LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen et les quatre premières branches du second moyen réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2011), que M. X... a été recruté par la société CEPL Courtaboeuf sous contrat à durée déterminée pour la période du 11 septembre au 29 décembre 2006 ; que son contrat a été renouvelé pour la période allant du 30 décembre 2006 au 30 juin 2007 ; que l'intéressé a été élu le 19 décembre 2006 représentant du personnel au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que les relations contractuelles ayant cessé au 30 juin 2007, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce qu'il soit jugé que son employeur avait méconnu le statut protecteur dont il bénéficiait et au versement de diverses indemnités ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire qu'un mois avant l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée, elle devait saisir l'inspection du travail, de déclarer nulle la rupture du contrat à durée déterminée et de la condamner à payer diverses sommes à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur n'est pas tenu, avant l'arrivée du terme du contrat de travail d'un salarié protégé conclu pour une durée déterminée et qui ne peut pas être renouvelé, de saisir l'inspection du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le contrat de travail de M. X..., qui comportait une clause de renouvellement, avait été renouvelé une première fois, le terme du contrat renouvelé étant fixé au 30 juin 2007 ; que ce contrat ne pouvant pas être renouvelé une seconde fois, par application de l'article L. 1243-13 du code du travail, l'employeur n'avait pas à saisir l'inspection du travail avant l'arrivée du terme du contrat, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1243-13, L. 2412-1, L. 2412-7 et L. 2421-8 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel a constaté la nullité du contrat et prononcé des condamnations pécuniaires contre l'employeur, faute pour lui d'avoir saisi l'inspection du travail ; que, par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, lequel conteste l'obligation faite à l'employeur de saisir l'inspection du travail, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;
3°/ que, subsidiairement, lorsque la rupture d'un contrat de travail est nulle, la réintégration du salarié dans son emploi est de droit, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit expressément prévue par un texte ; qu'en se réfugiant derrière l'absence de disposition textuelle prévoyant un droit à réintégration du salarié protégé bénéficiant d'un contrat à durée déterminée auquel l'employeur a mis fin sans respecter la procédure de l'article L. 2421-8 du code du travail, pour exclure que la renonciation à cette réintégration puisse produire un effet sur le quantum des sommes allouées, la cour d'appel a violé les articles 1304 du code civil et L. 2421-8 du code du travail ;
4°/ que le salarié protégé dont la rupture du contrat de travail est nulle a droit à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la date de sa renonciation à la réintégration dans l'entreprise, peu important qu'une telle renonciation intervienne avant que la juridiction ne l'ait ordonnée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que M. X... avait renoncé à sa réintégration dans l'entreprise le 27 novembre 2007 ; qu'en lui allouant pourtant une somme correspondant au paiement de ses salaires entre le 1er juillet 2007 et le mois de juin 2009, correspondant à la fin de la période de protection, la cour d'appel a violé l'article L. 2421-8 du code du travail ;
5°/ qu'en tout état de cause, le salarié protégé dont la rupture du contrat de travail est nulle n'a droit au versement de sa rémunération pendant une certaine durée que sous déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. X... avait déjà retrouvé un emploi à la date du 27 novembre 2007 ; qu'en s'abstenant pourtant de déduire de l'indemnité versée à M. X..., correspondant au paiement de ses salaires entre le 1er juillet 2007 et le mois de juin 2009, les sommes que M. X... avait perçues en rémunération de son nouvel emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, au regard de l'article L. 2421-8 du code du travail ;
Mais attendu que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 436-2 du code du travail ont, peu important qu'elles aient été insérées dans une section intitulée "Procédure applicable au salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée", été reprises à l'article L. 2421-8 et imposent que, lorsque le contrat à durée déterminée arrive à son terme, l'inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel, y compris dans le cas où le contrat ne peut être renouvelé ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'inspecteur du travail n'avait pas été saisi préalablement à l'arrivée du terme du contrat conclu par la société avec M. X..., la cour en a exactement déduit que la rupture des relations contractuelles, intervenue en méconnaissance de l'article L. 436-2, était nulle et, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, que l'intéressé pouvait de ce fait prétendre à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur dont le montant est égal aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre le 1er juillet 2007 et la fin de la période de protection ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux dernières branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à son salarié au titre de l'ensemble des préjudices subis, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cause d'appel, le salarié ne demandait, à titre d'indemnisation complémentaire, que 5 000 euros au titre de la perte de chance de retrouver un emploi et 5 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture et du préjudice moral consécutif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. X..., qui avait cessé de travailler pour la société CEPL Courtaboeuf le 1er juillet 2007, avait déjà retrouvé un emploi à la date du 27 novembre 2007, ce dont il résultait que la cessation de la relation de travail ne lui avait fait perdre aucune chance de retrouver un emploi ; que si la cour d'appel lui a alloué des dommages-intérêts au titre de la perte de chance de retrouver un emploi, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en cause d'appel, le salarié ne demandait, à titre d'indemnisation complémentaire, que 5 000 euros au titre de la perte de chance de retrouver un emploi et 5 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture et du préjudice moral consécutif ; qu'en lui allouant des dommages-intérêts au titre du préjudice « nécessairement subi », sans caractériser que la rupture du contrat était intervenue dans des conditions abusives ou vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour a constaté l'existence de préjudices subis par le salarié indépendamment de l'absence de saisine de l'inspecteur du travail dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CEPL Courtaboeuf aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société CEPL Courtaboeuf.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'un mois avant l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée dont Monsieur X..., membre du CHSCT, était titulaire, la société CEPL COURTABOEUF devait saisir l'inspection du travail, et d'AVOIR constaté que cette société n'avait pas saisi dans le délai qui lui était imparti l'inspection du travail,
AUX MOTIFS QU'il est constant que le contrat à durée déterminée dont M. X... était titulaire qui comportait une clause de renouvellement avait un terme précis, que M. X... a été élu au CHSCT plus d'un mois avant la fin des relations contractuelles dont la poursuite dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avait été discutée ; que M. X... est fondé à soutenir que la saisine de l'inspection du travail s'imposait dès lors qu'il s'agissait de l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée ; qu'en effet, selon l'article L.2421-8 du code du travail, l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée n'entraîne la rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail saisi en application de l'article L.2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ; que le renvoi fait à l'article L.2412-1 qui accorde le bénéfice de la protection au représentant du personnel au CHSCT rend cette procédure applicable en l'espèce dès lors que le contrat à durée déterminée initial avait été renouvelé et que la date du 30 juin 2007 en constituait le terme ; qu'en effet, la mise en oeuvre de la clause de renouvellement a eu pour effet de reporter à la fin de la période renouvelée le terme initialement fixé ; que, pour soutenir que la saisine de l'inspecteur du travail ne s'impose que si et seulement si le contrat ne comportait pas de faculté de renouvellement ce qui n'était pas le cas puisque le contrat à durée déterminée de M. X... avait déjà était renouvelé, la société CEPL Courtaboeuf invoque vainement les dispositions des articles L.2412-2 à L.2412-13 ; qu'en effet ces articles, applicables aux salariés protégés visés à l'article L.2412-1, titulaires d'un contrat à durée déterminée, n'envisagent que le cas de rupture avant l'échéance du terme en raison d'une faute ou du non-renouvellement du contrat à durée déterminée comportant une telle clause et non pas celui qui est dû à l'arrivée du terme du contrat ; que l'article L.2421-8 du code du travail vise "l'arrivée du terme" sans aucune exclusion ; que, s'il est constant que les parties avaient envisagé la poursuite des relations contractuelles dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la société CEPL Courtaboeuf soutient vainement que M. X... a refusé de signer un tel contrat dès lors qu'elle ne justifie pas lui en avoir soumis un pour signature, qu'elle a réglé la prime de précarité qui, dans cette hypothèse, n'est pas due et qu'en tout état de cause, M. X... aurait été fondé à refuser le contrat à durée indéterminée prétendument proposé dès lors qu'il portait sur un poste de chef d'équipe et non pas de responsable réception, fonctions mentionnées dans l'avenant du 22 décembre2006 et le certificat de travail du 30 juin 2007 ; que l'attestation établie par le directeur général de la société CEPL Courtaboeuf, représentant l'employeur notamment auprès de l'inspection du travail et des salariés (signature du certificat de travail et du solde de tout compte) est privé de toute pertinence ; qu'enfin, il n'est pas contesté par la société CEPL Courtaboeuf que le poste rempli par M. X... était nécessaire au fonctionnement de l'entreprise et a été immédiatement pourvu après son départ,
ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu, avant l'arrivée du terme du contrat de travail d'un salarié protégé conclu pour une durée déterminée et qui ne peut pas être renouvelé, de saisir l'inspection du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que le contrat de travail de Monsieur X..., qui comportait une clause de renouvellement, avait été renouvelé une première fois, le terme du contrat renouvelé étant fixé au 30 juin 2007 ; que ce contrat ne pouvant pas être renouvelé une seconde fois, par application de l'article L.1243-13 du Code du travail, l'employeur n'avait pas à saisir l'inspection du travail avant l'arrivée du terme du contrat, de sorte qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L.1243-13, L.2412-1, L.2412-7 et L.2421-8 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la rupture du contrat à durée déterminée dont Monsieur X... était titulaire et d'AVOIR condamné la société CEPL COURTABOEUF à payer à Monsieur X..., avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt rendu, 52.800 € à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur et 3.500 € à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS QU'en remettant un solde de tout compte à M. X... le 30 juin 2007, société CEPL Courtaboeuf a manifesté sa volonté de rompre les relations contractuelles ; que faute d'avoir respecté la procédure de l'article L.2421-8 du code du travail, cette rupture, imputable à l'employeur est entachée de nullité ; qu'en l'absence de texte prévoyant un droit à réintégration pour le salarié protégé bénéficiant d'un contrat à durée déterminée auquel l'employeur a mis fin sans respecter la procédure de l'article L.2421-8 du code du travail, M. X... est fondé à demander le paiement des salaires entre le 1er juillet 2007 et la fin de la période de protection, juin 2009, peu important qu'il ait renoncé à cette demande après que l'employeur l'ait acceptée dès lors que cette renonciation est intervenue avant que la juridiction ne l'ait ordonnée ; qu'indépendamment de l'absence de saisine de l'inspection du travail, le comportement de l'employeur à l'égard M. X... lui a nécessairement causé un préjudice ; que s'agissant de la perte de chance de retrouver un emploi, il sera constaté que M. X... a justifié, le 27 novembre 2007, la renonciation à la réintégration par l'évolution de sa situation c'est-à-dire par le fait qu'il avait trouvé un nouvel emploi ; qu'en conséquence, l'ensemble des préjudices subis sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 3500 € de dommages et intérêts,
1- ALORS QUE la Cour d'appel a constaté la nullité du contrat et prononcé des condamnations pécuniaires contre l'employeur faute pour lui d'avoir saisi l'inspection du travail ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, lequel conteste l'obligation faite à l'employeur de saisir l'inspection du travail, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile.
2- ALORS, subsidiairement, QUE lorsque la rupture d'un contrat de travail est nulle, la réintégration du salarié dans son emploi est de droit, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit expressément prévue par un texte ; qu'en se réfugiant derrière l'absence de disposition textuelle prévoyant un droit à réintégration du salarié protégé bénéficiant d'un contrat à durée déterminée auquel l'employeur a mis fin sans respecter la procédure de l'article L.2421-8 du Code du travail, pour exclure que la renonciation à cette réintégration puisse produire un effet sur le quantum des sommes allouées, la Cour d'appel a violé les articles 1304 du Code civil et L.2421-8 du Code du travail.
3- ET ALORS QUE le salarié protégé dont la rupture du contrat de travail est nulle a droit à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la date de sa renonciation à la réintégration dans l'entreprise, peu important d'une telle renonciation intervienne avant que la juridiction ne l'ait ordonnée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que Monsieur X... avait renoncé à sa réintégration dans l'entreprise le 27 novembre 2007 ; qu'en lui allouant pourtant une somme correspondant au paiement de ses salaires entre le 1er juillet 2007 et le mois de juin 2009, correspondant à la fin de la période de protection, la Cour d'appel a violé l'article L.2421-8 du Code du travail.
4- ALORS, en tout état de cause, QUE le salarié protégé dont la rupture du contrat de travail est nulle n'a droit au versement de sa rémunération pendant une certaine durée que sous déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément relevé que Monsieur X... avait déjà retrouvé un emploi à la date du 27 novembre 2007 ; qu'en s'abstenant pourtant de déduire de l'indemnité versée à Monsieur X..., correspondant au paiement de ses salaires entre le 1er juillet 2007 et le mois de juin 2009, les sommes que Monsieur X... avait perçues en rémunération de son nouvel emploi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, au regard de l'article L.2421-8 du Code du travail.
5- ALORS QU'en cause d'appel, le salarié ne demandait, à titre d'indemnisation complémentaire, que 5.000 € au titre de la perte de chance de retrouver un emploi et 5.000 € au titre des conditions vexatoires de la rupture et du préjudice moral consécutif ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément relevé que Monsieur X..., qui avait cessé de travailler pour la société CEPL COURTABOEUF le 1er juillet 2007, avait déjà retrouvé un emploi à la date du 27 novembre 2007, ce dont il résultait que la cessation de la relation de travail ne lui avait fait perdre aucune chance de retrouver un emploi ; que si la Cour d'appel lui a alloué des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de retrouver un emploi, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du Code civil.
6- ALORS QU'en cause d'appel, le salarié ne demandait, à titre d'indemnisation complémentaire, que 5.000 € au titre de la perte de chance de retrouver un emploi et 5.000 € au titre des conditions vexatoires de la rupture et du préjudice moral consécutif ; qu'en lui allouant des dommages et intérêts au titre du préjudice « nécessairement subi », sans caractériser que la rupture du contrat était intervenue dans des conditions abusives ou vexatoires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.