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26/06/2012 | FRANCE | N°11-11450

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2012, 11-11450


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire d'un compte-titres ouvert en 2000 auprès de la société Dubus, a effectué sur le marché à règlement mensuel, devenu service à règlement différé, des opérations qui ont engendré des pertes et une insuffisance de couverture de ses positions qui a atteint la somme de 31 351 euros au 6 janvier 2005 ; qu'après lui avoir demandé, à partir du 15 juin 2000, de régulariser ses positions, la société Dubus l'a assigné en paiement ; que M. X... a invoquÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire d'un compte-titres ouvert en 2000 auprès de la société Dubus, a effectué sur le marché à règlement mensuel, devenu service à règlement différé, des opérations qui ont engendré des pertes et une insuffisance de couverture de ses positions qui a atteint la somme de 31 351 euros au 6 janvier 2005 ; qu'après lui avoir demandé, à partir du 15 juin 2000, de régulariser ses positions, la société Dubus l'a assigné en paiement ; que M. X... a invoqué la forclusion de la demande et reproché au prestataire de services d'investissement d'avoir manqué à son obligation de liquidation des positions non couvertes ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, ensemble les articles L. 311-2 et L. 311-37 du code de la consommation, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X... et le condamner, après compensation, à payer une certaine somme à la société Dubus, l'arrêt retient que pendant la période des reports successifs des opérations à règlement différé effectuées par M. X..., la société Dubus s'est trouvée propriétaire des titres achetés par son donneur d'ordre et détentrice du prix de vente des titres cédés dont celui-ci repoussait le paiement ou la livraison, que l'entreprise d'investissement, quand bien même elle attendait que son client reconstituât la couverture pour dénouer les opérations en cours, n'était pas dans la situation d'un établissement dispensant un crédit à son cocontractant, et que les dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation n'étaient pas applicables ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence de l'opération de crédit invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report ;
Attendu que pour exonérer partiellement la société Dubus de sa responsabilité au titre de l'insuffisance de couverture des positions de M. X..., l'arrêt retient que celui-ci, informé en permanence de la situation de son compte et destinataire de plusieurs lettres recommandées par lesquelles le prestataire lui demandait de couvrir le débit de son compte, a délibérément choisi de reporter la liquidation de ses positions dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute imputée à M. X... n'aurait pu être commise en l'absence de celle de la société Dubus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Dubus aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société la société Dubus à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir partagé à égalité entre M. X... et la société DUBUS la responsabilité de l'insuffisance de couverture du compte portefeuille de 31.351,57 € au 6 janvier 2005, dit que la société DUBUS était redevable envers M. X... de la somme de 7.906,89 € à titre de dommagesintérêts pour perte d'une chance, sans préjudice d'un dommage complémentaire, calculé sur les bases ci-dessus précisées qui résulterait d'une majoration du débit consécutive à l'évolution du cours boursier après le 6 janvier 2005 et condamné, après compensation, M. X... à payer à la société DUBUS la somme de 7.770,42 € au titre de l'insuffisance de couverture du compte portefeuille arrêté à la date du 6 janvier 2005, sauf à parfaire en fonction de l'évolution du cours boursier;
AUX MOTIFS QU'"il ressort des éléments du dossier qu'Elie X..., par acte sous seing privé du 23 février 2000, a souscrit auprès de la société DUBUS une convention d'ouverture de compte de dépôt ordinaire n°2233222500; cette convention lui offrait la possibilité de passer des ordres sur le marché à règlement différé et d'y conclure des achats et ventes de titres dits "à découvert" régis par la Décision Générale du Conseil des Marchés Financiers (C.M.F.) n°2000-04 qui fixe les seuils minimaux de couverture exigibles pour ce type d'opérations; aux termes dudit contrat il donnait mandat à un nommé Alain Y... d'accomplir tous actes de gestion de son portefeuille; il a ainsi, du 25 février 2000 au 30 mars 2000, passé des ordres fréquents, souvent plusieurs dans la même journée, pour acquérir ou vendre diverses valeurs mobilières sur le marché du règlement mensuel telles qu'UBISOFT, INGENICO, SELF TRADE, THOMSON, LVMH, EQUANT, INFOGRAMES, LIBERTY, SURF, HIMALAYA; postérieurement au mois de mars 2000 il n'a plus effectué que quelques opérations espacées d'achat ou vente au comptant les 27 février 2001, 29 juillet 2002, 23 février et 11 mars 2004; à cette dernière date il opérait encore en Règlement Différé la vente de cinq cent titres INFOGRAMES et de quatre cent trente titres UBISOFT; parallèlement, son portefeuille se dégradait de manière sensible au point que ses positions, reportées de mois en mois avec l'accord de la société DUBUS qui acceptait de différer la liquidation des opérations laissées en suspens n'étaient dès lors plus couvertes dans les proportions prescrites par le Règlement général du Conseil des Marchés Financiers puis par la décision C.M.F. n°2000-04, de 20 % en espèces, 25 % en obligations ou 40 % en titres de capital;
L'insuffisance de couverture des engagements pris par Elie X... a été définitivement constituée à une date indéterminée au dossier mais antérieure ou concomitante au 7 avril 2000 où la société DUBUS comme il ressort de la fiche de suivi du compte versée aux débats, a adressé à son client une lettre de relance faisant état d'un avoir réalisable négatif de 8.419 €; ce découvert s'est graduellement élévé à la somme de 31.351,57 € au 6 janvier 2005, montant de la condamnation en principal prononcée par le tribunal;
C'est par des motifs pertinents et que la Cour adopte que le premier juge, après avoir relevé que pendant la période de reports successifs des opérations effectuées par Elie X... la société DUBUS était actuellement propriétaire des titres achetés par son donneur d'ordre et détentrice du prix de vente des titres cédés dont celui-ci repoussait la livraison en a déduit que l'entreprise d'investissement, quand même elle attendait que son client reconstituât la couverture pour dénouer les opérations en cours n'était pas dans la situation d'un établissement dispensant un crédit à son cocontractant; le délai de forclusion biennal auquel l'article L. 311-37 du code de la consommation assujettit les actions en paiement nées de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, ne lui est, partant, pas applicable;
Elie X..., s'il ne discute pas dans ses modalités de calcul la somme à laquelle la société DUBUS chiffre ses droits au 6 janvier 2005, nie en revanche le principe de la créance adverse "faute notamment de pouvoir déterminer précisément le solde débiteur dû lorsque, après confirmation de la dégradation du cours, elle aurait dû liquider les positions conformément à l'article 6 de la convention aux termes duquel la société DUBUS doit liquider d'office les positions insuffisamment couvertes par le client";
En premier lieu, si l'article 6 de la convention d'ouverture du compte énonce que "la société est en droit de procéder à la liquidation des positions insuffisamment couvertes", cette faculté reconnue à l'intermédiaire de bourse pour lui permettre de se protéger le cas échéant de l'insolvabilité du donneur d'ordre, ne saurait s'interpréter comme une stipulation impérative dont l'inexécution par la prestataire constituerait un manquement à ses engagements écrits;
La société DUBUS est dès à présent fondée à invoquer contre son client, titulaire d'un compte portefeuille, l'obligation qui pesait sur lui de couvrir ses engagements conformément à la réglementation en vigueur à laquelle la convention d'ouverture du compte faisait expressément référence, peu important que la provision à compléter soit sujette à varier quotidiennement suivant les fluctuations des cours boursiers;
Elie X..., lorsqu'il a souscrit la convention d'ouverture du compte du 23 février 2000 sous l'intitulé "la Charte DUBUS SA" a opté pour la possibilité de passer lui-même des ordres à la société de bourse plutôt que de confier à celle-ci la gestion de son portefeuille; il a, sous l'article 6 du contrat et au pied de l'annexe 1, apposé deux mentions distinctes aux termes desquelles, il déclarait avoir des connaissances suffisantes, boursières et techniques, pour pratiquer la vente à découvert et "passer des ordres en direct avec ou sans fil sur les marchés boursiers"; par deux autres mentions de sa main il a, sous l'article 18 et en conclusion de la convention, certifié avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions qu'il était susceptible de prendre sur les différents marchés et, plus généralement, de la totalité de la charte et de ses trois annexes; la société DUBUS, à l'article 6 de la convention, exposait à son client les obligations auxquelles il devrait se soumettre;
Il n'est pas prétendu qu'Elie X..., au moment de l'ouverture du compte, ait exercé une activité professionnelle qui l'aurait mis en rapport avec le monde des affaires en l'assurant d'une culture financière minimale; la "Fiche d'identité client" jointe au contrat et remplie par lui le même jour, 23 février 2000, le présente comme "Directeur de l'Office du Tourisme du Liban", domicilié à ALFORTVILLE; Alain Y... signataire de cette même fiche en raison du pouvoir qui lui était conféré de gérer les actifs qu'Elie X... réaliserait, s'y déclare quant à lui sans profession; sur le contrat Elie X..., s'il qualifiait de "suffisante" sa connaissance de certains instruments financiers et indiquait se fixer pour objectif prioritaire la constitution d'un patrimoine, ne fournissait à la société de bourse aucun élément susceptible de l'éclairer sur sa situation financière; la convention, qui le renvoyait dans son annexe 1 à consulter la rubrique "Evaluez vos aptitudes" sur le site Internet ou le service Minitel de l'établissement, ne lui proposait pour le reste qu'un rappel des caractéristiques et risques des différents modes d'investissement et techniques du marché, parmi lesquelles l'effet de levier du Règlement Mensuel et la vente à découvert; cette information, rédigée en termes généraux à l'intention de toute espèce de clientèle, ne comportait aucune mise en garde spécifique répondant aux besoins particuliers de l'investisseur signataire;
Il n'apparaît par suite pas que la société DUBUS ait, lors de l'ouverture du compte, ainsi que le lui prescrivaient les articles L. 533-4 du code monétaire et financier et 3-3-5 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers, alors applicables, procédé à l'évaluation de la compétence de son client, s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques courus dans ces opérations, ni qu'elle lui ait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation;
Le manquement de la société DUBUS à son devoir d'information, quand aucun élément objectif ne désignait Elie X... comme un opérateur averti, a privé celui-ci d'une chance de renoncer au projet d'effectuer des opérations à terme et d'échapper ainsi au risque de perte qui s'est finalement réalisé et a provoqué son appauvrissement;
Les titres sur lesquels portaient les investissements d'Elie X..., s'ils étaient peu variés, ne présentaient toutefois aucun caractère spécial qui les auraient rendus impropres aux opérations spéculatives dont ils étaient le support; la société DUBSU, du moment qu'Elie X... avait opté pour la possibilité de tenir seul son compte portefeuille en décidant lui-même ses investissements, n'avait pas à s'immiscer dans les choix de son client, dont le contrôle lui échappait; il ne peut donc être valablement fait grief d'avoir manqué à son obligation d'information ou de conseil vis-à-vis de son donneur d'ordre pendant la durée de fonctionnement du compte litigieux;
Par deux lettres recommandées des 15 juin puis 26 juillet 2000 dont les avis de réception ont été signés par Elie X... les 19 juin et 27 juillet suivants, la société DUBUS attirait l'attention de son client sur la quotité de ses engagements qui excédait les limites autorisées eu égard à l'actif en dépôt; elle renouvelait ces rappels le 7 février 2003 et le 17 janvier 2004 où elle invitait X... à résorber son débit par des apports en espèces ou en titres; entre temps le mandataire d'Elie Z..., Alain Y..., avait, dans un courrier daté du 15 juin 2000, proposé à la société DUBUS de redresser la situation du compte de son mandant avant le 20 juillet au plus tard; par un fax du 22 août 2000 Alain Y... sollicitait de la société de bourse un moratoire de huit mois pendant lequel il s'obligeait à effectuer des versements périodiques "pour justifier la bonne foi de régulariser"; cette correspondance d'un fax d'accompagnement daté du même jour où il exprimait littéralement son assentiment "sur le projet proposé par M. Alain Y..."; de fait, il n'est pas contesté qu'entre le 27 février 2000 et le 3 février 2004 des sommes ont été versées à plusieurs reprises sur le compte portefeuille d'Elie X... à des dates où il se trouvait en insuffisance de couverture; comme le relève justement le tribunal, Elie X..., dès lors qu'il avait approuvé cette façon de procéder, n'est pas fondé à prétendre qu'Alain Y..., en effectuant des versements, serait sorti du champ du mandat de gestion dont il était investi et aurait de la sorte accompli des actes auxquels l'intermédiaire financier aurait dû opposer un refus;
L'article 4-1-35-1 du Règlement général du C.M.F. dispose que "le prestataire qui reçoit un ordre à règlement ou livraison différés ne peut accepter un tel ordre de la part de l'investisseur que s'il obtient de celui-ci la constitution d'une couverture, soit dans ses livres, soit dans les livres du teneur de compte conservateur s'il n'assure pas lui-même cette fonction"; ce texte énonce encore que "lorsque le donneur d'ordre n'a pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture ou rempli les engagements résultant de l'ordre exécuté pour son compte, le prestataire habilité procède à la liquidation partielle ou totale de ses engagements ou positions"; la décision n°2000-04 du C.M.F. en date du 30 août 2000 vient préciser dans ce même sens que la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés initialement constituée est réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position ellemême et des actifs admis en couverture de cette position, de telle sorte qu'elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis; dans cette hypothèse le prestataire met en demeure par tous moyens le client de compléter ou reconstituer sa couverture de marché; à défaut de complément ou de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire prend les mesures nécessaires pour que la position du client soit à nouveau couverte; sauf à ce que le prestataire et le client soient convenus de modalités différentes, le prestataire commence par réduire la position du client avant de réaliser tout ou partie de la couverture;
Elie X... relève que si sa position, à partir du moment où elle était insuffisamment couverte, avait été aussitôt liquidée par la société DUBUS, il n'aurait pas laissé s'accumuler l'important solde négatif dont il lui est demandé de répondre aujourd'hui; la société intermédiaire de bourse ne peut donc prétendre être indemnisée d'un préjudice dont la cause réside dans sa propre faute; au contraire, elle doit supporter le dommage occasionné à son client;
Mais attendu qu'Elie X..., informé en permanence de la situation de son compte et de la répartition de son portefeuille par le truchement du serveur "BOURSE DUBUS on ligne" auquel il lui était loisible de se connecter à tout instant, et destinataire de courriers épistolaires par lesquels l'intermédiaire de bourse, dès le 15 juin 2000, a insisté auprès de lui pour qu'il remédie au débit de son compte, avait lui-même le pouvoir, dès lors que le solde négatif de son compte révélait des pertes, de liquider de son propre chef ses positions, sans que cette décision l'expose à une mise de fonds dont il n'aurait pas eu la disponibilité; c'est donc délibérément qu'Elie X..., après avoir passé néanmoins ses derniers ordres en mars 2004, a choisi, en opposant aux exhortations de la société de bourse le versement d'acomptes effectué par son mandataire, de reporter la liquidation de ses engagements dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable à leur dénouement;
Toutefois la société DUBUS, en s'abstenant de liquider les positions de son client comme les règles du marché le lui commandaient au cas où l'intéressé omettrait de régulariser sa situation, a elle-même commis une faute dont elle doit répondre dans la mesure de l'aggravation du solde débiteur qui en est résultée; à cet égard l'article L. 533-4 du Code Monétaire et Financier dans sa rédaction applicable lui faisait obligation de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs en même temps que l'intégrité du marché;
Dans ces conditions, la responsabilité du débit du compte doit, à proportion des fautes respectivement commises par Elie Z... et par la société DUBUS, être partagée par moitié entre les deux parties contractantes, soit à la charge de chacune d'elles la somme de 15.677,28 €;
Le défaut d'une information appropriée dispensée par la société DUBUS à son client lors de l'ouverture du compte s'est traduite, pour Elie X..., par la perte d'une chance d'échapper par une décision peut être plus judicieuse au risque qui s'est finalement réalisé; les versements qu'il a effectués son compte s'élevant à la somme non contestée de 23.854,04 € et le déficit du compte dont il doit assumer la charge à celle de 15.677,28 €, le dommage d'Elie X... ressort, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, à la somme de 7.906,86 € correspondant à 20 % de l'assiette de calcul ainsi définie;
Par suite de la compensation à opérer entre, d'une part la quotité du déficit du compte portefeuille dont Elie X... est redevable envers la société DUBUS et, d'autre part, l'indemnisation pesant sur cette dernière au titre de la perte d'une chance, la dette du client représente la somme résiduelle de 15.677,28 – 7.906,86 = 7.770,42 €, sans préjudice de l'application du même pourcentage de 20 % à la moitié des majorations ultérieures du débit, qui découleraient de l'évolution du cours boursier;
Le dommage occasionné par la perte d'une chance de choisir un investissement en bourse moins risqué englobe parmi ses éléments d'appréciation l'éventualité dans laquelle l'investisseur aurait tiré des fruits d'un autre placement plus prudent; ce préjudice virtuel, compris dans la chance perdue, ne saurait donc donner lieu à une indemnisation séparée;
Elie A... ne prouve pas que la méconnaissance par la société DUBUS des règles de bonne conduite relatives à la couverture des ordres avec service de règlement et de livraisons différés, soit à l'origine d'un dommage particulier qui se serait pas déjà réparé par l'imputation à la charge de la société de bourse du débit du compte produit par sa faute";
ALORS D'UNE PART QUE constitue un crédit à la consommation, l'opération par laquelle le prêteur consent à l'emprunteur un délai pour rembourser le prêt ou payer le prix de la vente ou de la prestation de service après livraison du bien ou exécution de cette prestation, que le prestataire de services d'investissement qui finance à découvert les reports décidés par lui d'opérations de service avec règlement différé à la couverture insuffisante, consent un crédit à son client, de sorte que la Cour d'appel qui, pour décider que la société DUBUS, en reportant successivement depuis mars 2000, pendant plus de trois mois, les opérations de service à règlement différé de M. X..., n'était pas dans la situation d'un établissement dispensant un crédit à son cocontractant, retient que l'entreprise d'investissement "était actuellement propriétaire des titres achetés par son donneur d'ordre et détentrice du prix de vente des titres cédés dont celui-ci repoussait la livraison", a violé par refus d'application les articles L. 311-3 et L. 311-37 du Code de la consommation;
ALORS D'AUTRE PART SUBSIDIAIREMENT QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qu'en l'espèce, Monsieur X... et la société DUBUS précisaient toutes deux que la dernière opération d'achat sur le marché mensuel, devenu marché à règlement différé, effectuée par Monsieur Z... avait eu lieu le 29 mars 2000, de sorte que la Cour d'appel qui pour retenir une faute du donneur d'ordre, relève que Monsieur Z... avait délibérément passé ses derniers ordres sur le marché à règlement différé en mars 2004, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile;
ALORS ENFIN QUE le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordres sur le marché à règlement mensuel est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui ci n'a pas remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordres ont été reportées et que celui-ci n'a pas réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report, qu'en l'espèce la Cour d'appel a retenu que la société DUBUS en s'abstenant de liquider les positions de son client avait commis une faute dont elle devait répondre dans la mesure de l'aggravation du solde débiteur, de sorte qu'en relevant pour limiter l'étendue de la responsabilité de la société d'investissement et ordonner un partage de responsabilité avec son client, que M. X... qui avait été informé en permanence de la situation de son compte et de la répartition de son portefeuille, avait le pouvoir de liquider de son propre chef ses positions et avait choisi de reporter la liquidation de ses engagements dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11450
Date de la décision : 26/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Prestataire de services d'investissement - Marché à règlement différé - Couverture - Défaut - Liquidation d'office - Défaut - Effets - Responsabilité du prestataire

Le prestataire de service d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report. En conséquence, la faute résultant du défaut de régularisation de ses positions commise par le titulaire d'un compte-titres, qui effectuant sur le marché à règlement différé des opérations qui ont engendré des pertes et une insuffisance de couverture, ne peut être commise en l'absence de celle du prestataire de service d'investissement auprès duquel est ouvert ce compte et qui n'a pas procédé à la liquidation des positions de son client dans le délai imparti


Références :

article 1147 du code civil

article L. 533-4 du code monétaire et financier

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jui. 2012, pourvoi n°11-11450, Bull. civ. 2012, IV, n° 133
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 133

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Riffault-Silk
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11450
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