LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles R. 441-10 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Attendu que les dispositions du second de ces textes ne sont pas applicables lorsque la demande porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont Mme X..., salariée du Groupe hospitalier de l'Institut catholique de Lille (le GHICL), a été victime, le 2 janvier 2006, lequel a fait l'objet d'une déclaration sans réserve de son employeur ; que la caisse a informé Mme X... qu'elle prenait en charge la nouvelle lésion constatée, le 28 janvier 2006 ; que le GHICL a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours en inopposabilité de la prise en charge de cette lésion au titre de la législation professionnelle ;
Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt retient que l'obligation d'information pesant sur la caisse existe, dès lors que celle-ci diligente une mesure d'instruction, soit parce que l'employeur a émis des réserves, soit parce que la caisse, même en l'absence de réserves, a estimé une enquête nécessaire ; qu'il n'existe aucune raison objective d'écarter de ce dispositif les nouvelles lésions survenues avant consolidation, étant relevé que tant la circulaire de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés n 99/18 du 28 mai 1999 que la charte des accidents du travail et des maladies professionnelles invitent les caisses à respecter le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur, qu'il s'agisse de l'accident initial, d'une rechute ou d'une nouvelle lésion; que, par courrier du 1er février 2006, la caisse a informé le GHICL de la réception par ses services d'un certificat médical mentionnant une nouvelle lésion de Mme X..., de sorte qu'elle devait, préalablement à sa décision, assurer l'information du GHICL sur la procédure menée et sur les points susceptibles de lui faire grief ; que, dans la mesure où le GHICL n'a pas été invité à venir prendre connaissance des pièces du dossier, la caisse n'a pas respecté à son égard le principe du contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme X... était atteinte d'une nouvelle lésion, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne le Groupe hospitalier de l'Institut catholique de Lille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Groupe hospitalier de l'Institut catholique de Lille ; le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que la décision en date du 15 février 2006 prenant en charge, au titre de la législation professionnelle, la nouvelle lésion du 28 janvier 2006 de Mme X... est inopposable au GHICL ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu de l'article R 441-10 du Code de la sécurité sociale, "la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration de maladie professionnelle pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre 1er du titre IV du livre Ier et de l'article L 432-6, il est fait état pour la première d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle" ; que l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale précise que "hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.
En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés" ; que l'article R 441-14 ajoute que "lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" ;
qu'il ressort de ces dispositions que l'obligation d'information pesant sur la caisse existe dès lors que celle-ci diligente une mesure d'instruction, soit parce que l'employeur a émis des réserves, soit parce que l'organisme social, même en l'absence de réserves, a estimé une enquête nécessaire ; qu'il n'existe aucune raison objective d'écarter de ce dispositif les nouvelles lésions survenues avant consolidation, étant relevé que tant la circulaire de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs des salariés n°99/18 du 28 mai 1999 que la charte des accidents du travail et des maladies professionnelles invitent les caisses à respecter le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur qu'il s'agisse de l'accident initial, d'une rechute ou d'une nouvelle lésion ; que par courrier daté du 1er février 2006, la CPAM d'ARRAS a informé le GHICL de la réception par ses services d'un certificat médical mentionnant une nouvelle lésion concernant la salariée, Mme Chantal X... ; que dans ce courrier, la caisse précisait :
"Un avis médical est nécessaire pour que je puisse me prononcer sur le rattachement de cette nouvelle lésion à l'accident du 2 janvier 2006.
L'instruction de cette demande est en cours et une décision devrait être prise à cet égard dans le délai de trente jours à compter de la date mentionnée ci-dessus, en application de l'article R441-10 dit code de la sécurité sociale.
Dans l'hypothèse où un délai complémentaire d'instruction serait nécessaire au traitement de ce dossier, je ne manquerais pas de vous en aviser, en application de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale" ;
que cette correspondance révèle que la caisse, avant de prendre en charge la nouvelle lésion, a diligenté une instruction ; que dès lors, celle-ci devait, préalablement à sa décision, assurer l'information de l'employeur sur la procédure menée et sur les points susceptibles de lui faire grief ;
qu'il n'est pas contesté par la CPAM de l'ARTOIS que le GHICL n'a pas été invité à venir prendre connaissance des pièces du dossier ; qu'il est donc établi que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal des affaires de sécurité sociale d'ARRAS a considéré la décision de prise en charge de la nouvelle lésion inopposable à la société ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement frappé d'appel ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES l'article R. 411-10 du code de sécurité sociale vise la lésion nouvelle en précisant le délai dont dispose la caisse pour prendre sa décision en indiquant s'appliquer lorsqu' « il est fait état pour la première fois d'une lésion... présentée comme se rattachant à un accident du travail » ; que l'article R.441-11 du code de sécurité sociale relatif à la procédure d'information de l'employeur précise que cette procédure s'applique avant la décision de la caisse, sauf cas de reconnaissance implicite et en l'absence de réserves de l'employeur ; que de la combinaison de ces deux articles il se déduit que la caisse est tenue de respecter la procédure d'information de l'employeur, tant pour l'instruction préalable à la prise en charge de l'accident que pour l'instruction préalable à la prise en charge de lésions nouvelles survenues postérieurement ; que contrairement à ce qu'énonce la CPAM d'Arras, la jurisprudence n'a pas admis de façon constante qu'aucune disposition du code de sécurité sociale n'imposerait à la caisse le respect d'une quelconque procédure d'information de l'employeur dans le cas de nouvelles lésions ; que bien au contraire, la jurisprudence est constante pour rappeler la nécessité d'une procédure contradictoire en cas de lésions nouvelles et une circulaire du 20 mai 1999 l'a même précisé clairement ; qu'il est exact que CPAM d'Arras peut se prévaloir d'une jurisprudence de la cour de cassation du 11 juin 2009, d'ailleurs tellement isolée que dans ses premières écritures la CPAM d'Arras ne se fondait sur aucun élément jurisprudentiel ; que néanmoins, cette jurisprudence ne pourra qu'avoir une portée limitée dès lors que la cour de cassation était saisie de moyens afférents non au caractère contradictoire de la procédure mais à la preuve du lien de causalité entre les lésions nouvelles et l'accident du travail ; que pour répondre à l'argumentation initiale de la CPAM d'Arras précisant que le GHICL disposait de fait de tous les éléments d'information concernant la procédure d'instruction, il convient de relever que le GHICL n'a été destinataire que d'un certificat médical de prolongation non descriptif, puisque destinataire uniquement du volet n° 4, qu'il n'a pas eu connaissance de l'avis du médecin conseil qui lui fait évidemment grief et qu'il n'a pas été informé de la date à laquelle la caisse entendait prendre sa décision, le privant de fait de la possibilité de former toutes observations ; qu'en conséquence, la décision de la caisse en date du 15 février 2006 prenant en charge, au titre de la législation professionnelle, la nouvelle lésion de Mme X... mentionnée dans un certificat médical daté du 28 janvier 2006 sera déclarée inopposable au GHICL sans avoir besoin d'examiner l'autre moyen de fait surabondant ; qu'aucun élément ne permettant de prétendre que les prestations versées postérieurement se rattachent uniquement à cette nouvelle lésion, le tribunal ne dira pas inopposable au GHICL ces prestations à charge pour les parties, en cas de désaccord, de ressaisir le tribunal pour arbitrer, au terme d'une expertise médicale, les prestations imputables à la lésion initiale et celles imputables à la lésion nouvelle ;
ALORS QUE les dispositions de l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute, ne sont pas applicables à la décision de la Caisse de rattacher de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial ; qu'en l'espèce, il est constant que Madame X... après avoir été victime d'un accident du travail le 2 janvier 2006, a déclaré avant consolidation une nouvelle lésion ; qu'en disant inopposable à l'employeur la décision de la Caisse de rattacher cette nouvelle lésion à l'accident du travail initial après avoir diligenté une instruction, faute pour elle d'avoir respecté les dispositions de l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale lorsque ces dispositions étaient inapplicables à l'espèce, la Cour d'appel a violé les articles R. 441-11 à R. 441-16 du Code de la sécurité sociale.