LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1150 du code civil ;
Attendu que M. X..., avocat au barreau de Limoges, devant plaider au tribunal de commerce de Paris à dix heures le 11 février 2010 , a acheté un billet de train aller- retour, le départ de Limoges étant fixé à 5h47 pour une arrivée à Paris à 8h45 tandis que le voyage de retour devait débuter à 12h58 ; qu'étant parvenu à Paris avec près de quatre heures de retard, il n'a pu assister son client et a réclamé à la SNCF le remboursement du prix du voyage ainsi que des dommages-intérêts ;
Attendu que pour accueillir sa demande, la juridiction de proximité, après avoir écarté la force majeure invoquée par la SNCF, a d'abord rappelé l'impératif de ponctualité figurant au cahier des charges de celle-ci puis retenu que M. X..., ayant pris la précaution d'organiser son voyage en se ménageant un temps largement suffisant pour se faire transporter en taxi à Paris au tribunal où sa présence était indispensable, a subi, ce voyage étant devenu sans objet, un préjudice dont la SNCF, seule responsable, devait l'indemniser en lui versant, outre une somme représentant le remboursement du prix du voyage, 500 euros pour compenser sa perte d'honoraires, 1 000 euros pour la perte de crédibilité vis-à-vis de son client et 500 euros en réparation de l'inquiétude et de l'énervement qu'il avait éprouvés ;
Qu'en se déterminant par ces motifs impropres à établir que le dommage invoqué était prévisible lors de la conclusion du contrat de transport, si ce n'est quant au coût de celui-ci rendu inutile par l'effet du retard subi, et constituait une suite immédiate et directe de l'inexécution de ce contrat, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la SNCF à payer à M. X... la somme de 104 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2010 en remboursement d'un billet de train Limoges-Paris-Limoges, le jugement rendu le 29 décembre 2010, entre les parties, par la juridiction de proximité de Limoges ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Guéret ;
Laisse à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par M. Gridel, conseiller, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Société nationale des chemins de fer français.
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR condamné la SNCF à payer à Maître Philippe X..., d'une part, la somme de 104,20 €, outre les intérêts légaux à compter du 19 avril 2010, en remboursement d'un billet de train Limoges-Paris-Limoges, pour cause de retard important, d'autre part la somme de 2.000 €, outre les intérêts légaux à compter du même terme, à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues,
AUX MOTIFS QUE l'article 1150 du code civil indique que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat ; que Maître X... — qui avait pris la précaution d'organiser son voyage en se ménageant un temps largement suffisant pour prendre un taxi et se faire transporter jusqu'au tribunal où sa présence était indispensable — a subi, du fait que ce voyage est devenu sans objet, puisqu'il n'a pas eu d'autre temps de séjour à Paris que celui du changement de gare pour changer de train, un préjudice évident dont seule la SNCF est responsable ; que celle-ci sera donc condamnée à l'indemniser en lui remboursant les 104,20 € du billet, et en lui payant 500 € pour compenser la perte d'honoraire, 1.000 € pour la perte de crédibilité à l'égard de son client et 500 € pour l'indemniser de l'inquiétude et de l'énervement qu'il a éprouvés ;
1° ALORS QUE en matière contractuelle, le débiteur d'une obligation inexécutée ou exécutée avec retard peut être condamné, à raison de la perte subie par le créancier ou du gain dont il a été privé, à réparer les dommages qui sont la suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'il peut alors être condamné au paiement de dommages et intérêts qui ont été pré-vus ou qu'on a pu prévoir lors de la conclusion du contrat ; que ce paiement constitue ainsi une modalité d'exécution de l'obligation non satisfaite ; que la SNCF est liée à ses clients par un contrat de transport, dont l'exécution débute à partir du moment où le voyageur monte dans le train et se termine lorsqu'il achève d'en descendre ; que sa responsabilité contractuelle est donc limitée à l'exécution de ce contrat et à ses conséquences immédiates et directes ; que s'il est possible pour la SNCF de prévoir qu'un retard puisse affecter ses trains, elle ignore les projets pour lesquels ses clients les empruntent, de sorte que ces projets n'entrent pas dans le champ des obligations contractuelles qu'elle doit exécuter — éventuellement sous le mode de dommages et intérêts ; qu'en décidant dès lors qu'en raison du retard survenu au train transportant M. X..., la SNCF était tenue de lui payer des sommes ayant pour objet de réparer une perte d'honoraire d'avocat et une perte de crédibilité de ce dernier à l'égard de son client, le juge de proximité, qui a fait entrer dans le champ de la responsabilité contractuelle des chefs de préjudice qui n'en relevaient pas, a violé les articles 1147, 1150 et 1 151 du code civil ;
2° ALORS QUE le débiteur d'une obligation contractuelle inexécutée ou exécutée avec retard peut être condamné, à raison de la perte subie par le créancier ou du gain dont il a été privé, à réparer les dommages qui, étant la suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention, étaient ou pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat ; que pour condamner la SNCF à payer à M. X... différentes sommes en réparation de sa perte d'honoraire d'avocat et de sa perte de crédibilité à l'égard de son client, en raison du retard du train qui le transportait, le juge de proximité s'est borné à relever que M. X... avait pris soin d'organiser son voyage pour arriver à temps au tribunal où sa présence était indispensable ; qu'en se déterminant par de tels motifs, tirés des seuls objectifs professionnels de M. X..., étrangers au contrat de transport, sans expliquer en quoi la SNCF pouvait les prévoir et ainsi assumer le risque de leur absence éventuelle de réalisation, le juge de proximité a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1 150 et 1151 du code civil ;
3° ALORS, en toute hypothèse, QUE la SNCF avait soutenu, dans ses écritures, que M. X... avait été tenu infondé pendant son voyage des problèmes liés au trafic et qu'il s'était adapté aux circonstances résultant du retard, en assurant de fait son remplacement à l'audience par la S.C.P. SCHERMANN MASSELIN, de sorte que son client ne s'y était pas retrouvé seul, comme M. X... l'affirmait ; qu'en se dispensant d'examiner, comme il y était invité, ce chef des conclusions de la SNCF, qui tendait à exclure tout préjudice du fait de cette dernière, le juge de proximité a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1150 et 1 151 du code ci-vil ;
4° ALORS QU'en accordant à M. X... une indemnisation de 500 € pour l'indemniser de son inquiétude et de son énervement, quand ce dernier ne demandait aucune indemnisation de ce chef, le juge de proximité a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.