LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 janvier 2008), que M. X..., salarié de la société Kermène (la société), a été victime le 26 août 2002 d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'il a adressé à cette caisse un certificat médical daté du 6 novembre 2002 mentionnant d'autres lésions consécutives à cet accident ; que la caisse a informé le 15 novembre 2002 la société de la réception de ce nouveau certificat médical puis, au vu d'un avis du médecin-conseil du 20 novembre 2002, a pris en charge ces lésions au titre de la législation professionnelle ; qu'ayant constaté que les conséquences financières de cet accident, incluant ces lésions, étaient portées sur son compte employeur de l'année 2003, la société a contesté l'opposabilité de la prise en charge des lésions constatées le 6 novembre 2002 devant la juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa contestation, alors, selon le moyen :
1° / qu'il incombe à la caisse qui décide, postérieurement à la prise en charge d'un accident du travail, de prendre en charge au titre de la législation professionnelle de nouvelles lésions apparues postérieurement, de rapporter en cas de contestation devant la juridiction de sécurité sociale la preuve d'un lien de causalité entre les nouvelles lésions et l'accident du travail initialement pris en charge ; que le juge ne peut fonder sa conviction que sur des pièces produites aux débats que les parties ont été mises en mesure de débattre contradictoirement ; qu'au cas présent, elle exposait, devant la cour d'appel, que la caisse ne produisait pas l'avis favorable à la prise en charge des nouvelles lésions donné par son médecin-conseil, de sorte qu'en se fondant sur le seul fait que le médecin-conseil aurait émis un avis favorable, sans aucunement constater qu'un tel avis était produit aux débats par la caisse et avait pu être discuté par la société, la cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du code de procédure civile ;
2° / que la décision de la caisse de prendre en charge des lésions a une incidence sur les droits patrimoniaux de l'employeur, de sorte que ce dernier doit disposer d'un recours effectif relativement aux conditions de la prise en charge ; que, s'agissant de déterminer si les nouvelles lésions présentent un lien de cause à effet avec l'accident du travail initial, l'effectivité du recours suppose que l'employeur puisse débattre contradictoirement des documents figurant au dossier médical du salarié et des diligences accomplies ayant permis au médecin-conseil d'émettre son avis ; que, s'agissant d'éléments couverts par le secret médical, la désignation d'un expert lui-même tenu au secret médical permet l'instauration d'un tel débat ; que viole dès lors les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1315 du code civil, la cour d'appel qui considère que la caisse justifie, au stade de la procédure judiciaire, sa décision de prendre en charge de nouvelles lésions au seul motif que le médecin-conseil a émis un avis favorable sur l'imputabilité de ces lésions à l'accident initial survenu dans les locaux de la société ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aucune disposition du code de la sécurité sociale n'imposait à la caisse le respect d'une quelconque procédure d'information de l'employeur dans le cas de nouvelles lésions ;
Que par ce seul motif, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kermène aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Kermène ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société Kermène
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société KERMENE de sa demande de constater que la CPAM des COTES D'ARMOR ne rapportait par la preuve que les nouvelles lésions de Monsieur X... étaient rattachées à l'accident initial et de dire que la décision de la CPAM de prendre en charge ces nouvelles lésions lui était inopposable et d'avoir débouté la société KERMENE de sa demande subsidiaire d'ordonner une expertise confiée à un expert chirurgien afin de se faire communiquer le dossier de Monsieur X... pour dire si la fracture des deux épaules avec rupture de la coiffe bilatérale dont fait état le certificat médical du 6 novembre 2002 pouvait être rattaché par un lien de cause à effet au traumatisme de l'épaule gauche constaté par le certificat médical initial du 26 août 2002 ;
AUX MOTIFS QUE « sur les conditions médico-légales de prise en charge de la nouvelle lésion, le 6 novembre 2002, le Centre Hospitalier de Loudéac a établi à l'encontre de M. X... un certificat médical de prolongation faisant état de nouvelles lésions à savoir : « fracture des deux épaules avec rupture de la coiffe des rotateurs ».
Afin de déterminer si ces nouvelles lésions étaient imputables à l'accident de travail survenu le 26 août 2002, la Caisse a interrogé le médecin conseil le 20 novembre 2002.
Celui-ci a émis un avis favorable à l'imputabilité de ces lésions, établissant ainsi clairement un lien avec l'accident de travail dont a été victime M. X... le 26 août 2002.
Il convient, dans ces conditions, de débouter également la Société KERMENE de sa demande tendant à faire juger que le lien entre la lésion nouvelle subie par M. X... et son accident du travail du 26 avril 2003 ne serait pas établi.
ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe à la CPAM qui décide, postérieurement à la prise en charge d'un accident du travail, de prendre en charge au titre de la législation professionnelle de nouvelles lésions apparues postérieurement, de rapporter en cas de contestation devant la juridiction de sécurité sociale la preuve d'un lien de causalité entre les nouvelles lésions et l'accident du travail initialement pris en charge ; que le juge ne peut fonder sa conviction que sur des pièces produites aux débats que les parties ont été mises en mesure de débattre contradictoirement ; qu'au cas présent, la société KERMENE exposait, devant la Cour d'appel, que la CPAM des COTES D'ARMOR ne produisait pas l'avis favorable à la prise en charge des nouvelles lésions donné par son médecin conseil ; de sorte qu'en se fondant sur le seul fait que le médecin conseil aurait émis un avis favorable, sans aucunement constater qu'un tel avis était produit aux débats par la CPAM et avait pu être discuté par la société KERMENE, la Cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la décision de la CPAM de prendre en charge des lésions a une incidence sur les droits patrimoniaux de l'employeur, de sorte que ce dernier doit disposer d'un recours effectif relativement aux conditions de la prise en charge ; que, s'agissant de déterminer si les nouvelles lésions présentent un lien de cause à effet avec l'accident du travail initial, l'effectivité du recours suppose que l'employeur puisse débattre contradictoirement des documents figurant au dossier médical du salarié et des diligences accomplies ayant permis au médecin conseil d'émettre son avis ; que, s'agissant d'éléments couverts par le secret médical, la désignation d'un expert luimême tenu au secret médical permet l'instauration d'un tel débat ; que viole dès lors les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1315 du Code civil, la Cour d'appel qui considère que la CPAM justifie, au stade de la procédure judiciaire, sa décision de prendre en charge de nouvelles lésions au seul motif que le médecin conseil a émis un avis favorable sur l'imputabilité de ces lésions à l'accident initial survenues dans les locaux de la société KERMENE.