LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., de nationalité française, et M. Y..., de nationalité britannique, demeurant tous deux au Royaume-Uni, ont, après avoir obtenu l'agrément des services sociaux britanniques, adopté, par décision du 18 juillet 2008 du tribunal du comté de Pontypridd, A...
Z..., né le... 1998 ; que, le 7 juillet 2009, MM. X... et Y... ont sollicité l'exequatur de cette décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le parquet général près la cour d'appel de Paris fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux, de sorte qu'en reconnaissant l'adoption conjointe par deux personnes non mariées, la cour d'appel a violé l'article 346 du code civil, dont les dispositions relèvent de l'ordre public international français ;
Mais attendu que l'article 346 du code civil qui réserve l'adoption conjointe à des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français ; que le grief n'est donc pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 509 du code de procédure civile, ensemble l'article 310 du code civil ;
Attendu qu'est contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation, la reconnaissance en France d'une décision étrangère dont la transcription sur les registres de l'état civil français, valant acte de naissance, emporte inscription d'un enfant comme né de deux parents du même sexe ;
Attendu que pour ordonner l'exequatur du jugement étranger, l'arrêt retient que cette décision, qui prononce l'adoption par un couple non marié et qui partage l'autorité parentale entre les membres de ce couple, ne heurte aucun principe essentiel du droit français et ne porte pas atteinte à l'ordre public international ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, cette adoption avait pour effet de rompre les liens de filiation antérieure de l'enfant de sorte que la transcription de la décision étrangère sur les registres de l'état civil français emporterait inscription de l'enfant comme étant né de deux parents de même sexe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2011 tel que rectifié le 31 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné l'exequatur de la décision rendue le 18 juillet 2008 par le tribunal de Pontyrpridd ;
AUX MOTIFS QUE « pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et l'absence de fraude à la loi ; que M. B...
X..., né le... 1972 à Lyon, de nationalité française, et M. C...
Y..., né le... 1961 à ... (Royaume-Uni), de nationalité anglaise, vivent ensemble depuis seize ans et sont domiciliés à... (Royaume-uni) ; qu'à l'issue d'une procédure judiciaire de retrait de l'autorité parentale des parents biologiques, de placement en vue de l'adoption de l'enfant A...
Z..., né le... 1998 au pays de Galles, et l'obtention par MM X... et Y... de l'agrément des services sociaux, l'adoption conjointe de l'enfant par les appelants a été prononcée par un jugement du tribunal de Pontybridd en date du 18 juillet 2008, qui a dit que l'adopté porterait désormais le nom de A...
Z...
X...- Y... rectifié par arrêt du 31 mars 2011 : l'adopté porterait désormais le nom de A...
Z...
X...- Y... ; qu'il est constant que ce jugement est exécutoire et a qu'il a été transcrit à l'état civil ; que, contrairement à ce que soutient le ministère public, la décision étrangère qui prononce l'adoption par un couple non marié qui partage l'autorité parentale entre les membres de ce couple ne heurte aucun principe essentiel du droit français ; que ne méconnait pas davantage de tels principes une procédure étrangère qui, comme en l'espèce, permet à l'autorité judiciaire de retirer aux parents biologiques leur autorité parentale et de prononcer, en se fondant sur le consentement du gardien, une adoption ayant pour effet de rompre les liens de filiation antérieurs ; qu'ainsi, en l'absence d'atteinte à l'ordre public international, et dès lors que les circonstances de l'espèce caractérisent le rattachement de la procédure d'adoption au juge britannique et qu'aucune fraude n'est alléguée, il convient, infirmant le jugement entrepris, de constater que les conditions de l'exequatur de la décision du tribunal de Pontypridd sont réunies » ;
ALORS d'une part que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux, de sorte qu'en reconnaissant l'adoption conjointe par deux personnes non mariées, la cour d'appel a violé l'article 346 du code civil, dont les dispositions relèvent de l'ordre public international français ;
ALORS d'autre part que le juge doit vérifier que sa décision pourra être exécutée et qu'elle ne conduit pas à créer une obligation juridique subséquente sur le territoire national, qui serait elle-même contraire à l'ordre public ; qu'en l'espèce, l'exequatur de la décision anglaise devrait conduire à la transcription de l'adoption sur les registres de l'état civil français, valant acte de naissance, dans lequel l'enfant sera dit être né de deux parents du même sexe, heurtant ainsi les dispositions d'ordre public relatives à la filiation, qui interdisent l'établissement conjoint de la filiation par deux personnes du même sexe ; qu'en accordant l'exequatur, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile ensemble les principes essentiels du droit français régissant l'établissement de la filiation.