LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2010), que Mme Sevil X... est née le 4 juillet 1987 à Yerkoy (Turquie) de l'union de Meryem Y... et Ibrahim X..., également nés en Turquie ; qu'elle a saisi le tribunal de grande instance d'une contestation relative au refus d'enregistrer la déclaration acquisitive de nationalité française, qu'elle avait souscrite le 8 mars 2006 sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, ainsi que d'une action déclaratoire fondée sur l'article 21-13 du même code ;
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande formée sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, alors, selon le moyen :
1°/ qu' il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en décidant, après avoir constaté qu'elle contestait la décision de refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite auprès du juge d'instance de Paris, 18ème arrondissement, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, que Mme X... ne peut se prévaloir de l'acquisition de nationalité par possession d'état de Français sur le fondement de l'article 21-13 du même code, la cour d'appel a violé les articles 12 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
2°/ que le droit fondamental à un procès équitable implique celui d'un accès effectif au juge ; qu'en décidant, après avoir constaté qu'elle contestait la décision de refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite auprès du juge d'instance de Paris, 18ème arrondissement, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, que Mme X... ne peut se prévaloir devant elle de l'acquisition de nationalité par possession d'état de Français sur le fondement de l'article 21-13 du même code alors qu'il résulte du principe de concentration des moyens qu'elle est tenue, à peine d'irrecevabilité d'une nouvelle demande de ce chef, de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature à fonder celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'après avoir, à bon droit, énoncé que l'acquisition de la nationalité française par possession d'état était subordonnée à la souscription préalable d'une déclaration devant le juge d'instance, la cour d'appel, constatant que Mme X... ne prouvait pas qu'elle eût souscrit une telle déclaration, en a exactement déduit, sans encourir aucun des griefs du moyen, qu'elle n'était pas recevable à se prévaloir des dispositions du texte précité ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de Mademoiselle Sevil X... tendant à se voir reconnaître la nationalité française ;
Aux motifs que les fins de non-recevoir peuvent, conformément à l'article 123 du Code de procédure civile, être proposées en tout état de cause ; que suivant l'article 480 du même Code, l'autorité de chose jugée s'attache, dès son prononcé, à la décision qui tranche tout ou partie du principal ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, cette autorité n'est pas subordonnée à la signification de la décision en cause ; que par un arrêt du 14 septembre 2006, cette Cour a jugé que Melle X... ne pouvait se prévaloir de la qualité de française par filiation paternelle ; que l'intéressée n'est donc plus recevable à revendiquer la nationalité française de ce chef ;
Alors que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, Mademoiselle X... avait soutenu qu'il résultait de la jurisprudence que la force de la chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; qu'en retenant qu'un arrêt du 14 septembre 2006 rendait Mlle X... irrecevable en sa demande de revendication de la nationalité française par filiation paternelle sans s'expliquer sur ce moyen de nature à exercer une influence juridique sur l'issue du litige, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel, Mademoiselle X... avait soutenu que le ministère public n'apportait pas la preuve que son père, Monsieur Ibrahim X..., n'était pas français et n'avait pas la possession d'état de français dans la mesure où postérieurement aux arrêts rendus en sa défaveur, l'Etat lui avait délivré une carte nationale d'identité, un passeport, l'avait inscrit sur les listes électorales qui lui avaient permis de participer aux dernières élections du mois de mars 2010 ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen de nature à exercer une influence juridique sur l'issue du litige, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de Mademoiselle Sevil X... tendant à se voir reconnaître la nationalité française ;
Aux motifs propres que sur le fondement de l'article 21-12 du Code civil, Melle Sevil X... a souscrit auprès du juge d'instance de Paris, 18ème arrondissement, une déclaration acquisitive de nationalité française dont il lui a été délivré récépissé le 8 mars 2006 ; qu'elle a contesté en temps utile le refus d'enregistrement qui lui a été opposé et ne peut dès lors se prévaloir de ce que la notification n' aurait pas mentionné les voies et délais de recours ; que la déclaration aux fins d'acquisition de la nationalité française dans les cas prévus par l'article 21-12 du Code civil ne peut être faite que durant la minorité de l'enfant ; que ne satisfait pas à cette condition la déclaration souscrite le 8 mars 2006 par Melle X... qui est née le 4 juillet 1987 ; que la contestation du refus d'enregistrement est donc mal fondée ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que l'article 21-12 du Code civil dispose que l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France (et que) peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française : 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en Fiance et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois armées, est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; 2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminées par un décret en Conseil d'Etat ; que Mademoiselle Sevil X... a, sur le fondement de l'article précité, souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française auprès du juge d'instance de Paris 18ème qui lui en a délivré récépissé le 8 mars 2006 ; que par lettre en recommandé du 26 mai 2006 (pièce n° 5 du ministère public), elle a été invitée à se présenter le 14 juin 2006 au tribunal d'instance afin que lui soit notifiée la décision du juge d'instance relative à sa déclaration de nationalité ; qu'elle ne s'est pas présentée à la convocation, quoique ayant signé le 31 mal 2006 l'avis de réception ; que le l4 juin 2006, le juge d'instance a dressé un procès-verbal de carence (pièce annexée en copie à l'assignation du 12 octobre 2006) ; que le refus d'enregistrement de la déclaration a été notifié dans les formes prévues par l'article 31 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ; qu'il est intervenu en temps utile, avant l'expiration du délai de six mois prévu par l'article 26-3 du Code civil ; que vainement la demanderesse excipe-t-elle du fait que cette notification n'indique pas les voies et délais de recours contre la décision, alors que d'une part il lui appartenait de répondre à la convocation et alors que d'autre part, ayant saisi le tribunal d'une contestation de la décision de refus d'enregistrement par assignation du 12 octobre 2006, avant l'expiration du second délai de six mois prévu par l'article précité, elle ne justifie d'aucun grief quant aux modalités de ladite notification ; que l'article 21-12 du Code civil précise que la déclaration doit être souscrite avant la majorité de l'enfant ; qu'en l'espèce, la déclaration aurait donc dû être souscrite avant le 4 juillet 2005, date à laquelle l'intéressée est devenue majeure ; que tel n'a pas été le cas, le récépissé étant du 8 mars 2006 ; que dès lors, sans même qu'il soit besoin d'examiner si la demanderesse remplissait ou non les conditions prévues par l'article précité, sa déclaration tardivement souscrite ne pouvait en aucun cas être enregistrée ;
Alors que le délai de l'article 26-3 du Code civil étant préfix, un refus d'enregistrement notifié après l'expiration du délai légal est non avenu ; que dans ses conclusions, Mlle X... avait soutenu qu'aucun refus ne lui avait été notifié et demandé à la Cour d'appel d'annuler sur ce fondement la décision de refus d'enregistrement (Conclusions récapitulatives signifiées le 23 mars 2010, p. 22 et suiv.) ; qu'en s'abstenant de préciser la date à laquelle le refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité a été notifié à Mlle X..., la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26-3 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de Mademoiselle Sevil X... tendant à se voir reconnaître la nationalité française ;
Aux motifs propres que sur l'acquisition de la nationalité française au titre de l'article 21-13 du code civil, l'acquisition de la nationalité française par possession d'état de français est subordonnée à la souscription préalable d'une déclaration devant le juge d'instance ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, celle-ci ne justifie pas avoir déposé de déclaration sur ce fondement ; que les déclarations qu'elle a pu souscrire à un autre titre sont indifférentes à cet égard ; que Mlle X... n'est donc pas recevable à se prévaloir des dispositions de l'article 21-13 du code civil ; que le jugement entrepris doit être confirmé ; que Mlle X... ne justifiant à aucun titre de sa qualité de française doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Alors que, d'une part, il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en décidant, après avoir constaté qu'elle contestait la décision de refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite auprès du juge d'instance de Paris, 18ème arrondissement, sur le fondement de l'article 21-12 du Code civil, que Mlle X... ne peut se prévaloir de l'acquisition de nationalité par possession d'état de Français sur le fondement de l'article 21-13 du même Code, la Cour d'appel a violé les articles 12 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, le droit fondamental à un procès équitable implique celui d'un accès effectif au juge ; qu'en décidant, après avoir constaté qu'elle contestait la décision de refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite auprès du juge d'instance de Paris, 18ème arrondissement, sur le fondement de l'article 21-12 du Code civil, que Mlle X... ne peut se prévaloir devant elle de l'acquisition de nationalité par possession d'état de Français sur le fondement de l'article 21-13 du même Code alors qu'il résulte du principe de concentration des moyens qu'elle est tenue, à peine d'irrecevabilité d'une nouvelle demande de ce chef, de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature à fonder celle-ci, la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.