LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nicolas X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 28 juin 2011, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Dan Y..., du chef de dénonciation calomnieuse, a, après relaxe du prévenu, prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande, et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifiée par la loi du 11 février 2004, 226-10 du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la constitution de partie civile de M. X... irrecevable et l'a renvoyé à mieux se pourvoir ;
"aux motifs que M. X... avait été embauché en qualité d'avocat salarié par M. Y... à son cabinet de Vence, à compter du 2 janvier 2001 ; qu'il avait démissionné, par courrier du 17 février 2004, avec effet au 12 mars 2004 ; qu'il avait saisi, par courrier recommandé du 18 juillet 2005, en application de l'article 142 du décret du 27 novembre 1991, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse, d'un litige concernant les conditions d'exercice de son contrat de travail au cabinet de M.
Y...
et de celles de sa démission ; que, dans le cadre de cette procédure, M. X... avait produit au soutien de ses demandes, d'une part, une lettre de recommandation établie en français et signée par M. Y... le 29 octobre 2003, et, d'autre part, une lettre de recommandation rédigée en anglais et prétendument signée par M. Y... ; qu'en l'espèce, M. Y... avait transmis au bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice, en pièce jointe, une lettre officielle écrite à M. X... le 28 octobre 2005 aux termes de laquelle il avait indiqué : "j'ai ainsi été amené à constater que vos activités de plagiat ne se cantonnent pas à des actes de contrefaçon de sites web d'un autre confrère chez qui vous avez également travaillé mais incluent également la production de faux tel que l'attestation de recommandation en anglais, en date du 29 octobre 2003 qui aurait été établie à votre profit par mes soins et que vous avez produite devant M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de Grasse ; que la production d'un faux document dans le but de tromper un bâtonnier en vue d'enrichissement personnel doit évidemment donner lieu à des suites judiciaires qui s'imposent avec vigueur" ; que la dénonciation avait été faite par M. Y... de manière spontanée en ce qu'elle n'était pas intervenue dans le cadre du débat prud'homal devant le bâtonnier de Grasse en réponse aux arguments du demandeur à l'instance mais avait été adressée au bâtonnier de Nice qui était un tiers par rapport aux parties ; que, toutefois, l'envoi par M. Y... du courrier susvisé au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice n'était pas de nature à entraîner une quelconque sanction à l'encontre de M. X... ; qu'il s'agissait d'une simple information destinée au bâtonnier concernant des faits soumis aux débats contradictoires et qui en tout état de cause ne pouvait donner lieu à poursuite ; qu'en conséquence, les faits dénoncés dans la citation délivrée par M. X... n'étaient pas constitutifs d'une infraction ;
1°) "alors qu'après relaxe du chef de dénonciation calomnieuse, les juges d'appel, saisis par le seul appel de la partie civile, ne peuvent régulièrement déclarer irrecevable la constitution de partie civile mais seulement statuer au fond sur celle-ci pour faire droit à la demande de réparation ou débouter la partie civile de ses demandes ; que, par suite en l'espèce, sur appel de M. X... contre un jugement de relaxe sur l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse, la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., a méconnu son office ;
2°) "alors qu'est calomnieuse la dénonciation d'un fait de nature à entraîner des suites disciplinaires ou judiciaires, effectuée auprès d'une autorité susceptible d'y donner une suite, notamment disciplinaire ; que le bâtonnier, qui, selon l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971, a le pouvoir de saisir l'instance disciplinaire compétente pour connaître des infractions et fautes commises par les avocats relevant de son barreau, est une autorité au sens de l'article 226-10 du code pénal susceptible de donner une suite disciplinaire aux faits reprochés à un avocat et visés par une dénonciation ; qu'en l'espèce, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice, dont relevait M. X..., avocat inscrit à ce barreau, qui avait été saisi d'une plainte déontologique imputant à celui-ci des faits de plagiat et contrefaçon de sites web et faux et usage de faux, avait donc le pouvoir de donner une suite disciplinaire auxdits faits ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a commis une erreur de droit ;
3°) "alors qu'est calomnieuse la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ; qu'à cet égard, des faits de plagiat et contrefaçon de sites web et de faux et usage de faux imputés à un avocat dans le cadre d'une plainte déontologique adressée au bâtonnier de celui-ci, qui constituent des infractions pénales, sont de nature à entraîner poursuites et sanctions disciplinaires à l'encontre de cet avocat ; qu'en l'excluant en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 226-10 du code pénal" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., avocat au barreaù de Nice, précédemment employé au cabinet secondaire exploité à Vence par son confrère, M. Dan Y..., a fait citer celui-ci devant le tribunal correctionnel de Nice du chef de dénonciation calomnieuse, pour avoir communiqué au bâtonnier de l'Ordre des avocats du ressort de cette juridiction la copie d'un courrier dans lequel il lui reprochait d'avoir produit devant le bâtonnier de l'Ordre du barreau de Grasse, au cours d'un litige né à l'occasion du contrat de travail qui les avait liés, une fausse lettre de recommandation en anglais en date du 29 octobre 2003, où il avait imité sa signature ; que le tribunal a relaxé le prévenu et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. X... ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel, en confirmant le jugement en ses dispositions déférées à la cour, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., alors qu'après relaxe du prévenu du chef de dénonciation calomnieuse par les premiers juges, elle aurait dû le débouter de ses demandes, la partie civile ne saurait s'en faire un grief, faute d'intérêt, ne subissant du fait de cette erreur aucun préjudice ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen pris en ses autres branches :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, et dire les faits de dénonciation calomnieuse non établis, l'arrêt énonce que l'envoi par M. Y... du courrier susvisé au bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice n'était pas de nature à entraîner une quelconque sanction à l'encontre de Nicolas X..., qu'il s'agissait d'une simple information destinée au bâtonnier concernant des faits soumis au débat contradictoire, et qui en tout état de cause ne pouvait pas donner lieu à poursuite, et qu'en conséquence, les faits dénoncés dans la citation délivrée par M. X... n'étaient pas constitutifs d'une infraction ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la dénonciation litigieuse portait à la connaissance du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice, auquel était inscrit M. X..., des faits de nature à constituer des infractions pénales et des fautes disciplinaires, et que le bâtonnier était une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 juin 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;