que le syndicat est pleinement informé de la situation précise de l'entreprise et de ses perspectives ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT-TDA Armements est représentatif au sein de la société Armements mais ne dispose que d'un élu au sein du comité d'entreprise ; qu'en l'état, les dispositions de l'article L2324-2 du code du travail privent ce syndicat du droit de désigner un représentant syndical et lui fait subir une différence de traitement par rapport à l'autre syndicat représentatif disposant de plusieurs élus au comité d'entreprise ; que l'article L.2324-2 du code du travail instaure une inégalité de traitement des syndicats représentatifs au sein des entreprises de plus de 300 salariés dans le cadre de la négociation collective, car pour un même taux d'audience électorale supérieur à 10 %, certains bénéficieront de la faculté de désigner un représentent an comité d'entreprise et d'autres non ; qu'il y a donc lieu d'examiner si cette différence de traitement est justifiée ; Sur la justification de la différence de traitement ; que toute inégalité ne constitue pas nécessairement une discrimination ; que l'égalité de traitement imposée à l'article 14 de la C.E.S.D.H n'est pas respectée si la mesure "manque de justification objective et raisonnable" étant précisé que "l'existence d'une pareille justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure considérée, eu égard aux principes qui prévalent généralement dans les sociétés démocratiques" ; que la Cour européenne des droits à l'homme a également précisé qu' "une distinction de traitement dans l'exercice d'un droit consacré par la Convention ne doit pas seulement poursuivre un but légitime : l'article 14 est également violé lorsqu'il est clairement établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé " (arrêt C.E.D.H, 23/07/1968, affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique) ; que le législateur est libre, pour fixer les conditions de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales (Cons. Const., Décision n° 2010-42 QPC, 07/10/2010) ; que le princ ipe d'égalité de traitement des syndicats ne s'oppose donc pas à la restriction des prérogatives syndicales pour les organisations ne remplissant pas les critères de représentativité ; Que cependant, dès lors que les syndicats remplissent les critères de représentativité, le principe d'égalité de traitement découlant des articles 11 et 14 de la C.E.S.D.H. impose qu'ils puissent exercer les mêmes prérogatives selon les même conditions et modalités ; que s'agissant des modalités d'exercice de la liberté syndicale, les justifications aux différences de traitement instaurées par la loi nationale doivent être appréciées avec d'autant plus de rigueur que les syndicats exercent un rôle fondamental, dans une démocratie sociale, pour la défense des intérêts des salariés et pour l'expression pluraliste des opinions au sein de l'entreprise ; que les débats parlementaires ayant conduit au vote de la Loi du 20/08/2008 ne permettent pas de connaitre précisément le but souhaité par le législateur Iors de la rédaction de l'article L.2324-2 du code du travail ; que lors de la séance au Sénat du 17/07/2008, M. Le rapporteur indiquait sur la rédaction de cette disposition : " Dans les entreprises de plus de 300 salariés, chaque organisation syndicale représentative peut désigner un représentant au comité d'entreprise. Nous souhaitons réserver cette possibilité aux syndicats représentatifs ayant des élus au comité d'entreprise, c'est-à-dire, concrètement, aux syndicats les plus représentatifs " ; que si la Loi du 20/08/2008 fait de la représentativité des syndicats l'un des pivots de la réforme, celle-ci était déterminée par les critères prévus à l'article L.2121-1 du code du travail, dont le critère primordial d'audience électorale de 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles ; Que force est de constater que malgré le but énoncé au cours des débats parlementaires, l'article L.2324-2 du code du travail ne fait nullement référence à ces critères de représentativité mais vise seulement le nombre d'élus au comité d'entreprise, alors que celui-ci est une conséquence de l'audience électorale ; Que l'exigence de représentativité ne constitue donc pas la justification de la règle posée à l'article L.2324-2 ; qu'en effet, tout syndicat ayant des élus au comité d'entreprise peut désigner un représentant syndical même s'il n'est pas représentatif dans le cadre concerné, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Soc, 08/07/2009 ; 09-60.015) ; que l'article L.2324-2 du code du travail instaure donc une condition de représentativité différente de celles posées par la Loi du 20/08/2008, en fondant la faculté de désigner un représentant syndical sur le nombre d'élus ;qu'il était loisible au législateur de fixer un critère de légitimité, distinct des critères de représentativité, pour la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise ; qu'en fixant un critère de légitimité différent de ceux relatifs à la représentativité des syndicats au sein de l'entreprise, la Loi a instauré une discordance entre les règles de représentativité permettant aux syndicats de participer à la négociation collective et la règle de "représentativité" conditionnant la faculté des syndicats de désigner un représentant au comité d'entreprise ; Que l'article L.2324-2 a pour effet de désavantager de manière déraisonnable, dans le déroulement de la négociation collective, les syndicats représentatifs qui ne disposeraient pas d'élus suffisants pour désigner un représentant au comité d'entreprise dès lors que l'égal accès aux mêmes informations sur la vie de l'entreprise n'est pas garanti à tous les syndicats remplissant les critères de représentativité ;que l'article 11 de la C.E.S.D.H implique le droit pour les membres d'un syndicat à ce qu'il soit entendu, en vue de la défense de leurs intérêts (arrêt C.E.D.H., 06/02/1976, Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c, Suède, 5614/72, § 40) et le droit de mener de négociations collectives avec l'employeur, sous réserve du droit des Etats de réserver un statut spécial aux syndicats représentatifs (arrêt C.E.D.H., 12/11/2008, fleurir et Bayitara c. Turquie, 34503/97, § 154) ; Que l'information des syndicats sur la situation de l'entreprise et ses perspectives est indispensable à l'exercice concret et non théorique des droits garantis à l'article 11 de la C.E.S.D.H. ; qu'en ne permettant pas à tous les syndicats participant à la négociation collective d'accéder à l'intégralité des mêmes informations, l'article L.2324-2 du code du travail constitue une violation des articles 11 et 14 combinés de la C.E.S.D.H, en l'absence de rapport raisonnable, de proportionnalité entre le but visé (la fixation d'un critère de légitimité pour la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise) et les moyens employés ; que l'application de l'article L2324-2 du code du travail doit être en conséquence écartée en raison de la violation des articles 11 et 14 combinés de la C.R.S.D.H qu'elle instaure ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT-TDA Armements avait donc la faculté de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ; que la demande d'annulation de la désignation de Mme Armelle X... à cette fonction sera donc rejetée » ;
ALORS QUE dès lors qu'un syndicat représentatif bénéficie de la présence d'élus au sein du Comité d'entreprise, la faculté de nommer, en outre aux côtés desdits élus du syndicat, un représentant doté d'une simple voix consultative, ne constitue qu'une modalité d'exercice de la liberté syndicale relevant de la marge d'appréciation laissée à chaque Etat ; qu'en décidant cependant que la condition d'avoir au moins deux élus titulaires ou suppléants tous collèges confondus auxdits Comités pour nommer un tel représentant, porterait une atteinte déraisonnable aux dispositions des articles 11 et 14 de la CESDH, le juge d'instance a par là même violé par fausse application ensemble ces textes et l'article L.2324-2 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se fondant sur la prétendue nécessité pour le représentant syndical, considéré comme un « initié », de transmettre au délégué syndical, chargé des négociations, des informations recueillies au sein du Comité d'entreprise et allant au-delà des communications prévues par les articles L.2323-6 et L.2323-8 du code du travail , le juge d'instance méconnaît le rôle respectif du délégué syndical et des représentants au Comité et viole l'article L.2324-2 du code du travail qui donne pour mission au représentant syndical de faire connaître le point de vue de l'organisation à laquelle il appartient et nullement de rapporter à celleci ou au délégué syndical lui-même, les autres informations qui sont couvertes par l'obligation de discrétion prévue par l'article L.2325-5, al. 2 du code du travail ;
QU'IL EN EST D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'obligation de discrétion édictée par l'article L.2325-5 du Code du travail pèse tout autant sur un éventuel représentant syndical que sur les élus eux-mêmes ; et qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal d'instance a derechef violé les textes susvisés ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'obligation de discrétion s'imposant tant à l'élu qu'au représentant syndical, le juge d'instance ne caractérise aucun « déficit » dans les informations d'ordre économique susceptibles d'être légalement communiquées au délégué syndical du fait que certains syndicats auraient un représentant et d'autres non ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.2323-1, L.2323-6, L.2323-8, L.2323-15, L.2143-16 du code du travail ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en prétendant caractériser une éventuelle discrimination du fait qu'un syndicat, même s'il n'était pas représentatif, pourrait disposer de représentants syndicaux au Comité d'entreprise, susceptibles de renforcer l'action du délégué syndical dans la négociation des accords collectifs (p.7 al.10), le juge d'instance qui perd de vue qu'un tel syndicat non représentatif n'a justement aucune faculté de négociation, use de motifs totalement inopérants en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS QU'en limitant aux entreprises d'au moins 300 salariés la présence d'éventuels représentants syndicaux siégeant au comité avec une voix simplement consultative, et en subordonnant en outre cette modalité à la condition que le syndicat ait déjà obtenu plusieurs élus au comité d'établissement, la loi qui a ainsi tenu compte du résultat du scrutin et du nombre de sièges à pourvoir, comme étant directement proportionnels à la taille de l'entreprise, repose sur des justifications objectives et raisonnables ;qu'en décidant le contraire, le juge a violé les articles 11 et 14 de la CESDH.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18885
Date de la décision : 24/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Représentant syndical - Désignation - Conditions - Obtention d'élus par l'organisation syndicale - Dispositions de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 - Conformité - Convention européenne des droits de l'homme - Appréciation - Portée

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 11 - Liberté d'association - Compatibilité - Code du travail - Article L. 2324-2 - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Compatibilité - Code du travail - Article L. 2324-2 - Portée

Les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales laissent les Etats libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial à certains syndicats en fonction de la nature des prérogatives qui leur sont reconnues. Il en résulte que le choix du législateur de réserver aux seules organisations syndicales ayant des élus la possibilité de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ne méconnaît pas les articles susvisés de la Convention


Références :

articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme

article L. 2324-2 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Orléans, 23 mai 2011

Dans le même sens que :Soc., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-25530, Bull. 2012, V, n° 280 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 oct. 2012, pourvoi n°11-18885, Bull. civ. 2012, V, n° 279
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 279

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Pécaut-Rivolier
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18885
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